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Avortement Médicalisé Au Sénégal : Un Débat Qui Doit être Approfondi

Avortement Médicalisé Au Sénégal : Un Débat Qui Doit être Approfondi

Les sorties d’Oustaz Makhtar Sarr contre Malal Talla alias « fou malade » sur la thématique de l’avortement médicalisé au Sénégal sont pleines d’enseignements sur l’évolution de la pensée islamique au Sénégal. Contrairement à ce que certains prêcheurs musulmans pensent souvent, l’islam n’est pas simplement un ensemble de codes de conduites figées, mais il est aussi une mode de vie, un cheminement vers une source spirituelle. Métaphoriquement parlant, les routes goudronnées qui mènent à l’aéroport ne sont pas l’aéroport même si elles nous indiquent l’aéroport.
 
À travers cette métaphore de routes goudronnées avec toutes les indications et contre-indications, nous entendons indiquer que les règles de l’Islam sont faites pour mieux nous conduire vers la source finale pour entamer notre envol vers Dieu. Des sorties de ce genre sembleraient indiquer qu’au Sénégal, la plupart de nos prêcheurs musulmans mettent l’accent plus sur les règles et oublient leurs finalités. Les cinq piliers de l’Islam tels que la prière rituelle, l’acquittement du Zakât (ou impôt légal), jeûner le mois de Ramadan, le pèlerinage à la Mecque ne sont que des moyens dont l’ultime finalité est d’atteindre sa plénitude humaine (al-Insān al-Kāmil ).
 
Ainsi, le/la musulman-e est amené-e à faire un travail d’introspection pour donner un coup d’arrêt aux turpitudes de ses propres démons dans l’espoir une élévation spirituelle dans une communion totale avec son Seigneur. De ce point de vue, l’islam permet ce voyage intérieur dans soi, pour soi et vers soi pour retrouver (ou même rechercher) cette lumière enfouie en nous, la Fitra. Face à sa lourde responsabilité de quête de soi, d’éducation de soi, le/la musulman-e ne doit jamais avoir le temps de regarder sur le miroir de l’autre ou jeter une pierre au jardin de l’autre pour le/la fustiger.
 
Et paradoxalement au Sénégal, tel semble être souvent le cas avec des prêcheurs musulmans qui lisent le Coran avec les lunettes du 7 siècle pour juger et condamner définitivement sans aucune considération du contexte, de la culture et des circonstances de vie. Plus grave encore, nous entendons de plus en plus des discours islamiques qui sortent des individus de l’islam pour avoir simplement mal posé une question ou interprété un verset coranique. À ces« experts » et « garants » du texte coranique, nous leur dirons simplement que le Coran n’a jamais cessé d’être de l’objet d’interprétations au cours de l’histoire même du temps du Prophète (PSL) (Veuillez lire sur la Maison de la sagesse en Iraq avec les Mutazilites au 9 siècle).
 
Une bonne approche dans l’exégèse du texte coranique doit être fondée sur les dimensions du Fahm et du Hikma, sagesse. Mémoriser et le texte et les règles du droit islamique ne signifie pas nécessairement comprendre le texte au sens de ses finalités, encore moins en connaître les sagesses. En cela, le Coran nous avertit en ces termes : « La sagesse signifie la réflexion, le bon sens, la rationalité et le discernement. Celui qui la reçoit saurait avoir des positions réfléchies et sensées ; discerner entre le vrai et le faux, et le bien et le mal ; méditer, et comprendre le texte coranique. Ceux qui possèdent la sagesse sont censés suivre l’exemple des prophètes qui l’ont reçue. Dieu dit avoir enseigné la sagesse à Issa, Jésus : Et à Dawoud (David) (La Vache 269 :48)
 
À la lumière de ce verset coranique ci-dessus, les questions et questionnements des sénégalais sur l’avortement médicalisé ne devraient pas être perçus comme anti-coranique ou mépris de l’islam, mais une occasion pour tous les Ulémas du Sénégal de se réunir pour débattre de la question et éclairer les lanternes des sénégalais et en sortir des principes clairs qui épousent les réalités contextuelle, circonstancielle et culturelle du Sénégal.
 
Ne-ce serait que le temps de bien étudier les tenants et les aboutissants de ce verset coranique, nos prêcheurs musulmans doivent suspendre leur jugement sur les personnes le temps d’une découverte de soi. Les questionnements des sénégalais sur de brulants sujets que l’avortement, le viol et la prostitution ne doivent pas des occasions de rejet et de caricature, mais de belles opportunités de relecture du Coran à la lumière du contexte, de la culture et des circonstances de vie du pays. Ainsi devrions-nous toujours se munir de ces 3 questions que les Mutazilites avaient l’habitude d’appliquer sur toute question de société : Que dit le texte coranique ? Dans quel contexte ?  Pour quelles circonstances de Vie?
 
En définitive, nous avouons que les principes fondateurs de l’Islam ne changent pas et restent éternels, mais l’esprit humain qui les lit doit toujours être renouvelé et équipé avec les lunettes de son contexte, de sa culture et des circonstances de vie pour chercher les objectifs et finalités éthiques supérieurs. De ce point de vue, tout prêcheur musulman qui parle au nom de l’islam devrait faire ce travail en amont.
 
Qui sait vraiment toute la sagesse derrière le texte coranique? Si ce n’est que Dieu et son Prophète (PSL) ? Devrions-nous alors suspendre nos jugements sur les humains et à nous atteler à cultiver et à bien entretenir notre propre jardin spirituel?
 
Moustapha Fall,
Enseignant-chercheur,
UGB

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