Si nous ne prenons garde, face à l’impasse politique, le Sénégal basculera inexorablement dans un cycle de violences meurtrières. Mais tôt ou tard, le contentieux électoral pénal et le contentieux de la loi électorale se videront autour de recours gracieux. Autant faire, dès à présent, l’économie de pertes en vies humaines, en trouvant une voie de sortie à la crise pré-électorale liée aux législatives du 31 juillet 2022. Quelles que fussent les circonstances qui les avaient amenés à se radicaliser, pouvoir et opposition doivent placer le Sénégal au-dessus de tout.
Jusque-là, le Sénégal est encore cité parmi les pays les plus stables d’Afrique…
Il est également l’un des premiers à avoir expérimenté avec chic et bonheur la démocratie, après l’épuisement de la théorie des quatre courants sous Léopold Sédar Senghor, l’ouverture du multipartisme intégral sous Abdou Diouf, l’avènement de la première alternance démocratique sous Abdoulaye Wade, et la consolidation de la deuxième alternance sous Macky Sall.
Cependant, il faut avouer que le Sénégal a toujours vécu sous un climat politique mouvementé, un front social en ébullition, une jeunesse urbaine survoltée, le tout tempéré par une régulation discrète des anges-gardiens du clergé musulman et catholique.
En ce mois de juin, historiquement électrique au Sénégal, les populations déjà lobotomisées, sont catapultées dans une météorologie chaude et capricieuse. Face à la tempête politique, chaque citoyen digne de ce nom doit se poser la question contenue dans le fameux vers d’Ausone « Quel chemin [démocratique] suivrai-je ?»
Notre vitrine démocratique est-elle craquelée ? L’exception sénégalaise est-elle en déclin ? Le Sénégal est-il déjà une Nation décadente qui s’ignore ? Notre rêve pour un avenir meilleur est-il piétiné ? Sommes-nous encore les dignes héritiers des générations passées ? Notre écriture politique est-elle toujours belle et lisible ?
Ces temps derniers, le rêve sénégalais a été déshonoré, déchiré et piétiné. Piétinés, déchirés et déshonorés l’ont également été nos nombreux sacrifices consentis pour bâtir notre nation. Ces derniers temps, le tissu sénégalais s’est effiloché du fait de la violence physique et verbale, de la haine de soi et de l’autre, de la méfiance des uns et de la défiance des autres.
Face à la montée des périls d’un monde incertain, au lieu de renforcer nos idéaux républicains et démocratiques, nos hommes politiques sénégalais (pouvoir et opposition) jouent avec le péril… démocratique, oubliant que le Sénégal n’a jamais été aussi grand que lorsqu’il se donne en exemple au monde.
« Le pays de la Teranga » n’est pas que 17 millions d’habitants. Le Sénégal, c’est aussi une certaine idée de la démocratie en Afrique, une certaine noblesse du monde, une certaine manière de faire humanité ensemble. Tant et si bien qu’à la fin notre démocratie ne nous appartient plus.
Le parrainage a échappé à son instigateur
Il est vrai que les institutions sénégalaises comptent encore parmi les plus stables et les plus solides d’Afrique. Pour autant, elles peuvent être perfectibles dans un double souci de consolidation des acquis et de l’efficacité démocratiques, au profit exclusif du peuple. C’est dans cette filiation qu’il faut inscrire le concept du parrainage politique. Les concepts échappent souvent à leur créateur. Nous avons humblement conçu et théorisé le système du parrainage politique. Mais comme la créature du Dr Frankenstein, il nous a échappé…
Dans notre raisonnement de Docteur en Sciences politiques et de chercheur en Droit constitutionnel, le parrainage devait se limiter uniquement à l’élection présidentielle. C’est d’ailleurs la substance de l’interview accordée au journaliste Pape Sambaré Ndour [Observateur du 13 mars 2017]. Sans rien divulgâcher !
Lecture à rebours
« Dr Cheikh Diallo, douze mois avant l’entrée en vigueur du parrainage, vous aviez été le premier à en parler dans nos colonnes. Votre commentaire ?
En effet, c’est dans votre journal que j’ai testé et conceptualisé, en mars 2017, le parrainage intégral. A l’époque, je tablais sur 0,5 % du corps électoral. Un an plus tard, le législateur l’a adopté dans une fourchette de 0,8 à 1%. Les faits m’ont donné raison. Aujourd’hui, plus de 80 candidatures à la candidature. Grâce à l’instrument juridico-politique qu’est le parrainage citoyen, nous ne dépasserons pas 8 à 10 candidats en 2019 [à la présidentielle].
On peut dire que vous avez été entendu et suivi…
Exact ! Là où bat le cœur de la République, le message a été reçu 5 sur 5. Toutefois, je n’en tire aucune gloire particulière. Le mérite revient à celles et ceux qui ont porté la loi à bout de bras, je veux parler des représentants du peuple et de l’initiateur du projet de loi : en premier lieu, le président Macky Sall et son ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, (…) mon directeur de thèse de doctorat en Sciences politiques.
Dans la même étude, j’allais plus loin, en soutenant la suppression de la caution présidentielle et je proposais le financement public des candidats à la présidentielle. Sur ces deux points, je n’ai pas encore été suivi ».
Telle est ma part de vérité historique.
Sans vouloir jouer les haruspices avertis, à quelques semaines des élections législatives les plus controversées de l’histoire politique du Sénégal, face d’une part aux amateurs du désastre et du chaos et face d’autre part aux partisans de l’élimination directe, la bataille s’annonce impitoyable, féroce, voire sanglante, au détriment du peuple sénégalais. C’est pourquoi tous les regards sont tournés vers le chef de l’État Macky Sall qui s’apprête à affronter les pires soubresauts politiques.
Qu’à son arc de président clairvoyant de l’Union africaine, il ait également la corde de la tempérance nationale et de l’équité politique, cela confortera le génie démocratique sénégalais. Le dernier mot lui revient.
*L’astragale est une belle plante aux nombreuses propriétés pour la santé. Stimulante et fortifiante, elle renforce le système immunitaire.
Cheikh Omar Dialloest Docteur en Sciences politiques, fondateur de l’École d’Art Oratoire et de Leadership.