On le sait, la puissance des États-Unis d’Amérique émane aussi de leur soft power. Il est une arme imparable pour ravir les cœurs, y compris ceux des adversaires d’un État impérialiste et guerrier. Et ce soft power repose en grande partie sur la flamboyance de la culture afrodescendante née dans ce pays. Pendant la ségrégation raciale, le State Department (ministère américain des affaires étrangères) faisait voyager à travers le monde des musiciens de jazz qui, dans leur pays, ne pouvaient pas jouer partout. Les États-Unis ont su, plus tôt que d’autres, se montrer sous les traits de leurs minorités, se présentant ainsi comme un pays-monde auquel chacun pouvait apporter et appartenir. C’est ce que ne fit pas la Russie, par exemple, qui misa plus sur son hard power (armement, technologies de pointe), ses gloires culturelles ne reflétant que des époques révolues.
On regarde MC Lyte ici pendant trois minutes environ, et on ne pense pas un seul instant aux Amérindiens massacrés, aux Subsahariens déportés/esclavagisés, aux lynchés du racisme légalisé, etc. On ne pense même pas aux enfoirades du type qui se trouve là près de sa belle, bopping like they just don’t care. Le groove emporte tout. Le flow old-school de la rappeuse (la première à publier un album solo), son humour, sa bonne humeur, abolissent un instant colères et indignations légitimes. Au fond de soi, on sait qu’on ne détruira pas cette maison, quelles qu’en soient les fondations. Parce qu’on y a de la famille, que tout le monde dans cette famille n’est pas un panafricaniste s’identifiant avant tout à l’Afrique. D’ailleurs, on rêve souvent d’y habiter, d’être à son tour un African American. On se dit qu’on pourra au moins modifier la décoration à défaut des fondations, des structures. Alors, on milite.
Et ce militantisme aussi est intégré dans le soft power auquel il offre des musiques, des arts picturaux, des concepts, des histoires, des figures, de la matière pour tous ces films qu’on veut voir sur Netflix. C’est celui qui tient les clés de la maison qui gagne in fine.
Assez de politique: trois minutes de groove avec MC Lyte, joyau de la génération 70s. Né aux États-Unis d’Amérique, le hip hop a conquis la planète. Il y a des rappeurs en Ukraine et en Russie. Il y en a dans le monde entier.