La jeune Adji Sarr hante le sommeil de Ousmane Sonko. Elle trouble sa quiétude. Elle est le cauchemar de son ascension politique qu’elle risque de faire emprunter un chemin oblique. Son boulet psychologique. Elle a mis en évidence, plus que tous les psychanalystes et autres spécialistes des profondeurs de l’âme, les tréfonds de sa personnalité, son art consommé mais peu comes¬tible, de la manipulation.
Et qui plus est, Adji Sarr a internationalisé l’affaire en se confiant à des médias français. Ousmane Sonko, «l’anti-fran¬çais» -nouveau maire de Ziguinchor, la première délégation qu’il a reçue est française (allez savoir !)-, sort de son hibernation médiatique. Pour une fois, pas sous le format d’un point de presse, mais d’une conférence de presse, même biaisée. Il tire sur tout ce qui bouge et même sur ce qui ne bouge pas. Sur toutes les institutions de la République. Dans une attitude qui frise la schizophrénie.
Avec une pincée manipulatoire, Sonko tente d’installer et d’instaurer une ligne de fracture, une barrière conflictuelle entre la presse sénégalaise et la presse étrangère. Le journalisme, le vrai, ne connaît pas le chauvinisme ! Un journaliste peut être d’une Nation, d’une ethnie, d’une religion, mais le journalisme, le vrai, n’a aucune frontière. M’enfin, c’est un autre débat !
Quand le quotidien Les Echos, le vendredi 5 février 2021, a livré à sa Une, l’accusation de viol imputée à Ousmane Sonko par Adji Sarr, en vérité, de nombreux Sénégalais, y compris au sein du Pastef, furent plongés dans une hébétude presque «somnambulée». Certains ont d’emblée été dans le déni total, tellement l’homme affichait un visage d’ange poli au parangonnage de la vertu, lui qu’on croyait laver, en éthique, aussi blanc qu’un savon de Marseille.
Une vérité proverbiale, bien de chez nous, fait remarquer qu’un hangar de mensonges ne donne jamais de l’ombre. Dans l’affaire Sonko/Adji Sarr, il faut oser le dire à audible voix, les vérités ont été esquivées, escamotées, évitées, cannibalisées par la peur des obscénités, la tyrannie des insultes, des accusations gratuites, d’infamantes ripostes par la galaxie numérique pro-Sonko. Honneur à la vérité lorsqu’elle est victime d’une insulte !
Qu’importe, il faut visiter fabrique pour en traire et en extraire la véracité. Qu’on se le dise franchement ! Après lecture du scoop livré par le journal Les Echos, lorsque Sonko a annoncé une conférence de presse en guise de réponse, beaucoup de gens s’attendaient à ce qu’il opposât un démenti catégorique pour dire clairement qu’il ne connaissait Mademoiselle Sarr ni d’Eve ni d’Adam. Que le salon «Sweet beauté» est inconnu de son carnet d’adresses. Que ce jour-là, à l’heure du couvre-feu, lui, Sonko, était dans le nid douillet de son domicile auprès de ses deux épouses.
Et patatras, à quoi avons-nous assisté ? Qu’avons-nous ouï à sa conférence… d’aveux. Il connaissait bien Adji Sarr. Il fréquentait le salon de massage. Il y soulageait ses maux de dos. Rien que ça ? Et puis, vlan la parade, la commode parade ! : «C’est un complot ourdi par le pouvoir, par le Président Macky Sall.»
Questions simples
Il reste alors des questions simples, celles que des responsables, des employés et autres néo-croisés de la «Sonko¬laiterie» se refusent et refusent que l’on se les pose et qu’on les pose. Franchement, dites-nous, est-ce donc le pouvoir et le Président Macky Sall qui ont conduit, comme une oie du Bon Dieu et par une soirée d’épaisseur d’encre, Sonko au salon Sweet beauté ? Est-ce eux qui l’ont présenté et/ou recommandé à Adji Sarr ? Sont-ils à l’origine des maux de dos -miraculeusement disparus- dont souffrait Sonko ? Et une autre question simple qui s’adresse à tous ces islamologues, plus dévots en politique, qui défendent Sonko : l’islam autorise-t-il un homme pieux à confier son corps et sa nudité à une femme qui n’est pas la sienne ?
Qu’est-ce qui s’est réellement passé entre Adji Sarr et Ousmane Sonko dans une pièce du salon si Sweet ? Ceux qui ont le don d’avoir des yeux et des oreilles qui percent les murs pourraient y répondre. Mais la vérité, elle, ne sortira que de l’intimité d’une table de…massage pour le prétoire. De la confrontation entre l’accusatrice et l’accusé.
Toujours est-il que ce sont là autant de questions basiques dont les réponses sont voilées, dévoyées dans les charivaris, les tintamarres et autres tohu-bohus politiciens sur fond d’une mise en accusation systématique de Mademoiselle Sarr, une pauvre fille sans défense jetée en opprobre et victime d’une vie chahutée par la dictature d’un marigot politico-numérique. Comme il a raison Tim Ringuette, qui disait que «la richesse attire les amis, la pauvreté, elle, les sélection¬ne» !
Les envolées, on dirait christiques, de Sonko ne sont pas recevables, surtout lorsqu’elles se déclinent en une musique de déculpabilisation sur fond de couplets qui renvoient la responsabilité à un prétendu complot. D’un complot, en réalité, Sonko et Cie n’exhibent jamais les preuves tangibles. Comme si leurs simples paroles valent vérité immuable. Elles sonnent comme un dogme récité par un gourou à ses aveugles adeptes. Non, ça ne marche pas ! Crier au complot ne suffit pas à asseoir et à valider son innocence ou sa culpabilité. Cette alternative-là relève de la Justice, seulement de la Jus¬tice.
Le suprême scandale pour toute conscience tant soit peu armée de l’audace de la vérité est l’attitude de certaines organisations de la Société civile. Le silence affaissé au cachot de la démission de grandes Associations fémi-nines. Même pas un soutien de principe à Adji Sarr, présumée victime jusqu’à preuve… et épreuve du contraire. Mais, elle n’est pas une star. Elle n’est pas dans les paillettes, sous les spots et sunlights. Donc invendable à la bien-pensance…fé¬minine.
Le lourd sommeil d’organisations de droits de l’Homme, bruyamment inaudibles. Dans ce dossier, elles sont nombreuses à faire dans le grand écart et dans le grand écartement. La petite sérère de Niominka n’attire pas les bailleurs de fonds ; le leader de Pastef est lui un bon emballage à même d’emballer les donateurs. Ainsi par le silence et l’inertie, on est à l’abri de la nocivité des gros mots et joyeusetés des faucons…électroniques.
Heureusement que beaucoup de Sénégalais à la lucidité inébranlable, des intellectuels et hommes des médiaux aux es¬prits vaccinés contre toute fragilité, pour qui l’insulte, la grossièreté et l’insolence ne sau¬raient avoir plus de valeur que la vérité, la sincérité et l’objectivité, refusent le silence coupable et la couardise défaitiste.