Cette communion, cette hystérie collective et cette euphorie contagieuse qui règnent dans tout le Sénégal depuis le tir au but victorieux de Sadio Mané, en cet inoubliable dimanche 6 février au stade d’Olembe de Yaoundé, traduisent les joies d’une délivrance survenue après une très longue attente.
Une trop longue attente marquée par un cycle de désillusions dans une vallée de larmes où s’évaporent d’énormes et éphémères espoirs de succès. Belle fin de parenthèse et départ d’un nouveau cycle ! En remportant la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) et leur tout premier galon dans la liste des pays africains qui comptent en matière de foot, les Lions du Sénégal ont tout simplement mis fin à une anomalie. Difficile de ne pas faire le parallèle avec l’Espagne, dont la sélection n’avait encore rien gagné jusqu’au Mondial 2010 avant de s’imposer depuis lors comme un cador du foot européen et mondial.
L’appétit vient en mangeant. Et, on conviendra qu’un appétit de lion n’a rien à voir avec celui d’un moineau.
Après avoir goûté à l’ivresse du sacre continental, réconcilié un peuple avec lui-même, la classe politique avec elle-même et dessiné un bonheur tricolore auréolé d’une étoile pour l’offrir à 17 millions de Sénégalais, cette équipe doit avoir à l’esprit qu’elle a le devoir de ne pas nous faire déchanter. Ces joueurs au mental d’acier, à l’image de leur entraîneur Aliou Cissé, décrié, critiqué et insulté avant de se voir sanctifié, doivent avoir à l’esprit qu’ils ont bel et bien lancé un nouveau cycle avec ce sacre continental au pays des Lions indomptables. Exit les revers qui donnaient à ces lions des airs de chatons apeurés. Exit les railleries des fans d’autres pays qui les avaient affublés du surnom peu glorieux de «Lions de la véranda».
Ils ont quitté la véranda, ils sont passés au balcon et se sont installés sur le toit. Sur le toit de l’Afrique. Comme à chaque jour suffit sa peine, il faut assurément prendre le temps de savourer comme il se doit ce trophée continental. Sans trop tarder à se remettre au travail. Car il faut se préparer aux retrouvailles avec cette équipe égyptienne dont Mohamed Salah demeure l’arbre qui cache la forêt. Incontestablement, les pharaons sont moins talentueux que les Lions, intrinsèquement ils sont moins bons que nos joueurs. Mais, revanchards et roublards, ils vont tout faire pour barrer la route du Qatar aux Lions du Sénégal.
Désormais, après ce sacre continental, le minimum d’ambition qu’on pourrait attendre de cette équipe est qu’elle se fraye le chemin qui mène à la Coupe du Monde. Et pourquoi pas franchir un autre palier dans ce grand rendez-vous mondial : demi-finale ? Voir en 2022 des joueurs du Sénégal qui ressuscitent, tout en chorégraphie, le « dialgati » des beaux jours d’un Sénégal conquérant avec un El Hadj Ousseynou Diouf, Fadiga, Henry Camara ou encore les regrettés Pape Bouba Diop ou Bruno Metsu est le meilleur moyen de faire rêver de nouveau ce peuple heureux d’assister à la fin de son sevrage de trophée. Dans ce pays où l’apparition de la lune a toujours été un facteur de division religieuse, il a fallu une étoile, une seule étoile, pour fédérer et unir les cœurs. Et c’est si beau 17 millions de Sénégalais qui chantent, dansent et sourient.
Abdoulaye Penda Ndiaye
Correspondant en Suisse