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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Conjectures

Les dents de l’insouciance repoussent dans notre pays. L’indolence gagne de larges secteurs de la société abasourdie par des bruits ambiants que secrètent et entretiennent avec ardeur les réseaux sociaux. Ils montent en puissance et révèlent l’affaissement des valeurs morales.

La pudeur a volé en éclat. L’indifférence au sort des autres prend des proportions inquiétantes. Certains exhibent leur misère et en font un fond de commerce. D’autres, par contre, la dissimulent du mieux qu’ils peuvent pour dévier le regard. Ce regard malsain, méchant, médisant perce les secret et les dévoile à des fins de plaisirs sombres.

Qui n’a pas été victime de propos malveillants ? Qui n’a pas tenté de révéler les défauts d’autrui dans le seul but de nuire ? Affolant ? Sûrement. On se calme. Car les crises actuelles nourrissent et alimentent les peurs. Néanmoins, la précaution a valeur de symbole pour éviter le chaos qui s’annonce. Pas besoin de sondage pour constater l’effritement du tissu social sénégalais. Il s’effiloche.

Alors, s’il y a un malaise, au demeurant réel, par quel bout le prendre ? Le pays n’évolue plus sur sa vraie valeur. Il a dévié de sa trajectoire lorsque tout est prétexte aux commérages, aux spéculations et aux parlottes sans fin. Parce que ces travers nous côtoient, ils nous incitent à la paresse et à la mollesse.

Le champ d’action se rétrécit alors que les opportunités d’agir fleurissent pour transformer en mieux son monde. En évitant sur une longue durée de se donner de la peine, le Sénégal fait pâle figure aujourd’hui dans le concert des pays qui prônent des ruptures. Les Cassandres et les prophètes de malheur existent et prospèrent en ces temps de crise. Ils se vantent de porter la « bonne parole » ou se proclament détenteurs de la « vérité révélée ».

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L’impasse sociale nous guette. Et avec elle, la complaisance constitutive d’une « identité meurtrière », expression chère à Amine Maalouf, écrivain libanais. La progression de ces antivaleurs sonne le recul de la démocratie, moins attractive, plus exposée aux « attentats ». Elle se déploie sans énergie, à moins que ce ne soit celle du désespoir…

Mais dans la vie ordinaire des gens ordinaires, les incohérences économiques produisent leurs effets. Le petit commerçant ne parvient plus à vendre « correctement » pour s’offrir des marges et entretenir modestement sa famille. La profession « chauffeur de taxi » risque de disparaître avec l’implosion des transports soumis à un désordre permanent.

Quant aux salariés des entreprises, ils se lamentent de la perte de pouvoir d’achat rendu possible par la conjonction de deux facteurs : la hausse des prix et le gel du point d’indices du traitement. Dans le secteur hallucinant des logements, prévaut une situation ubuesque. Les bailleurs fixent les prix qui ne baissent jamais. Les locataires subissent faute de protection agissante.

Le coût du loyer absorbe les revenus sans aucune logique. De telles pratiques échappent à toute rationalité et la puissance publique est… impuissante pour sévir en frappant là où ça fait mal : le portefeuille. Il est incompréhensible que les propriétaires dictent leurs lois en invoquant des arguments pour le moins fallacieux. S’ils obtiennent des crédits longs pour financer leur projet immobilier, ils ne peuvent répercuter la charge sur des locataires pressurisés. Haro sur les marchands de sommeil !

Sans illusion, deux figures marquent les esprits à la veille de la coupe du monde au Qatar. Pour ne pas les nommer, Sadio Mané et Aliou Cissé constituent des « cas » rares pour être relevés compte tenu de l’exemplarité qu’ils incarnent.

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Visage lisse et œil rieur, la jeune star, volontaire à souhait, reste inaccessible à l‘abandon. Il a le mental fort et s’abreuve au réalisme. Son vécu et ses attaches ainsi que ses racines paysannes le prédisposent à la mesure, à la sobriété et surtout à la retenue pour dissocier ce qui relève du divin et de l’humain. Cette vision l’habite. Le champion d’Afrique en a fait une règle de vie.

Sa blessure au genou a tenu tout un peuple en haleine. C’est dire l’affection et l’estime que lui manifestent les Sénégalais surtout en ces temps de doute lié à l’hypothèque pesant sur son improbable participation à la Coupe du monde au Qatar. Seule certitude : son classement reste incertain. En clair, sa santé avant tout.

Visage émacié, regards vifs et chevelure en bataille, Aliou Cissé dissimule ses sentiments. Il parle peu. Ses conférences de presse d’avant et d’après match sont un modèle de concision et de sobriété, qualité qu’il partage avec son joueur fétiche Sadio Mané. A deux, ils sont connus pour avoir un mental d’acier. Mais le coach, par ses silences, se protège et évite les apartés de circonstances, occasion rêvée par les « buzzeurs » pour brandir des scoops qui n’en sont pas avec des risques de quiproquo qui l’indisposeraient.

Lorsqu’il a appris la nouvelle de la blessure de son joueur vedette, Cissé ne s’est pas épanché pour autant dans les médias. Il s’est retenu de réagir sans céder à la pression ambiante, préférant ne s’exprimer à ce sujet que lors de la publication vendredi dernier de la liste des Lions sélectionnés pour Qatar 2022. Ce geste est éloquent. Mieux : il est élogieux. Sans conteste, Aliou Cissé est un leader.

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Sénégalais dans le repli de son âme, il se différencie de ses compatriotes par sa propre résilience face aux effets de modes. Il s’évertue à garder cette ligne de conduite, sans doute un trait d’éducation et de caractère pour cet entraîneur atypique adepte du jeu efficace. Peu importe s’il est moins beau.

Tout au long de sa carrière (footballeur et coach à la fois), Cissé a enchaîné victoires et défaites. Ces dernières ont pour lui un goût amer. Mais le dépassement et la revanche se télescopent dans cet esprit conquérant, travailleur et tenaillé par la revanche. Par sa ténacité et son sens de l’étape, il est parvenu à forger un « collectif Lions » devenu une signature et une marque très prisée sur le marché.

Pour preuve, les maillots se vendent comme de petits pains malgré le prix élevé que la Fédération justifie par le nécessaire attachement à l‘équipe nationale.

Mais l’incohérence pointe le bout du nez avec l’absence de boutiques de vente sur toute l’étendue du territoire. L’économie de sport ne se fait pas sentir. En cette période de coupe du monde, le Sénégal se devait de vibrer à l’unisson avec une embellie économique à l’arrivée.

Dans l’air, devraient flotter une atmosphère et une ambiance de coupe du monde. Les posters géants à l’effigie des Lions auraient pu tapisser les panneaux et les façades des grands immeubles. Idem dans les médias qui, à leur corps défendant, articulent des contenus appropriés. Quand c’est tard, c’est déjà trop tard pour le coup. Place au jeu…







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