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Du Principe De Limitation Des Mandats

Du Principe De Limitation Des Mandats

Contre des débats politiques ou juridiques sur la remise en cause du principe de la limitation des mandats présidentiels. Pour une réflexion doctrinale sur un éventuel troisième mandat ou deuxième « vrai » mandat de l’actuel président de la République au regard de l’application de l’article 27 de la ConstitutionContre des débats politiques ou juridiques sur la remise en cause du principe de la limitation des mandats présidentiels. Pour une réflexion doctrinale sur un éventuel troisième mandat ou deuxième « vrai » mandat de l’actuel président de la République au regard de l’application de l’article 27 de la Constitution.

« Le pouvoir corrompt. Le pouvoir trop prolongé corrompt plus profondément. L’homme de pouvoir tend à le conserver, l’homme au pouvoir veut s’y perpétuer. Autant le préserver de cette obsession, stimulante dans la longue marche vers le sommet, ravageuse dans sa trop longue occupation du poste suprême. Protégeons le dirigeant contre lui-même » Olivier Duhamel, « Le quinquennat », Presses de Sciences Po, 2008.

Lorsque l’article 27 de la loi n° 2001-03 du 22 janvier 2001 portant Constitution dispose, dans sa rédaction d’origine, que le mandat présidentiel est renouvelable une seule fois », il faut en retenir que cette disposition consacre la limitation des mandats présidentiels à deux : « la norme initiale : maximum deux mandats »[1]. Dans sa rédaction en vigueur issue de la loi constitutionnelle n° 2016-10 du 5 avril 2016, le même article 27 a maintenu la norme constitutionnelle « maximum deux mandats » en énonçant que « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». On peut dire qu’il s’agit, dans l’intention du Constituant sénégalais, « de garantir une respiration démocratique dans l’exercice des fonctions suprêmes et d’inviter leur titulaire à agir plutôt qu’à chercher à se faire maintenir au pouvoir [2]».

Ce rappel montre à quel point un débat sur la suppression ou non de la limitation du nombre de mandats présidentiels est derrière nous et ne se pose plus. Dès lors, des arguments en défaveur de la clause limitative du nombre de mandats présidentiels pour appuyer des arrière-pensées politiques ne devraient pas venir aujourd’hui polluer la question de la conformité à la Constitution de l’éventuelle candidature du chef d’État en exercice au regard des dispositions non équivoques de l’article 27 de la Constitution.

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À notre sens, remettre en cause la clause de limitation du nombre de mandats présidentiels, fut-il sous le prétexte d’engager le débat, est une hérésie. À ce propos, revisitons les enseignements du professeur Ismaila Madior Fall consacrés à « L’intangibilité du principe de la limitation des mandats » (voir son ouvrage sur « Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des États d’Afrique », publié en 2008 chez L’Harmattan Paris (pages 175-177).

« L’intangibilité d’un principe évoque son inviolabilité et son immutabilité. Un principe intangible doit rester intact, inviolable, infrangible voire immuable. La conséquence au plan juridique est qu’il n’existe alors en principe aucune procédure pour y revenir. Le principe de la limitation de mandats à deux doit être hissé au rang de l’intangibilité pour que le pouvoir constituant dérivé incarné souvent par une majorité parlementaire qualifiée ne puisse y revenir. Intangible, le principe garantit l’alternance au pouvoir. (C’est nous qui soulignons et mettons en gras)

(…) …lorsque le Chef de l’État a conscience à l’avance que sa magistrature est limitée dans un temps au terme duquel il reviendra un citoyen ordinaire, son pouvoir a beaucoup de chance de ne pas être autoritaire. De même, la limitation des mandats à deux anéantit l’idée de règne et favorise celle de mandat représentatif dont le Président de la République n’est qu’un titulaire momentané. Avec la prévarication de la fonction présidentielle, le pouvoir est de moins en moins identifiable à une personne ».

Restons avec I.M Fall qui écrit avec conviction (page 176) : « Au stade actuel du développement politique de l’Afrique dominé par le souci d’enracinement de la démocratie, un chef d’État doit, quels que soient sa compétence, son charisme, sa popularité, s’en aller après deux mandats au pouvoir. Nul n’est indispensable serait-on tenté de dire » (Nous mettons en gras).

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Dans le temps qui nous sépare de l’élection présidentielle de 2024, le vrai débat qu’attendent les citoyens devrait porter sur l’application de l’article 27 de la Constitution à un éventuel troisième mandat ou deuxième « vrai » mandat de l’actuel président de la République. Ce débat devrait nous permettre de répondre précisément à la question suivante : quelle est la signification de la disposition de l’article 27 de la Constitution selon laquelle « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. ». (Ouvrons une parenthèse : à propos du nombre de mandats présidentiels exercés par un chef d’État au Bénin et au Togo, le professeur I. M. Fall estime que « les mots utilisés par les constituants béninois et togolais – « en aucun cas », « nul » – infèrent une interprétation extensive en vertu de laquelle aucun individu, quels que soient son talent, son charisme, la longévité de sa vie et sa capacité à séduire l’électorat, ne peut être président de la République que pendant une période maximale de dix années. À cet égard, le mandat présidentiel est tel une cartouche. Et chaque individu n’en dispose que de deux et pour la vie (Nous mettons en gras). Il s’agit là d’une précision qui mérite d’être reprise dans les autres constitutions » (page 170).

Un débat juridique sur la portée des dispositions de l’article 27 sera l’occasion de revenir sur le sens de la décision constitutionnelle n° 1/C/2016 du 12 février 2016 (publiée au JO n° 6924 du 1er avril 2016), rédigée en des termes très clairs : il n’y est pas question de premier mandat de sept ans non pris en compte par le juge constitutionnel mais de la nouvelle durée du mandat présidentiel qui ne peut s’appliquer au mandat en cours. En d’autres termes, la décision constitutionnelle de 2016 est liée à une question de sécurité juridique et de protection des mandats politiques[3].

Rappelons que «la Constitution sénégalaise ne comporte aucune disposition ayant pour objet d’énoncer le principe de « sécurité juridique [4]» et « cette quasi-absence de l’expression « sécurité juridique » dans le champ lexical du juge constitutionnel sénégalais ne signifie pas cependant pas qu’il ignore la question [5]», dixit l’actuel président du Conseil constitutionnel, Papa Oumar Sakho. « Appelé à se prononcer dans le cadre d’une demande d’avis sur la possibilité de prévoir, dans un projet de loi de révision constitutionnelle, une mesure transitoire ayant pour objet de rendre applicable au mandat du président de la République en cours une disposition qui fait passer la durée de celui-ci de sept à cinq ans, le Conseil avait estimé que, pour la sauvegarde de la sécurité (qu’il avait associée à l’époque à la stabilité des institutions), le droit applicable à une situation doit être connu au moment où celle-ci prend naissance [6]». Le Conseil constitutionnel s’était prononcé contre la disposition transitoire contenue non pas dans une loi constitutionnelle déjà adoptée mais dans un projet de révision de la Constitution dont il avait été saisi, pour avis, par le président de la République sur le fondement du premier alinéa de l’article 51 de la Constitution. C’est ce qui justifie le recours pour la deuxième fois à la notion de sécurité juridique dans la décision rendue le 12 février 2016.

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Mamadou Abdoulaye Sow est Inspecteur principal du Trésor à la retraite

    mamabdousow@yahoo.fr

[1] Ismaila Madior Fall, « Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des États d’Afrique », L’Harmattan, 2008, p. 169.

[2] Exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle française de modernisation des institutions de la Ve République,

[3]En ce sens, voir les considérants 25 à 32 de la décision de 2016.

[4] Papa Oumar Sakho, « La protection des situations légalement acquises : l’apport du Conseil constitutionnel du Sénégal ». Source :  Actes du 8ème congrès triennal de l’Association des cours constitutionnelles ayant en partage l’usage du français (ACCF), pp. 101-110, disponibles sur https://accf-francophonie.org/publication/actes-du-8e-congres-triennal-d….

[5] Ibidem, p. 102.

[6] Extrait des réponses au questionnaire lié aux actes du 8ème congrès de l’ACCF, pp. 569-560.







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