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Sauver L’ecole Publique, Un Imperatif Qui Incombe D’abord Aux Syndicats D’enseignants

Sauver L’ecole Publique, Un Imperatif Qui Incombe D’abord Aux Syndicats D’enseignants

Personne n’est plus interpellé, Personne n’est mieux placé que le Corps enseignant et ses Organisations professionnelles (syndicats) pour sauver l’Ecole publique et lui éviter le dépérissement progressif en faveur d’une privatisation souhaitée par un Ordre économique mondial néo-libéral fondamentalement mercantile, usurier et inhumain. Il n’y a pas non plus deux moyens, pour ces derniers, de peser de tout leur poids et infléchir cette trajectoire périlleuse pour un pays en développement et son Peuple tout entier, qu’un certain extrémisme ou maximalisme «syndical» cherche à imprimer au cours des choses dans un secteur aussi névralgique que l’Education et la formation de sa jeunesse.

Le premier acte à poser consiste donc à faire revenir la confiance et la crédibilité des acteurs de l’institution auprès des communautés, qui passe par la qualité des acteurs eux-mêmes, leur engagement sociétal soutenu qui débouchent sur la qualité des livrables de l’institution à la société. Dans ce cadre, il devient impérieux, la prise de conscience de la spécificité de son statut d’enseignant, de sa fonction dans la société, nulle part égalée, peu importe l’échelle par laquelle celle-ci est mesurée par l’Etat ou la société elle-même ( celle-ci ne peut être réelle), d’asseoir un rapport à la profession fondé sur la dévotion, un rapport à l’autre, à l’enfant, à la communauté, basé sur le principe de la modélisation, un rapport au métier, au contenu pédagogique innervé par la science et les nouvelles technologies et la soif d’une formation tout le long de la vie.

En un mot, il s’agit de faire revenir la qualité au sein de l’espace scolaire où l’enseignant reste le principal acteur et artisan, pour renouer avec la confiance. Au demeurant, l’ouverture des classes 2021- 2022, en chapeau de roues avec des conférences de presse alarmistes tout azimut de leaders syndicaux dans un contexte de cacophonie politicienne électoraliste, montre à suffisance la gravité de l’l’heure, l’approfondissement de la fracture sociale entre les acteurs de l’Ecole publique et les populations, au désarroi, rudement éprouvées par une crise économique et sanitaire sans précédent et qui perdure.

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C’est à peine si l’on n’assiste pas au sauve-qui-peut, pour le Privé, de ceux qui en ont les moyens, l’Ecole publique se vide et est en passe d’amorcer l’autre versant abyssinal de la montagne. Pour la plupart de ceux qui restent, ils sont la proie de la désillusion, le désenchantement, la lassitude des débrayages intempestifs, le désamour avec l’Ecole, les études et finissent par s’enrôler dans les contingences du désespoir. Ainsi, tous les marqueurs sociaux et économiques seront impactés : taux d’abandons ou d’échecs scolaires, taux brut de scolarisation, seuil de pauvreté, Indice de développement humain, taux de chômage, délinquance, violences, criminalité, niveau des investissements, de la productivité et de la production nationale, de la capacité de consommation du pays.

Le pays piétine. Chers collègues, l’heure est grave, même nos propres enfants ne fréquentent plus nos propres établissements. Seuls ceux qui n’ont pas le choix et, encore avec un supplément de surcharge pour répétiteur à la maison, et les ressortissants des pays limitrophes sont encore dans nos établissements publics. Ceci doit-il ou peut-il continuer ? Nous sommes tous interpellés. En outre, le deuxième acte pour réconcilier l’Ecole et les communautés, l’Ecole et la Société et qui dépend exclusivement des Syndicats d’Enseignants et des Enseignants euxmêmes, qui les mandatent (s’il y a encore mandat), c’est de couper le mal à la source et la source du discrédit de l’Ecole publique et des syndicats d’enseignants aux yeux de l’opinion, ce qui n’est pas débat aujourd’hui, c’est l’instabilité chronique pour des questions souvent accessoires par rapport à d’autres et qui n’auraient jamais dû être mises en balance avec l’avenir d’une âme en construction.

Bannissons à jamais l’extrémisme et l’opportunisme avec la surenchère syndicale, l’étroitesse de la perception corporatiste dans l’espace scolaire. Bien sûr des facteurs conjoncturels et structurels (Plans d’ajustements structurels), endogènes et exogènes (Jomtien 1992 et Plans décennaux de l’éducation) avec leur cortège de précarités ont été à la base de cet enrôlement corporatiste débridé, mais aujourd’hui il faut aller vers de grands ensembles, plus crédibles, capables de pacifier le secteur et restaurer la stabilité dans l’espace scolaire, sans laquelle il est illusoire de pouvoir semer autre chose que du vent. Loin de moi de renoncer à la revendication qui est très utile, constructive, si elle est pertinente, fédératrice et mesurée.

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Il s’agit donc, en tout temps et en tout lieu, pour le syndicaliste, de pouvoir faire preuve de discernement entre l’essentiel et l’accessoire, le global et le particulier, l’opportunité ou non de faire à chaque fois preuve de dépassement, de violences sur soi pour s’’arrêter, à chaque fois que l’impact de l’action syndicale risque de créer plus d’effets dommageables pour l’institution, la société, que le bien aléatoire, partiel et parcellaire auquel il aspire, si légitime soit-il.

L’enseignant n’est pas n’importe qui et ne doit pas se permettre de faire n’importe quoi, c’est là le sacerdoce immuable. Aujourd’hui, il serait incompréhensible, au regard de tout ce que ces syndicats d’enseignants ont engrangé comme acquis depuis cette deuxième alternance ( passifs et actifs réunis) et au regard du traitement de toutes les questions qui figuraient dans le protocole de 2014, traitées à 98%, seules deux questions n’ont pas été vidées, «le système de rémunération », une véritable boîte de Pandore qui n’est pas du ressort de syndicats sectoriels mais des centrales syndicales, et là un subterfuge de correction a été trouvé en faveur des enseignants après avis de techniciens, même si beaucoup ne comprennent pas et la question des Administrateurs scolaires où le débat n’était pas achevé au sein des organisations d’abord et ensuite entre l’Etat et celles-ci, il serait donc incompréhensible de trouver des prétextes sérieux autour de «lenteurs administratives», dont on n’ignore pas les raisons profondes (extinctions de corps et basculement de certains corps dans d’autres et leurs conséquences administratives et financières, ou les passerelles entre corps où les décrets ont été pris, mais où le pragmatisme et la vigilance syndicale ont fait défaut face à une instabilité institutionnelle, pour ainsi menacer une année scolaire et ajouter au traumatisme Covidien des Etats et des Familles.

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Avant que la Terre ne cède sous les pieds de ces leaders syndicaux, non seulement du fait du digital, du progrès technologique mais surtout de l’évolution de la gouvernance des organisations et des nouvelles dynamiques des relations professionnelles, nos jeunes syndicalistes doivent se rendre à l’évidence des mutations incontournables du syndicalisme revendicatif vers un syndicalisme de responsabilité sociétale.

En définitive, la finalité de toute l’action humaine et celle des Organisations ne se mesurent qu’à l’aune de la responsabilité sociétale, fruit d’un dialogue inclusif et fécond. Cheveu dans la soupe dira la jeune génération, oui pour avoir été formé à une Ecole syndicale, qui tout le long de l’histoire du mouvement syndical enseignant de ce pays a prôné sans complexe l’intérêt de l’Ecole avant celui de la corporation, et non pour les plus anciens avec qui j’ai partagé la coordination technique des plateformes de coalitions et d’intersyndicales par le passé, et qui savent que je ne faisais jamais dans la langue de bois sur certaines questions très sensibles et où l’on n’hésitait pas à freiner avec les quatre fers quand la situation l’exigeait. L’Ecole publique est en danger et nul autre que les acteurs eux-mêmes et leurs organisations ne sont en mesure de la sauver, l’Etat ne devrait être que la main invisible et l’Autorité dissoute en chacun de nous, car avec l’ordre mondial en cours dans le secteur, il lui sera très difficile de résister aux assauts des tentations de la Privatisation.

Waly NDIAYE

Ancien SGA-Coordonnateur des Revendications du SUDES

Ancien CT Ministère Fonction publique et du Travail







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