« Alinéa 2 de l’article 87 de la Constitution : la dissolution ne peut intervenir durant les 2 premières années de la législature » Ne nous y trompons surtout pas : les élections législatives du 31 juillet 2022, constituent un moment décisif pour la survie de la démocratie et de l’état de droit au Sénégal. Hormis quelques égarés du pouvoir en place qui sombrent dans le déni total, tous les Constitutionnalistes et universitaires sérieux, professionnels de droit, ou membres d’organisations de la société civile le disent désormais clairement et ouvertement : avec les décisions totalement illégales du Conseil Constitutionnel et du Préfet du Département de Dakar, la faillite des institutions administratives et juridictionnelles a atteint un point de non-retour, sous le magistère de Macky Sall. Les interventions magistrales du Doyen, Docteur en Droit Public Ibrahima Fall et de l’ancien Ministre de la Justice et Avocat Maitre Doudou N’Doye ont définitivement clôt le débat et fini de convaincre, les derniers sceptiques que le Sénégal s’engage dans une trajectoire oblique, une pente dangereuse et extrêmement périlleuse. Dans ce contexte inédit, d’affaissement sans précédent des institutions et de déliquescence de l’état de droit, une lecture attentive des dispositions de l’article 87 de la Constitution sénégalaise permet de cerner les enjeux d’une cohabitation à l’issue du scrutin du 31 juillet 2022. En effet, Il s’agit de fermer au plus vite, la parenthèse Macky Sall, dont la gouvernance machiavélique a transformé le Sénégal en une république bananière.
1_ Clarifier la notion de cohabitation
Des partisans du régime qui méconnaissent le sens de la notion de cohabitation s’épanchent régulièrement dans les médias, et soutiennent avec une incroyable audace qu’une cohabitation est impossible, au motif qu’elle n’est pas prévue par la Constitution sénégalaise. D’emblée, Il convient de préciser que la cohabitation n’est pas un concept juridique. En effet, nulle part, dans la Constitution Française de la Vème république, il n’est mentionné le terme de « cohabitation » qui ne figure dans aucun article, ni aucune disposition de la loi fondamentale. La Constitution française été rédigée pour suggérer une concordance entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire (pour une gouvernance plus aisée). Ce souhait de concordance des majorités se heurte toutefois à un principe fondamental : la souveraineté du peuple qui choisit librement ses représentants. C’est la raison pour laquelle, la France a connu 3 cohabitations, en 1986, en 1993 et en 1997. Lors des dernières législatives de juin 2022, les Français ont fait le choix, en toute liberté de donner au Président Emmanuel MACRON, une majorité relative, l’obligeant à devoir composer avec l’opposition, pour construire une majorité, et bâtir des compromis, texte par texte. Ce n’est pas la Constitution qui impose une concordance mécanique ; ce sont les électeurs, qui par leur vote, imposent ou pas la cohabitation. La cohabitation c’est avant tout la traduction d’un rapport de force électoral, entre des forces politiques antagonistes, qui sont appelées à cogérer, dans le respect des institutions. Venons-en maintenant précisément au cas du Sénégal.
2- La souveraineté nationale appartient au peuple, par un choix libre et pleinement assumé
Au même titre que la Constitution française, la Constitution sénégalaise suggère une concordance entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire. Aux termes de l’article 42 de la Constitution sénégalaise « le Président détermine la politique de la nation ». Mais, pour pouvoir déterminer, orienter, et décider de la politique de la nation mise en œuvre par le premier ministre (cf article 53 de la Constitution), il y a un préalable : il faut disposer d’une majorité parlementaire : sans majorité parlementaire, tous les projets de loi émanant du pouvoir exécutif peuvent être retoqués (l’exécutif n’a plus la main pour dérouler sa politique). L’article 3 de la Charte suprême dispose que « la souveraineté nationale appartient au peuple sénégalais…».ll appartient donc aux citoyens sénégalais, et à eux seuls de choisir librement leurs représentants. La Constitution sénégalaise n’impose ni une concordance d’une majorité mécanique, ni une cohabitation. Elle laisse le soin aux électeurs de trancher la question, par le vote (choix du citoyen). Dans l’hypothèse probable d’une cohabitation au soir du 31 juillet 2022, Macky Sall devra se conformer au choix des électeurs sénégalais, d’autant qu’il sera dans une situation d’empêchement, puisqu’il ne pourra pas dissoudre l’assemblée nationale durant les deux premières années de législature. Les dispositions de l’article 87 de la Charte suprême sont extrêmement claires, nettes et précises.
Article 87 de la Constitution :
« Le Président de la République peut, après avoir recueilli l’avis du Premier Ministre et celui du Président de l’Assemblée nationale, prononcer, par décret, la dissolution de l’Assemblée nationale. Toutefois, la dissolution ne peut intervenir durant les deux premières années de législature….. ». Pour rappel, l’avant-projet de Constitution de la CNRI (Commission Nationale de Réforme des Institutions) avait envisagé l’éventualité d’une non concordance entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire. L’article 75 dudit projet de constitution dispose « En cas de non-concordance entre la majorité présidentielle et parlementaire, le Premier ministre est nommé par le Président de la République sur une liste de trois (03) personnalités proposées par la majorité parlementaire ».
3- Le bilan de la gouvernance de Macky Sall est chaotique
Le bilan de Macky Sall est effroyable et catastrophique à tous les niveaux : l’émergence est à quai, l’état de droit s’est effondré avec un chaos institutionnel inédit ; les hôpitaux sont des mouroirs et dans un état de délabrement avancé ; le système éducatif est littéralement est en faillite ; le chômage des jeunes atteint des niveaux record ; les pirogues de la mort se poursuivent à un rythme effréné endeuillant des centaines de familles, dans le désarroi total ; des manifestants pacifiques exerçant leur droit constitutionnel sont froidement et lâchement assassinés ; les pénuries d’eau et d’électricité affectent de nombreuses localités de Dakar ; l’insécurité et la pauvreté sont visibles à tous les coins de rue, au moment même où les caisses ont été vidées par les prédateurs et les mafieux du régime qui ont érigé le vol, le népotisme et la prévarication en un véritable système de gouvernement. Dans quelques semaines, des milliers de sénégalais vont une nouvelle fois patauger dans les eaux (inondations à venir), du fait de l’amateurisme, de l’impréparation totale et de l’incompétence d’un régime meurtrier.
Conclusion :
Avec le rejet massif qui s’exprime à l’égard du régime, exacerbé par l’assassinat de 4 manifestants, le 17 juin 2022, les conditions sont réunies pour que l’opposition obtienne une majorité à l’assemblée nationale au soir du 31 juillet 2022. L’opposition regroupée autour de la coalition YEWWI-WALLU doit développer des thèmes de campagne porteurs et proposer un programme de rupture pour susciter l’adhésion massive des populations qui ont tourné le dos à Macky Sall (les 4 manifestants tués sont encore frais dans les mémoires des sénégalais qui ne pardonneront pas au régime d’avoir instauré le chaos et ordonné la répression aveugle ayant conduit aux violences mortelles du 17 juin 2022). Le 31 juillet 2022, la cohabitation est un impératif, une œuvre de salubrité publique pour nettoyer les écuries d’Augias et les immondices du régime sanguinaire de Macky Sall, abroger toutes les lois liberticides, scélérates, restaurer l’état de droit et réconcilier l’assemblée nationale avec le peuple. La cohabitation, c’est le choix libre et pleinement assumé des électeurs de confier une majorité parlementaire à l’opposition. Elle doit permettre d’introduire une rupture forcée dans la pratique des institutions, avec un président considérablement affaibli, qui ne dispose plus d’une légitimité suffisante pour gouverner le Sénégal. Si Macky Sall perd la majorité à l’assemblée et qu’il persiste malgré tout à nommer un premier ministre issu de son camp, la nouvelle majorité parlementaire dispose d’une arme redoutable : elle pourra voter une motion de censure pour renverser le gouvernement, conformément à l’alinéa 3 de l’article 86 de la Constitution qui dispose que « l’assemblée nationale peut provoquer la démission du gouvernement par le vote d’une motion de censure ».
Afin que nul n’en ignore, il convient de préciser qu’entre le 31 juillet 2022, et le 31 juillet 2024 (pendant 2 ans), l’assemblée nationale ne pourra pas être dissoute.
Par ailleurs, au 31 juillet 2024, Macky SALL ne pourra dissoudre quoi que ce soit, puisqu’il aura déjà quitté le pouvoir. L’alinéa 2 de l’article 27 de la Constitution est formel : nul ne peut exercer plus de 2 mandats consécutifs.