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Les Raisons D’un Dialogue De Sourds En L’opposition Et La MajoritÉ

Les Raisons D’un Dialogue De Sourds En L’opposition Et La MajoritÉ

Quand le projet de loi 14-2018 relatif au parrainage intégral avait été introduit à l’Assemblée nationale, le 19 avril 2018, c’était la bronca partout dans le pays. La majeure partie de nos compatriotes estimait que c’était une loi scélérate pour se débarrasser d’une bonne partie des candidats à la présidentielle de 2019. Le jour du vote de ladite loi, tout Dakar et certaines grandes villes étaient quadrillés par des forces de l’ordre. Dans la capitale, toutes les rues débouchant sur  l’Assemblée nationale avaient été barrées par les policiers du GMI. Ce jour-là, plusieurs leaders de l’opposition et de Yen a marre, qui avaient tenté de marcher, avaient été arrêtés et gardés à vue dans les différents commissariats de Dakar plateau et de la Médina. Sans surprise, la loi avait été votée par la majorité mécanique de Benno Bokk Yaakar (BBY) et contre l’assentiment des Sénégalais.

En sus de la guillotine judiciaire, Macky Sall dispose désormais d’un autre moyen politicolégal pour choisir ses adversaires dans l’arène politique. Et, plus précisément, dans les confrontations électorales. Avant l’élection présidentielle, Maitre Abdoulaye Tine, leader de l’Union sociale libérale, avait introduit en décembre 2018 un recours devant la Cour de Justice de la Cedeao. L’avocat était soutenu dans cette initiative par plusieurs partis politiques, syndicats et mouvements citoyens. Il s’agit de ACT, ADES, Adk and dolel Khalifa, AGIR, Alliance démocratique des enseignants du Sénégal / Cdts, And-Jefe / Pads, And saxal liggey, Apdr, Bokk gis gis, Claire vision / Guindi askan wi, Citoyen Mamadou Lamine Dianté, Citoyenne Maïmouna Bousso, Convergence des travailleurs de l’automobile, Cnts / Fc authentique, CREDI, Eps, Fsd-Bj, Front national, Geum sa rew, Grand cadre des syndicats d’enseignants, Grand Parti, Grand rassemblement pour la vérité, Ld-Debout, Mps / Sellal, Msu France, Nadem. Auparavant, des députés membres de l’opposition avaient saisi le Conseil constitutionnel qui, finalement et sans surprise, s’était déclaré incompétent le 9 mai 2018. 

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Toutefois, contrairement à ce que soutenait son opposition, pour le Président Macky Sall, l’objectif poursuivi par le gouvernement à travers le parrainage était de faire progresser la démocratie en évitant les candidatures fantaisistes à l’élection présidentielle. « On a 300 partis politiques aujourd’hui, et il y en a encore une vingtaine en dépôt, on pourrait aller à 500 voire 600. Si l’on ne rationalise pas les candidatures, il arrivera un moment où nous serons bloqués dans l’élection. Nous devons anticiper cela. Nous devons faire un filtre citoyen. Chaque citoyen est libre de parrainer. On avait dit 1 %, on a finalement baissé à 0,8 %», avait expliqué Macky Sall lors de sa visite à Paris, le 20 avril 2018. C’était au micro de France 24. Si les tenants du pouvoir avancent la thèse selon laquelle le parrainage existe depuis 1963 sous Senghor, cela ne cautionne pas leur forfaiture. Le parrainage de 1963 était une loi d’éviction pour tout politique qui ne partageait pas la monocratie senghorienne. 

Après avoir embastillé Mamadou Dia, l’alors président du Conseil de gouvernement, pour imposer le parti unique, il fallait au poète-président se renforcer par une loi politique qui lui conférerait tous les pouvoirs. A propos du parrainage institué par le président Senghor, l’article 24, alinéa 2 de la Constitution de 1963 stipulait que « toute candidature, pour être recevable, doit être présentée par un parti politique légalement constitué ou être accompagnée de la signature d’électeurs représentant au moins dix mille inscrits domiciliés dans six régions à raison de cinq cents au moins par région ». 

Si le seul parti politique qui existait à l’époque était l’UPS, si les seuls députés appartenaient à cette formation, il était certain que Senghor et son parti entendaient régner sans partage. C’est ce désir rémanent d’être dans le champ politique sans adversaires coriaces qui a conduit les députés de Macky Sall à voter en avril 2018 la loi très controversée sur le parrainage. Aujourd’hui l’arrêté du ministre de l’Intérieur n°004071 du 03 mars 2022 qui fixe le nombre de parrains requis pour le scrutin du 31 juillet 2022 est rejeté en bloc par l’opposition et tous les mouvements citoyens épris de légalité et de justice. Le prétexte de la pléthore de listes ou de candidats aux différentes élections pour instituer le parrainage sous cette forme ne résiste pas à l’analyse de la réalité. Certes, dans la base de données du ministère de l’intérieur, il y a plus de 300 partis politiques. Mais il est avéré qu’au Sénégal le nombre de partis existants puis 1960 jusqu’à aujourd’hui et actifs sur le champ politique ne dépasse pas une dizaine. 

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En France, selon la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), il y a plus de 500 formations mais seuls quelques partis de gauche, de droite, d’extrême gauche, d’extrême droite, du centre, des écologistes participent usuellement aux différentes élections. Et le parrainage citoyen n’empêche pas aux élus d’accorder leur signature aux candidats qui sont de la même obédience politique. En vérité, la floraison de listes aux législatives de 2017 (47) au Sénégal n’était qu’une roublardise du pouvoir pour instituer un tamisage à la présidentielle de 2019. Plusieurs de ces listes étaient commanditées par le pouvoir dans le seul but de mettre en place ce système de parrainage éliminatoire. 

Sur une trentaine de candidatures lors de la présidentielle de 2019, seules cinq ont été retenues. 27 listes ont été disqualifiées pour des raisons non convaincantes. Les citoyens qui ont parrainé plus d’un candidat n’ont jamais été sanctionnés même si l’article L88 punit tout citoyen qui se serait adonné à un double parrainage. Aujourd’hui, le contrôle se fait au niveau du ministère de l’Intérieur dont le locataire actuel, Félix Antoine Diome est le ministre de l’Intérieur le plus controversé de l’histoire politique du Sénégal. Le sale rôle qu’il a joué en étant respectivement substitut du Procureur de la Crei et agent judiciaire de l’Etat dans les affaires Karim Wade et Khalifa Sall incite les opposants à couvrir d’un voile de soupçon toute idée de parrainage. Aujourd’hui que les révisions des listes électorales sont ouvertes, Yewwi askan wi, Wallu, et Gëm sa Bopp, les autres forces de l’opposition, les mouvements citoyens comme Frapp et Y en a marre excluent toute idée de parrainage comme base de participation aux législatives après que la Cour de justice de la Cedeao a rejeté le parrainage sous sa forme actuelle. 

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Selon les magistrats de la Cour communautaire, « cette loi viole le secret du vote en obligeant les électeurs à déclarer à l’avance à quel candidat ils ont l’intention d’accorder leur suffrage puisqu’un électeur ne peut parrainer qu’une seule candidature », surtout que « la liste des électeurs ayant parrainé le candidat doit être jointe à la déclaration de candidature ». 

La coalition présidentielle Bennoo Bokk Yaakaar a, quant à elle, déjà lancé sa campagne de recherche de parrains au moment où l’opposition, dans sa globalité, rechigne à respecter l’arrêté du ministère de l’Intérieur n°004071 du 03 mars 2022. Un dialogue de sourds s’est donc instauré entre les deux camps. Si chaque partie tire sur la corde déjà ténue, il appert qu’on risque d’aller vers une confrontation inévitable hélas. 







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