Entre le « vous voulez l’indépendance ? Prenez-la » de De Gaulle et les gesticulations actuelles de Macron en direction des chefs d’États du Sahel « retenez-moi ou je pars avec mes soldats », c’est la même continuité du mépris colonial. Et comme dans les années 60, aujourd’hui encore, il existe des chefs d’État qui acquiescent, courbent l’échine, et comme des toutous obéissants, accourent au moindre battement de cils du locataire de l’Élysée. La honte !
Le drame des dirigeants de français, c’est de courir derrière un passé révolu à jamais, en s’accrochant désespérément aux lambeaux du radeau africain. Le rêve de grandeur du petit Napoleon de l’Élysée se fracasse sur des réalités que la vieille cécité coloniale l’empêche de voir : rien ne sera plus jamais comme avant entre la France et l’Afrique dans leurs rapports futurs. N’en déplaise à leurs nouveaux chiens de garde : intellectuels défroqués qui ont tourné casaque ; journalistes perroquets-répétiteurs du disque rayé de « démocratie », « populisme », « militaires dans les casernes », « élections à tout prix ». Et le drame de certaines franges des élites africaines, c’est de croire à ses balivernes qui enfument les esprits de millions de jeunes. « Le moins mauvais » des systèmes politiques n’est pourtant pas une panacée. Il lui faut des conditions objectives pour prospérer. Vouloir l’imposer à marche forcée, c’est mépriser les peuples et les dirigeants qu’ils se donnent à une période historique déterminée. Et les voies pour y arrivent ne sont pas forcément droites…
Il faut tuer la junte malienne et le peuple malien avec. Surtout le peuple malien. Quelle cécité politique que de vouloir organiser ici et maintenant des élections dans un pays où 90% du territoire est sous contrôle (ou influence) djihadistes-terroristes, et, hors du contrôle de l’État. C’est là que se manifeste l’hypocrisie des soi-disant démocrates. En effet, quelle légitimité populaire se réclameraient un régime et des institutions issus de telles « élections » ? Mais les partisans des élections à tout prix, se foutent complètement de ces « détails », il faut à tout prix « revenir à « l’ordre institutionnel normal ». En Centrafrique, le scrutin n’a pas concerné 10 km au-delà de Bangui. Et ceci grâce aux « diaboliques » soudards et soûlards « soldats perdus » de Wagner qui a protégé la capitale et le président Touadéra. Là où les forces françaises et onusiennes pourtant présentes depuis plus d’une dizaine d’années ont brillé par…leur absence. Les formes sont sauves, la démocratie a prévalu : 10% de la population a voté … Et on veut dupliquer cette méthode Coué partout en Afrique : les élections, à tout prix peu importe qu’elles soient populaires, démocratiques, légitimes. Il faut voter, pour la «paix » et la pérennité de nos intérêts.
Bien sûr, il faut avoir une langue de vipère ou être aveugle pour ne pas voir qu’il ne s’agit pas d’un coup d’État couronné par une «dévolution filiale-militaire » du pouvoir au Tchad. Deby père mort au front, Deby fils est « génétiquement fondé » à succéder à lui succéder. Une succession bénie et paraphée par l’huissier de Paris : Macron, grand ordonnateur de l’ordre démocratique en Afrique. Deux mois plus tôt, il menaçait Bamako du feu d’enfer de ses truffions de Barkhane et les supplétifs européens de Takuba.. Puis, face à la détermination de la majorité du peuple malien, Paris annonce de manière très peu diplomatique, qu’il allait réduire ses forces au Mali, réorganiser son dispositif, qu’il allait se replier vers Niamey…
Quand les autorités maliennes prennent acte du « repli » français (pour masquer une déroute avérée et inévitable, comme les Américains en Afghanistan) et disent leur fait à Paris (le fameux abandon en plein vol), les autorités françaises hurlent leur indignation feinte, comme un agneau qu’on égorge ou (je n’aime pas l’expression) comme une vierge effarouchée. Elles mobilisent le ban et l’arrière-ban réactionnaire africain, des intellos et journalistes (parasites) les nouveaux chiens de garde de la France impériale (impérialiste oui, elle n’a plus d’empires et elle ne le sait toujours pas). Dans le même temps, elle fait de nos chefs d’État, des mercenaires à sa solde : « contre la poursuite de notre « aide » à vos budgets que nous et nos alliés européens supportons à hauteur de 40% (selon les pays), vous m’isolez les petits colonels de Kati qui veulent nous faire remplacer par le péril rouge russe. Garrottez-moi Assimi, Choguel et leurs colonels déserteurs du front, affamez-moi ces ingrats (on y a perdu 52 soldats) de Maliens qui nous harcèlent au lieu de nous remercier à genoux d’avoir empêché que Bamako tombe, veulent au contraire nous jeter dans (hors ?) du désert sahélien où nous bivouaquons sous nos tentes climatisées depuis neuf (9) ans, en regardant les djihadistes tuer, pourchasser, les populations civiles… »
Mais le crime le plus abject qu’est en train de perpétrer Paris est de chercher à avoir l’accord, la complicité, de chefs d’État africains pour isoler, étrangler, faire rendre gorge aux dirigeants maliens. C’est le sens du dîner où sont conviés les têtes de pont du meurtre en préparation : Bazoum pour le convaincre d’accueillir les soldats français bannis du Mali ; Deby pour continuer à bénéficier du soutien de Paris même quand il gaze des manifestants à N’Djamena ; Ghazaouani pour qu’il continue d’autoriser le survol de son territoire pour les avions militaires français, et notre président à nous, sa Majesté-le-Macky, pour qu’il participe activement, en tant que président de l’Union africaine comme disent ses affidés, à la campagne insidieuse de la probable prochaine chute de la junte malienne et du CNT, mais par-dessus tout à l’étranglement de l’économie malienne pour pousser son peuple à se révolter contre les autorités. C’est cela qu’on prépare au cours de ce dîner de comploteurs contre un peuple et les dirigeants qu’il accepte et soutien pour le moment dans sa majorité. C’est ce qui va être acté jeudi et vendredi à Bruxelles lors du fameux 6e sommet Europe-Afrique…
Les éléments du complot ? Les voilà : une délégation de l’UE reçue par le président en exercice de l’UA à Dakar, réunion des ambassadeurs de l’UE à Paris la semaine dernière, le « dîner de l’Élysée de ce mercredi soir et, la boucle sera bouclée à Bruxelles les 17-18 février. Un assassinat odieux contre un peuple et ses dirigeants se prépare sous nos yeux, au nom d’élections tronquées, pour la restauration d’un ordre institutionnel balayé avec IBK (paix à son âme), dans un pays en guerre et amputé de 2/3 de sa superficie. Pour masquer un échec cuisant de Paris dans la guerre contre les terroristes au Sahel. Et maintenant, le cancer se métastase, se répand vers les pays côtiers comme le Bénin. Demain le Togo, avant le Sénégal.
Il me semble que les intellectuels africains progressistes (pas les défroqués et les nouveaux chiens de garde) ne devraient pas rater ce nouveau rendez-vous avec l’histoire de l’avenir de notre continent. À condition de ne pas considérer nos peuples comme des débiles incapables de faire des choix ; à condition de ne pas chanter le même refrain sans tenir compte des gammes et des accords à accorder à l’époque, et à condition de ne pas rejeter comme « inciviles » les formes de pouvoir que les peuples se donnent à des moments historiques donnés. Il faut accompagner les luttes des peuples ou même les jacqueries qu’ils peuvent se donner à des moments donnés. Il n’y a pas de luttes chimiquement pures, parce qu’il n’y a pas de « classes » sociales homogènes. Il faut collectivement, au-delà de nos frontières étriquées, essayer de trouver les (parce qu’il n’y en a pas une seule) réponses à la question : que faire ?