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Macky D’hier Et « Niangal » D’aujourd’hui

Macky D’hier Et « Niangal » D’aujourd’hui

Sous forme de contribution intitulée « Mister Niangal Sall, fourth president ? », ce texte a été publié il y a 10 ans, dans l’entre-deux tours des élections présidentielles de 2012. La situation et l’atmosphère socio-politiques actuelles du Sénégal avec ses protagonistes nous rappellent étrangement l’atmosphère et le climat de l’époque avec ces mêmes acteurs. Et dans des postures différentes voire opposées qui a d’ailleurs incité l’auteur à savoir le brillant professeur psychologue Mamadou Mbodji de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar ( Ucad) à en soumettre quelques larges extraits à nos lecteurs. Avec en sus, des commentaires fort édifiants d’un économiste-politologue et d’un juriste-politologue qui avaient connaissance du texte avant sa nouvelle publication. Et comme entre temps beaucoup d’eau a coulé sous les ponts « politiques », Pr Mbodj nous dresse deux portraits croisés : Macky d’hier et Niangal d’aujourd’hui.

(Macky d’hier)

L’opposant Macky Sall a pris de l’étoffe à travers les différents postes de responsabilité de premier plan par lesquels il est passé et à force de côtoyer deux hommes politiques psychologiquement solides, de très fins manœuvriers, à l’ego surdimensionné, qui l’ont encadré, malmené à l’occasion et qui, à leur corps défendant, l’ont formaté et propulsé de l’avant, sans entrevoir l’effet boomerang que tout cela allait constituer. En effet, Macky s’est forgé aux côtés de deux hommes politiques peu commodes. L’un est président, l’autre fut premier ministre, dont l’ego surdimensionné leur a fait (…) croire –à tort- que la réserve de Macky, son allure de jeune cadre bien formé mais effacé et son côté faussement introverti voire timoré, en faisaient un collaborateur, taillable et corvéable à merci ! Qu’est-ce qu’ils avaient tort ! Ils l’auront sacrément appris à leurs dépens !

Car en politique de telles fautes se payent cash ! En effet, notre bonhomme, ayant vu comment son maître d’hier –Wade- s’est défait de son second –Idy son fils spirituel de l’époque dont la personnalité et les ambitions affichées constituaient de sérieux obstacles à son projet démentiel de dévolution monarchique/dynastique du pouvoir- Macky a joué le jeu en acceptant de s’improviser coach et de participer au rituel bien agencé de liquidation et de mise à mort d’Idy qui le gênait aussi dans ses propres ambitions. (…) il a compris vite ce qu’Idy n’avait compris que tardivement : Wade les utilisait méthodiquement dans son projet (…) de se faire succéder par son fils biologique à tout prix. Macky avait également compris par la suite qu’il allait être le prochain bouc-émissaire, mais comme un homme averti en vaut deux, il a vite fait de prendre ses dispositions (…)

 Idy quant à lui, a été à très bonne école en matière d’adversité et de manœuvres où le moindre faux pas pouvait s’avérer mortel et s’y est forgé à la fois un « fighting spirit » et l’âme d’une force tranquille, déterminée, absolument méthodique et imperturbable. Premier ministre et ensuite directeur de campagne de Wade en 2007, Celui-ci ni Idy – tous deux trop pris dans leurs projets et calculs, au point de s’y emmêler les pédales avant de se tirer chacun une balle dans le pied- n’ont pas vu « le petit » en prendre de la graine, grandir, mûrir, s’étoffer en expérience, en savoir-faire et en assurance ! Trop pris par le fils d’emprunt qu’il cherchait à enterrer vivant et obnubilé par le fils biologique qu’il cherchait à promouvoir, Wade commettra l’erreur fatale de s’en prendre à Macky en le faisant choir de son perchoir de l’Assemblée nationale (…)

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Une ascension politique rapide !

L’homme à l’ascension politique rapide et à l’itinéraire linéaire, a eu un parcours au pas de charge où son mérite personnel n’avait rien à envier à son étoile lustrée, illuminée et portée par les évènements, les circonstances, les opportunités et les effets collatéraux des egos surdimensionnés et des confrontations –sur fond de gros sous, de scandales politicofinanciers, de CD explosifs, de manœuvres, de contorsions et de ruses- des deux pachydermes –bientôt à la retraite ? Macky a su manœuvrer allègrement et composer avec la vigilance, l’intolérance, l’autoritarisme et la mégalomanie des deux samouraïs qui avaient fini par lasser les Sénégalais. Après Idy, Macky est le second à avoir tenu tête à Wade et publiquement. A la différence du maire de Thiès enfermé et piégé dans ses circonvolutions, ses jeux de yo- yo -comme dirait Yoro Dia- et autres tortuosités rocambolesques qui ont fini de le discréditer aux yeux de bien des Sénégalais, comme en témoignent ses contre-performances électorales d’il y a quelques jours, Macky Sall lui, a vite fait de comprendre que pour sauver sa peau, son honneur et son avenir politique, il ne lui restait qu’à prendre ses clics et ses clacs, tourner le dos au père, quitter la maison paternelle et fonder sa propre famille !

Pour quoi faire ? Pour en faire une arme fatale pardi ! Car s’il voulait vivre, il allait falloir affronter ouvertement (…) le père d’hier (…) l’abattre politiquement. Il s’est alors inscrit dans une démarche à la logique foncièrement parricide, conscient que le camp d’en face n’allait rien lui épargner. Il nous est alors apparu sous des dehors nouveaux. Son allure effacée et policée de jeune diplomate (…) a cédé le pas à un style plus affirmé du leader qui a fini de se chercher et de se forger dans l’ombre d’un mentor !

Un leader au langage clair et sans ambages sur ses intentions (…) tout en laissant subsister des zones d’ombre (…) sur la provenance de ses fonds politiques, ses sources de financement, ses parrains, etc. A lui qui disait il y a encore quelques mois, que même la maison qu’il habitait dans le quartier chic de Fann était une maison en location, on lui prête aujourd’hui un patrimoine immobilier dans le pays et aux Etats-Unis. De l’intox ?

Certainement que nos journalistes (…) ramèneront le sujet sur le tapis ! Surtout que notre bonhomme de candidat nous présente depuis quelques mois une mine moins farouche et l’allure très avenante du gendre idéal (…)

Pendant qu’on glosait sur sa fortune subite, lui imperturbable sillonnait le pays et le reste du monde (…) pour convaincre que c’est lui l’homme qu’il faut à la place de Wade. Flegmatique, avec un discours au débit incisif et à la tonalité péremptoire, il avance, tisse sa toile, s’impose sur la scène politique nationale, et s’installe dans l’adversité résolument anti Wade tout en semblant dire à qui veut l’entendre que lui ne se laisse pas faire ni avoir par Wade ! Il rendra coup sur coup (…)

Macky Sall, pour sa première participation à une élection présidentielle (…) vient d’être classée 2ème après son ancien mentor Abdoulaye Wade –qui, malgré ses 86 ans et 12 ans passés à la tête du pays- a tenu, en violation de la Constitution et avec la complicité criminelle du Conseil constitutionnel- à se porter candidat pour un 3ème mandat, en dépit de la forte contestation populaire à travers tout le pays, avec mort d’hommes. Macky va donc devoir affronter son ancien père spirituel et tout porte à croire que Wade n’a aucune chance de s’en sortir vainqueur, au vu des scores respectifs, des ralliements massifs au Candidat de la coalition Macky 2012 entre les deux tours et des appels publics et solennels des 12 autres candidats de l’Opposition, à voter au second tour pour Macky ! Mais qui nous disait il y a exactement 5 ans que « la démocratie sénégalaise n’a pas besoin d’un 2ème tour et que le principe du 2ème tour est un « cliché démocratique » ? (…)

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Pour sa première participation à une élection présidentielle comme candidat, il a fait, d’une pierre, quatre coups, en envoyant (…) Niasse et Tanor à la retraite politique, Idy va aller en semi-retraite pour au moins 10 ans (…) et Wade va assurément les rejoindre (…) Et là, les 5 du Conseil constitutionnel n’ont qu’à commencer à rédiger leurs tristes mémoires ! Sans parler (…) de tout ce beau monde du système Wade -dont Serigne Mbacké Ndiaye- qui va devoir bientôt raser les murs en nous épargnant leur arrogance et leur illusion d’immortels (…)

L’alternance politique avec à la clé, une élection tous les 5 ans et pas de 3ème mandat constitue un rempart contre la mégalomanie, l’ego surdimensionné, l’arrogance et la boulimie du pouvoir. La démocratie des hommes et des femmes politiques chez nous, ne devra plus être un concept au visage et au contenu kaléidoscopiques. Un concept caméléon variable en fonction des besoins du moment, selon que l’on est dans l’Opposition ou au Pouvoir ; la démocratie à la sauce gombo, on n’en veut plus et merci aux vaillants jeunes de « Y’en a marre » qui se sont engagés comme des sentinelles vigilantes (…) Macky s’est engagé solennellement à appliquer les résolutions de la Charte de bonne gouvernance des Assises nationales (…) ; devenu un homme public, il a rangé le niangal aux oubliettes !

Désormais c’est Macky, « mister dents blanches » ou « l’homme qui, comme -Lucky Luke- d’un coup, fit mouche 4 fois. Quel doigté ! Pourquoi pas le porter au pouvoir en votant massivement pour lui le 25 prochain, (… ) l’essentiel de la classe politique et de la Société civile active -encore pétries de valeurs, d’éthique, de patriotisme, d’esprit de sacrifice, de tolérance et de justice et aspirant à un Sénégal nouveau, à une manière différente de faire de la politique, de gérer les biens publics, de gouverner le pays et de viser à la restauration de ce commun vouloir de vie commune qui nous font tant défaut appelant à voter pour lui ? Depuis quand n’a-t-on pas réuni dans un même élan de patriotisme, de détermination et de réalisme éclairé, une si belle palette d’hommes et de femmes du landerneau politique et de la Société civile, derrière un seul homme ? Macky, fourth president ? Oh, yes, he can ! Merci de nous redonner l’espoir !

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Dakar, mars 2012

Mamadou MBODJI

Psychologue – UCAD

(Macky d’aujourd’hui)

Qu’est devenu cet homme qui avait en 2012 toutes les cartes en main ? Qu’en a-t-il fait ? Comment et pourquoi en est-il arrivé pendant sa gouvernance à exercer tant de violence étatique, de « pouvoirisme », d’autoritarisme et de mal gouvernance et à parrainer allègrement tant d’injustice sociale ? Comment en est-il arrivé en 10 ans de gouvernance à la tête de l’Etat à s’identifier au père d’emprunt -son ancien mentor qui voulait se débarrasser de lui-, à les surpasser lui et Idy dans les calculs, manigances et combines de l’époque qui les ont perdus ? Comment en est-il arrivé à faire la promotion et à visage découvert de tous ces reniements, lâchetés et trahisons, ces ressorts intérieurs monstrueux tapis et sommeillant au plus profond de chaque être humain et qu’il appartient à toute société notamment à ses autorités de tout bord, d’en faciliter à ses membres le contrôle voire la sublimation pour leur permettre de conserver une part d’humanité ? Qu’a fait cet homme de son engagement solennel de l’époque à appliquer les résolutions de la Charte de bonne gouvernance des Assises nationales ? Il est redevenu peu bavard, un taiseux qui a ressorti des placards, son niangal et qui a l’esprit rivé dans ses « calkill », n’ayant manifestement pas respecté son engagement ni tiré des leçons des erreurs de son prédécesseur. Selon un ami économiste-politologue, « Un espoir perdu (…) ! Avoir pour lui de si larges avenues pour consolider la démocratie, asseoir une justice sociale, une éthique républicaine, une gouvernance vertueuse, etc.- et se contenter d’emprunter allègrement des sentiers usuels des politicards, quel gâchis, quel dommage ! »

Selon un autre ami, juriste-politologue, « ce texte est très instructif en ce qu’il décrit bien l’environnement politique avant les présidentielles de 2012 et dresse les portraits psychologiques assez éloquents des trois protagonistes de l’époque. Mais il se trouve que les personnalités respectives des deux principaux acteurs s’appuyant sur une Constitution qui leur donne les pleins pouvoirs ont successivement produit les mêmes travers du père au fils. En en relisant la conclusion, c’est à se demander si les intellectuels qui aujourd’hui ne se préoccupent que de la question du 3ème mandat et qui hier ne s’étaient préoccupés que du départ de Wade ne vont pas commettre de nouveau la même erreur ? (…)

Peut-on raisonnablement croire que les prétendants actuels au pouvoir sont si différents des personnages décrits dans le texte et qu’ils useront avec sobriété des immenses pouvoirs que la Constitution actuelle reconnaît au chef de l’Etat ? » La différence des prétendants actuels viendra d’abord de leur engagement sincère à appliquer les résolutions de la Charte de bonne gouvernance des Assises nationales dont ils feront un viatique et une précieuse feuille de route. C’est aussi un gage, une balise et un garde-fou qui permet une gouvernance d’humilité, de modération, de justice sociale, d’éthique et de noblesse d’âme ! Et enfin un moyen d’éviter de se retrouver dans des postures de WAX WAXET, de reniement, d’atermoiements, de rapport de force ou de confrontation au moment où il faut incontestablement partir !

Dakar, septembre 2022

Mamadou Mbodji

psychologue







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