Un chaos social à soubassement économique se profile à l’horizon. A mesure que se rapprochent les élections législatives, des dangers protéiformes hantent le pays et les esprits. Des tensions couvent malgré la stabilité apparente. Celle-ci est sous la menace de facteurs exogènes dont le plus saillant reste l’accès aux biens et services. Lesquels diminuent en quantité.
Conséquence : ils deviennent rares, donc chers. Et du coup les revenus actuels ne peuvent plus s’offrir des produits désormais ajustés à la hausse. En clair se pose un réel problème de pouvoir d’achat qui, en s’affaiblissant, prive nombre de ménages de moyens de vivre. Cette perspective alimente le malaise et nourrit des peurs. Car une perte de pouvoir d’achat entraîne une chute de position sociale, synonyme de dégradation ou d’exclusion des échanges (entre offres et demandes).
Une telle hypothèse non seulement est défavorable au marché mais au plan psychologique elle affecte ceux qui en sont victimes. On ne triche pas avec le pouvoir d’achat qui ne s’octroie que les biens et services que le revenu peut se permettre. Le niveau des prix et des revenus impacte donc la capacité d’acquisition. Contre toute attente, les prix flambent. Par une conjonction de facteurs, nous entrons ainsi dans un nouveau cycle d’inflation que ne peuvent supporter des revenus en décrochage.
Les produits de consommation courante subissent une hausse foudroyante, à l’image de l’huile, du sucre, du riz, de la tomate, entre autres… La récente augmentation des coûts efface d’un trait les baisses précédentes voulues par les pouvoirs publics pour alléger les souffrances des couches populaires. Autrement dit l’actuelle conjoncture jette un trouble sur la situation que vivent les ménages par ailleurs très éprouvés par les rigueurs du Ramadan.
Cette même conjoncture annihile les efforts entrepris et pousse le gouvernement, sous la houlette du Président de la République, à dégager un joli pactole de 43 milliards de francs pour « soulager quelque 550 mille ménages » stigmatisés par la hausse généralisée. S’agit-t-il de nouveaux pauvres ? Ou bien a-t-on puisé dans le stock d’indigence connu et répertorié par l’Agence nationale de la Statistique (ANSD) ou du Programme national de la Bourse familiale (BNSF) ? Dans un cas ou dans un autre, un renchérissement des prix favorise toujours l’inflation ou modifie les termes des marchés.
De ce fait certains basculent dans la précarité et viennent grossir les rangs des paumés de la vie. Les politiques redoutent une spirale sociale autour d’un mouvement haussier qui désolvabilise davantage des couches jusque là épargnées. La rupture d’équilibre entre l’offre et la demande engendre une instabilité et fausse la dynamique économique qu’elle est censée entretenir. Il en découle de fâcheuses conséquences.
D’abord une pénurie ou une rétention de produits introuvables sur un marché en proie aux spéculations. Des commerçants véreux et l’avant-scène d’acteurs peu recommandables s’adonnent à l’impitoyable jeu de cache-cache qui perturbe l’approvisionnement normal des marchés. En outre les prix cessent d’être stables. La rumeur s’en mêle et désarticule les règles.
Très peu de gouvernements sont outillés pour endiguer (ou décourager) de telles pratiques. L’esprit retors de certains acteurs empêche les autorités de régulation de sévir avec efficacité. En outres les initiés se parlent, échangent entre eux et développent des réflexes grégaires pour échapper à tous contrôles (amont ou aval). Leurs ententes illicites chahutent le marché qui n’est pas près de se débarrasser des pratiques abusives.
Ce mauvais signal envoyé aux consommateurs va à l’encontre d’une éventuelle modération des prix. Sous ce rapport la situation est-elle tenable sur la longue durée ? Pas si sûr. La crise qui couve, si elle persiste, risque d’engluer le pays dans un marasme complexe malgré ses atouts et son potentiel.
La guerre que livre la Russie à l’Ukraine provoque une grosse perturbation du ravitaillement en céréales, le blé notamment. Ce dernier et ses dérivés tiennent le monde en haleine en raison de leurs apports nutritionnels indéniables. Conscient du facteur de déstabilisation que représente ce conflit aux dimensions mondiales, le président Macky s’en est ouvert au Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres à l’étape de Dakar dans une tournée africaine entamée dimanche.
Le président Sall a, pour la circonstance, revêtu ses habits de Président en exercice de l’Union Africaine pour plaider la cause du continent auprès du patron des Nations unies en sa qualité de pèlerin de la paix. Les deux hommes ont par ailleurs abordé le contexte géopolitique d’une sous-région si instable que des régimes kaki dominent dans trois pays et pas des moindres. Ces mêmes régimes, comme pour narguer M. Guterres, ont affiché nettement leurs intentions de conduire des transitions de trois à cinq ans, horizons qu’ils se fixent en dépit des injonctions de la communauté internationale.
Le cercle de feu, dessinant les contours d’un arc de crise, hante le sommeil du Sénégal, seul pôle de stabilité dans une région troublée par la surenchère islamiste sur fond de terrorisme rampant. La poussée irrédentiste, annexion progressive de régions puis placée sous diktat, est endiguée aux frontières sénégalaises d’est et de sud-est.
A cet effet, les nouvelles ne sont guère réjouissantes. Puisque l’arrivée de militaires au pouvoir réduit l’espace démocratique dans une région qui commençait à acclimater le jeu électoral et l’alternance au pouvoir. Ayant fort à faire au plan domestique, Macky Sall inverse son agenda politique et privilégie maintenant les priorités nationales. En vue : les législatives. Principalement.
Les paris sont ouverts. Les risques politiques ne sont pas à écarter. D’autant que le scrutin local de février dernier avait sonné le tocsin d’une déconcertante indolence du parti au pouvoir et ses alliés. La perte de certaines grandes villes a été une douche froide pour le régime qui n’a dû son salut qu’à la razzia des communes dans le monde rural. Le réveil fut brutal.
Dans l’anticipation, les troupes furent mobilisées et le « commandant en chef » a fixé les repères de victoires censées redonner l’espoir à des troupes quelque peu désemparées.
Des tensions internes ont fait craindre le pire vite étouffées pour fixer un nouveau cap passant par le resserrement des rangs. S’achemine-t-on vers un nouvel élan ?