A défaut de pouvoir se faire la guerre, les nations modernes s’affrontent dans les joutes sportives. Les pelouses vertes sont les nouveaux champs de bataille, les footballeurs en sont les soldats. Ils portent des maillots aux couleurs de la Nation. Leur entraineur-général met au point une tactique (de combat) et les soldats, sous la férule du Capitaine exécutent. Ils courent, sautent, cognent, se blessent, attaquent, défendent, tirent des balles (pas réelles) vers le camp adverse, perdent ou gagnent (la guerre). Ainsi, les footballeurs sont des soldats en guerre. Leur victoire fouette la fierté nationale, leur défaite est une humiliation. Ils incarnent le rêve d’un peuple. Ils sont le peuple en miniature dans sa toute sa diversité.
Il y a un élément fondamental qui a de tout temps fait défaut aux sportifs sénégalais de haut niveau, les footballeurs en particulier. Leur talent intrinsèque leur a toujours servi pour réaliser des exploits, sans lendemain. Les débâcles et leur lot de désillusion se sont accumulés au fil des décennies ! Les footballeurs étaient des loosers à cause de leur faiblesse psychologique. Il leur manquait un mental fort. Comme celui des Camerounais ou des Egyptiens. Ce mental qui leur font gagner une compétition même avec une mauvaise équipe. Qui leur fait remonter 3 buts dans un match et le remporter. Qui les rend capables de subir, souffrir, résister les assauts de l’adversaire durant un match entier et enfin le vaincre.
Mais qu’est ce qui fait que des équipes ont un mental fort et d’autres n’en ont pas ? Paradoxalement c’est gagner qui fait le mental. C’est l’habitude de la gagne qui fait qu’une équipe égyptienne qui, Mohammed Salah mis à part, est une équipe tout à fait ordinaire, puisse battre des adversaires supérieurs comme le Maroc, la Cote d’ivoire et le Cameroun. C’est tout simplement une longue expérience qu’elle a accumulée dans le temps, qui lui a donné l’assurance que même en étant mauvaise, et quel que soit l’adversité, elle finit toujours par gagner.
Donc, le mental a toujours fait défaut a nos footballeurs parce que justement, leurs devanciers, certes valeureux et vaillants, n’ont jamais rien gagné. Leur palmarès était vierge. Quand ils regardaient derrière, ils voyaient certes des héros, mais des héros vaincus. Pire, ces héros leur rappelaient au moment crucial les échecs du passé : leurs penalties ratés et leurs finales perdues. Donc mieux vaut se forger son propre Mental. Mais, devant un adversaire chevronné et habitué à la gloire, c’est presque mission impossible !
A Yaoundé, le commando sénégalais en mission pour aller décrocher le premier titre continental en CAN a su tirer profit des déboires du passé. Et mieux, il eut la chance d’avoir un leader qui s’est montré à la hauteur de l’évènement : Sadio Mané. Dès le début, on le sentait, il portait sur ses frêles épaules la responsabilité de faire entrer son équipe dans l’histoire. Il s’y met avec talent, hargne et application. On l’a vu dès le premier match après avoir marqué le penalty à l’ultime minute de la rencontre signifier à ses coéquipiers que tout se joue d’abord au mental. Hier en finale, le rêve s’annonça cauchemardesque : d’entrée le Leader rate un penalty. Les démons du passé ressurgissent, et le doute comme à s’installer dans certains esprits. Pas celui du leader, déterminé à briser le mauvais sort. Ses coéquipiers le suivent et engagent un combat épique. Le piège égyptien est sur le point de se refermer au tour des Lions.
Place à la séance fatidique des tirs aux buts. C’est au leader qu’incombe l’incommensurable mission de faire entrer son pays dans l’histoire. Il lui suffit juste de marquer son tir pour réaliser cet exploit ! Chose difficile, vu l’énorme pression de l’enjeu et le précédent raté en début de match. Accablé par cet instant historique il s’avance vers ses pairs et leur demande la bénédiction. Il s’avance avec détermination, le visage grave, jette un regard vers ses compatriotes dans les gradins pour y puiser puissance et inspiration. L’instant est grave. Il sait où il va tirer. Le gardien en face le sait également. La bataille psychologique est lancée, le plus rapide gagnera. Sadio Mané prend son élan, et sans trembler catapulte la balle au fonds des filets du redoutable pharaon. C’est fait ! Ça y est ! le signe indien est vaincu ! Le monde du football est définitivement libéré du fardeau de la malédiction. Désormais, chaque footballeur sénégalais aura, en engageant une compétition, une référence solide sur laquelle s’appuyer pour se projeter, et des héros vainqueurs de qui s’inspirer.
Finalement ce sacre des Lions nous rappelle la recette pour hisser notre pays au rang des grandes nations. Il faut la convergence des esprits et des cœurs vers un même but et idéal, la persévérance et l’abnégation dans la réalisation de ce projet, la bonne gestion des ressources et des talents, une détermination sans faille et, bien sûr, une bonne dose de Baraka.