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Miser Sur La Vallee Du Fleuve Senegal

Miser Sur La Vallee Du Fleuve Senegal

L’Egypte est un don du Nil, disait Hérodote ! Le territoire de l’Égypte est constitué principalement de désert. Seuls 35 000 km2, soit 3,5 % de la superficie du pays, sont cultivés et habités de manière permanente. On estime que près de 90 % de la population égyptienne vit ainsi dans la vallée et le delta du Nil. Au plan agricole, l’Egypte est aujourd’hui autosuffisante en riz, sucre, légumes, fruits, produits laitiers, œufs etc. Comparé au Sénégal, on peut dire que notre pays n’est pas encore un don du fleuve Sénégal.

Au contraire, la vallée du fleuve, chez nous, est l’un des principaux centres d’émigration des jeunes vers la France, les USA, l’Afrique centrale. Pourtant, la vocation agricole de cette zone ne saurait souffrir de doute. Pourquoi nos compatriotes n’ont-ils pas été encouragés à s’installer dans la vallée du fleuve Sénégal depuis les indépendances ? Une chose est sûre : on est loin de la réalisation de l’objectif que s’était fixé le président socialiste Abdou Diouf pour cette partie de notre pays, à savoir « Faire de la vallée la Californie du Sénégal » ! Hélas, dans ce pays, on a surtout encouragé « les cultivateurs du dimanche » comme on appelait les fonctionnaires détenant des champs dans la zone de Sangalkam, Niaga, Niacoulrab etc. Pourquoi privilégier la création de nouveaux centres favorisant la « rurbanisation » comme Diamniadio et non celle de centres ayant une vocation agropastorale à proximité de la moyenne et la basse vallée du fleuve Sénégal entre Podor et Saint Louis ?

Cette situation est à mon sens imputable à la politique de décentralisation menée dans notre pays, qui s’est plutôt concentrée sur des problématiques administratives de répartition des responsabilités et de pouvoirs entre Etat Central et collectivités décentralisées, au détriment du volet aménagement et spécialisation économique des territoires selon leurs dotations naturelles en facteurs de production. La vallée du fleuve Sénégal correspond à la partie nord du Sénégal. Elle s’étire sur près de 650 km et englobe les régions administratives de Saint-Louis, de Matam et de Tambacounda. Il est connu et reconnu que notre pays est doté de ressources en eau en quantité suffisante, composées de nappes souterraines et eaux de surface utilisées dans l’alimentation humaine, l’agriculture et l’industrie pour l’essentiel, même si la qualité pose des problèmes de retraitement pour les eaux souterraines. Celles-ci souffrent en effet de salinisation, d’excès de fluorures (dans le bassin arachidier), de teneur en fer élevée, mais également de pollution du fait de l’homme. Pour ce qui concerne l’agriculture, les eaux souterraines sont utilisées pour le maraîchage dans la zone des Niayes qui concentre 80 % de la production nationale, mais souffrent de l’intrusion saline découlant de leur surexploitation.

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Par ailleurs, une forte pression foncière s’exerce sur les exploitants agricoles de cette zone au profit de promoteurs immobiliers. S’agissant des eaux de surface, le Sénégal dispose principalement de l’eau de la vallée du fleuve Sénégal. Une politique de construction de barrages à usage agricole et hydroélectrique a été mise en œuvre au lendemain de la sécheresse des années 73. A cet effet les barrages de Manantali et de Diama ont été construits sous l’égide de l’OMVS. Manantali est un barrage régulateur, hydroélectrique. Diama (27 km de Saint Louis), dédié à l’agriculture, est un barrage anti-sel conçu pour bloquer l’intrusion saline qui, auparavant, rentrait à l’intérieur des terres situées en amont sur environ 150 km et les rendait impropres à la culture. Il permet la mise à disposition d’une eau douce en quantité suffisante pour l’agriculture. Avec l’érection des barrages, 240 000 hectares de terres étaient rendus potentiellement irrigables. Hélas, sur cette superficie, seuls 130 000 sont irrigués depuis 1989, date de mise en service de Diama.

En comparaison avec l’hydraulique urbaine en charge de l’alimentation en eau potable (SONES/SDE) des populations de Dakar et autres centres urbains, une eau tirée du Lac de Guiers d’une capacité de 380 millions de m3 (lui-même alimenté par les eaux du fleuve Sénégal pour partie) et transportée sur 250 km via des conduites de transport onéreuses, on peut déplorer la faiblesse des aménagements hydroagricoles et des équipements réalisés depuis 1989, date de mise service du barrage de Diama. Avec l’érection des barrages, sur 240 000 hectares potentiellement irrigables, seuls 130 000 hectares sont actuellement irrigués, soit la moitié des terres seulement après plus de 30 années, faute de promoteurs et de ressources financières. Si beaucoup d’aménagements hydroagricoles ont été réalisés, beaucoup se sont aussi considérablement dégradés et ont été abandonnés, faute d’entretien et de renouvellement des équipements. Or, des infrastructures de bonne facture auraient pu susciter l’intérêt du secteur privé pour l’agriculture irriguée, à la condition que les promoteurs puissent évoluer dans un environnement permettant la satisfaction de leurs besoins essentiels ainsi que ceux de leurs familles.

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En effet, il faut créer des centres urbains dans lesquels ils puissent trouver des écoles, des hôpitaux, des écoles de formation, de l’eau potable, de l’électricité, des voies rapides en cas d’urgence sanitaire, bref tous les services sociaux de qualité qu’ils abandonneraient en migrant de leurs lieux de résidence habituels vers ces zones agricoles. Il faudrait dans le même ordre d’idée réhabiliter les villes du Delta comme SaintLouis, Dagana et Podor.

Evidemment, tout cela devrait relever d’une politique de décentralisation adossée à une stratégie d’aménagement du territoire en lien avec les objectifs de développement économique et social du pays. D’autant plus qu’au-delà de la question de la disponibilité de l’eau, le problème du foncier n’est pas encore résolu. Dans un communiqué de presse du 29 avril 2021, élaboré à l’issue de la 3ème revue du programme appuyé par l’instrument de coordination de la politique économique et un nouvel accord de financement sur dix-huit mois pour un montant total de 453 millions de DTS, les services du FMI ont insisté sur l’accélération des réformes relatives à la gestion des droits fonciers et de propriété. C’est dire que la solution de cette question conditionne l’implication du secteur privé national et étranger dans l’exploitation des grands aménagements agricoles de la vallée. La commercialisation des produits est tout aussi importante et nécessite une politique tout aussi claire de protection des initiatives locales et de régulation du marché intérieur.

Pour suivre l’exemple de l’Egypte, il devrait s’agir pour le Sénégal de promouvoir une agriculture de substitution aux importations pour l’équilibre de notre balance commerciale et notre sécurité alimentaire. L’une des leçons tirées de la pandémie du COVID est qu’en cas de crise, les pays se tournent vers la satisfaction de leurs besoins alimentaires intérieurs et même « surstockent » au détriment des exportations vers des pays comme les nôtres, structurellement importateurs de produits alimentaires.

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Enfin le croît de la population mondiale relié à la dégradation des sols dans le monde, l’orientation vers d’autres modèles agroécologiques, doivent alerter sur les risques de baisse tendancielle de la quantité des produits alimentaires exportés par les pays européens ou asiatiques. En matière agricole, le Sénégal subit sur son marché intérieur la concurrence des produits européens et maghrébins (Maroc en particulier), et exporte des produits horticoles et ses graines d’arachide vers l’Europe et la Chine. L’agriculture sénégalaise n’est pas compétitive face à celle d’Europe qui bénéficie de subventions massives. Le Maroc, exportateur d’agrumes au Sénégal malgré le stress hydrique qui le caractérise, a très tôt instauré une politique hardie de construction de barrages et d’aménagements hydroagricoles.

Faute de compétitivité, et contraint de développer son agriculture pour faire face aux besoins d’une population en forte croissance démographique, le Sénégal doit mener une autre politique de substitution aux importations en matière agricole, et promouvoir l’initiative privée locale en redéployant les ressources publiques vers la production agricole tournée vers le marché intérieur et sous régional.







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