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De La Corruption De La Parole Dans Notre SociÉtÉ

Nos Sages, dans les contrées lointaines africaines, soutiennent avec ferveur que toute chose accouche de sa progéniture, à l’exception de la parole qui accouche de sa génitrice. Autrement dit, la parole est sacrée en Afrique. Mon cher doyen Makhily Gassama affirme à juste titre, dans son célèbre ouvrage Kuma: interrogation sur la litterature negre de langue francaise que « le mot est loin d’être un élément vulgaire de la civilisation (africaine) ; il constitue son âme, son souffle divin ; c’est à lui qu’elle doit l’éternité de son rayonnement ». Aussi dit-on que l’honneur est dans la parole et que la parole est dans l’honneur.

Malheureusement, l’une des plaies majeures de notre société ivoirienne contemporaine est la perversion de la parole. En Côte d’Ivoire, la parole « brouteuse » a donné naissance au phénomène des « brouteurs » qui ne sont autre que des escrocs. La parole « décalée » a certes créé un rythme urbain : le « coupé décalé », mais ce phénomène, à ses débuts, cachait une vaste déconfiture de notre société ; car étymologiquement elle signifie « voler et fuir ». L’émergence des « boucantiers » dans les « atalaku » qui avaient pour corollaire la « distribution » éhontée de billets de banques était une vaste escroquerie morale. Dans ce pays, la parole a fait de la paix un vain mot, objet de toutes sortes de surenchères et d’opportunismes.

Symbole de la dislocation des valeurs, la parole a perdu sa substance, sa sacralité légendaire africaine en Côte d’Ivoire. Ainsi voit-on des intellectuels chevronnés, des juristes émérites dire et dédire le droit au gré de leurs intérêts mesquins, de simples élections footballistiques bloquées pour déficit de transparence dans la communication, etc. La jeunesse alors flouée trouve refuge dans la quête effrénée de « Boss » (mentor) et de « vieux pères » (parrains). Le gain facile est par conséquent devenu la norme.

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Comment alors être étonné de voir ces « avenirs de la nation » mourir dans la méditerranée ? Une jeunesse sans avenir ne sera jamais l’avenir d’une nation. (paraphrase de Mamadou Koulibaly)

Comment être étonné que la parole détruise une vie conjugale qui se voulait paisible, laissant sur le carreau une dame de cinq (5) enfants qui ne rêvait que d’un idéal de vie paisible et faisant simultanément d’une autre en quête d’idéal, une simple « Tchiza », « une voleuse de mari » ?

La parole mensongère, dépourvue de toute sa quintessence sacrée qui rime avec l’honnêteté est source de dérive et de tristesse.

Il est temps que nous la soignons ; car soigner la parole, c’est inéluctablement reconstruire nos valeurs morales en déperdition.

Il est aussi grand temps que nous réfléchissions, sans faux-fuyant, sur la question de la polygamie et de la légalisation du mariage coutumier.   

Notre parole nous détermine et déterminera nécessairement le futur de notre société.

Adama Samaké est enseignant-chercheur, maître de Conférences, au département de Lettres modernes de l’université Félix Houphouët Boigny de Cocody-Abidjan (Côte d’Ivoire).







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