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Confrontation GÉopolitique Et RÉgionalisation De La Mondialisation

Confrontation GÉopolitique Et RÉgionalisation De La Mondialisation

Alors que les armes sont en train de « parler » en Ukraine, un nouveau bloc se dresse dans l’économie mondiale, le RCEP ou « Regional Comprehensive Economic Partnership ». Il est constitué de pays réunis autour d’un nouvel accord de libre-échange pour l’Asie et le Pacifique, le RCEP, signé le 15 novembre 2020 et prévu pour entrer en vigueur le 1er janvier 2022. Le RCEP est né de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud Est) créée en 2012 par quinze nations de l’Asie-Pacifique, en l’occurrence la Birmanie, Brunei, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam.

A ceux-là sont venus s’ajouter cinq autres pays de la zone Asie-Pacifique, soient la Chine, l’Australie, le Japon, la Nouvelle Zélande, la Corée du Sud qui possédaient déjà un accord de libre-échange bilatéral avec l’ASEAN. La création de ce nouveau bloc économique mondial est à relier, selon les initiateurs, à la pandémie du COVID qui a déréglé l’économie mondiale du fait de longues ruptures dans les chaînes d’approvisionnement industriel. Cette agrégation de poids lourds économiques a fait dire à la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) que le RCEP serait le « nouveau centre de gravité » du commerce mondial lorsqu’il fonctionnera à pleine puissance, et que par sa taille, il deviendrait le « plus grand bloc économique au monde ». A ce jour, le RCEP totalise en effet un tiers de la population du monde et près de 30 % du commerce mondial. Ce partenariat économique ainsi institué change complètement la configuration de la géoéconomie mondiale. Et ce, dans un contexte de confrontation militaire en Europe sur fond de menaces de recours à l’arme nucléaire. Au plan politique, il renvoie à la constitution des blocs d’un après-guerre mal soldé, sauf que ce bloc n’a pas le soubassement idéologique d’alors en ce qu’il réunit des pays aussi différents dans leurs crédos politiques que la Chine, le Japon et l’Australie.

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Au regard de la diversité du partenariat, des experts en déduisent que les pays de cette région ont décidé d’échapper à la confrontation politique, voire militaire, en choisissant le camp de leurs stricts intérêts économiques. L’intérêt qui semble primer est le profit pour tous, et l’ambition, de donner un nouvel élan de croissance à la reprise économique mondiale.

Dans le cadre de cet accord, les droits de douane sont supprimés sur 90 % des marchandises échangées durant les vingt prochaines années, et les formalités administratives réduites au maximum, ce qui permettra de réduire considérablement les coûts commerciaux et les prix des produits. L’accord prévoit également des règles communes en matière de commerce de biens et services, de propriété intellectuelle, de commerce électronique et de concurrence. Compte tenu de la confrontation géopolitique actuelle, les Etats concernés ont l’ambition d’être l’épicentre d’une «mondialisation régionale» à la pointe des technologies modernes, un lieu d’innovation et d’industries de pointe, et une zone de libre échange pour 30 % de l’économie mondiale.

Et l’Afrique dans tout ça ?

Les regroupements économiques pour une croissance économique renforcée et la constitution du RCEP interpellent au plus haut point l’Afrique, détentrice des matières premières nécessaires à l’industrie, et futur réservoir des consommateurs du monde. C’est une évidence que les ambitions de relance de l’économie mondiale du RCEP, ainsi que la présence renforcée des pays dits émergents en Afrique (Russie Turquie), constituent une forte pression sur les ressources africaines. Dans le même temps, elles offrent l’opportunité d’une transformation structurelle de l’économie du continent, pour autant que les stratégies d’ensemble régionales et nationales soient clairement définies.

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Les dirigeants africains doivent se mettre à la hauteur de cette « position de place économique» de l’Afrique, inédite dans l’histoire, en mettant fin au modèle économique antédiluvien de vente en l’état de nos ressources naturelles aux boursicoteurs pour n’en retirer que des miettes, insuffisantes à couvrir les besoins essentiels des populations et à créer des emplois. L’Afrique est interpellée. Elle doit répondre en rangs serrés et organisés. Lorsque les experts du RCEP se fixent comme objectif de parvenir à « davantage de résilience aux chaînes industrielles et d’approvisionnement régionales », ils font référence au renforcement de leurs échanges intra zone, mais également à la sécurisation de leur approvisionnement en matières premières à partir de l’Afrique. Gregory Meeks, président de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis, vient de déclarer que « les États-Unis ne feront partie de l’avenir que s’ils investissent en Afrique dès maintenant ». Il ajoute : « si les États-Unis n’investissent pas en Afrique aujourd’hui — compte tenu notamment de la taille de la population jeune de l’Afrique, qui est supérieure à la population totale de l’Amérique — nous ne ferons pas partie de l’avenir ». En visite au siège de la BAD, à Abidjan, après s’être rendu en Sierra Leone et au Libéria, le parlementaire américain, à la tête d’une délégation d’élus, a déclaré ceci : « mon unique objectif était de m’assurer que l’Afrique passe «de l’arrière au premier plan» ».

Au regard du contexte géoéconomique actuel, l’intégration économique africaine dans le cadre des organisations communautaires (CEDEAO, UA) via la mise en service urgente de la ZLECAf (zone de libre-échange continentale africaine qui a l’ambition d’être la plus importante zone du monde, avec une population attendue de 2 milliards d’individus en 2050), est de la plus grande urgence. Aussi, les tergiversations sur les règles d’origine des marchandises et autres critères, doivent cesser pour que cette zone économique devienne une réalité. L’Afrique doit avoir l’ambition de cesser d’être un réservoir de matières bon marché, ainsi qu’un réservoir de consommateurs qui devraient être 2 milliards d’individus en 2050. Les institutions de gouvernance publique d’Afrique doivent se placer à la hauteur des enjeux de l’heure.

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Au-delà des chefs d’Etats, les institutions parlementaires africaines, les sociétés civiles, la jeunesse, tous conscients des enjeux, doivent également se mobiliser pour une intégration économique génératrice d’emplois industriels. Dans cette perspective, il serait grand temps de mettre fin politiquement à la 5ème République version tropicale où le chef de l’état est « Tout » et les autres institutions « rien ». Faute d’ôter à temps le couvercle de la marmite, et de laisser la jeunesse africaine se mobiliser pour les causes nationales et africaines majeures, celle-ci (la jeunesse) risque de commettre un de ces jours, l’irréparable. Il est encore temps d’éviter cette perspective !







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