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La Crise Des Identites Politiques Nationales Au Senegal

Une identité politique est une identité collective. Mieux, en effet, elle est une identité nationale qui s’accommode avec le besoin constitutionnel d’une république à la sénégalaise : « laïque, démocratique et sociale » (article premier de la constitution du Sénégal). Ainsi, l’article 5 de la constitution précitée interdit « tout acte de discrimination raciale, ethnique, religieuse ou toute propagande régionaliste pouvant atteindre à la sécurité intérieure de l’Etat ou à l’intégrité du territoire ».

Au Sénégal, après les indépendances et avec l’instauration graduelle du multipartisme (instauré en 1974 et limité à trois avec la loi 76-01 du 19 mars 1976 portant révision de la constitution ; il sera élargi à quatre avec la loi 78-60 du 28 décembre 1978 avant d’être intégral en 1981 avec la loi 81-17 du 6 mars 1981)), nous avons assisté à une cohabitation de partis politiques qui se déployaient aux ailes d’identité nationales bien vrai qu’importés. En l’espèce, il y’a eu respectivement hormis la tradition Gauche/Droite, une tendance socialiste d’abord avec une durée de gouvernance socialiste d’environ quarante ans, libérale ensuite qui a abouti à la première alternance politique de 2000 avec l’accession au pouvoir des libéraux sous Abdoulaye Wade et le PDS.

Cependant, depuis la deuxième alternance de 2012 avec une coalition gouvernante mélangée de républicains, socialistes, progressistes etc. que certains appelleront de « Tout sauf Wade », ces identités politiques nationales déclinent (des signaux étaient cependant déjà visibles bien avant cette période) de plus en plus et semblent laisser la place à de nouvelles. Celles-ci ne sont pas toutes naturellement politiques mais sont de plus en plus politisées. Elles sont à la fois des revendications d’égalité et de différence pouvant à l’extrême constituer une réelle menace à la stabilité sociale.

I – L’affaiblissement des identités politiques nationales :

L’un des mérites de l’ancien président sénégalais Léopold Sédar Senghor a été de vulgariser le cousinage à plaisanterie, ciment d’une volonté commune de vivre ensemble. Malheureusement depuis quelques années nous constatons que ce cousinage s’effrite de mieux en pire. Des précédents dangereux, suivis de manifestations réelles et flagrantes nous inquiètent.

Nous avions très tôt fait du mouvement étudiant une lecture inquiétante qui devait attirer l’attention des autorités à temps. La pratique de ce mouvement dans l’exemple de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar constituait un précédent dangereux. D’associations culturelles de départ, le volet « solidarité » de certains mouvements locaux au niveau de l’université les a poussés à une immixtion dans le syndicalisme étudiant.

En effet, nous avons vu des interventions du mouvement Kékendo dans les élections de renouvellement des facultés pour venir en aide à un des siens. Plus tard, s’est formé le mouvement Ndef Leng. La première fois que je suis intervenu dans le panel initiant ledit mouvement était pour attirer l’attention sur les dérives adjacentes : il fallait éviter toute envie de contre mouvement.

Malheureusement l’avenir m’a donné raison avec le choc déplorable des « deux cousins » une nuit du jeudi 25 au vendredi 26 mars 2021. Un choc qui a fini par mobiliser les « rois » d’Oussouye et du sine. Heureusement que le malentendu entre les deux cousins ne peut guère prospérer du fait du lourd héritage laissé par leurs ancêtres « Aguene et Diambogne ».  Cependant, il faut noter afin de l’endiguer pendant qu’il est temps, la persistance de ces pratiques qui voient de l’autre côté se former d’autres mouvements d’obédiences régionales (en substance). Il faut, dans ces mouvements, tuer les volets politiques pour laisser prospérer le culturel.

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L’ère de l’actuel président de la République son excellence monsieur Macky Sall et l’avènement du parti politique Pastef les patriotes nous servent de point d’analyse. Ces deux exemples illustrent nos inquiétudes même s’ils ne s’orientent pas volontiers dans cette perspective.

II – La recrudescence de nouvelles identités « politiques » : une menace aux identités nationales.

« La nature (ayant) horreur du vide », d’autres identités qui malheureusement ne pouvant s’ériger en « universel » parce que limitées dans leur essence même emboîtent le pas aux identités politiques nationales traditionnelles. Elles sont politisées et se développent davantage.

Les identités religieuses sont aujourd’hui brandies à outrance sur la scène politique. Les sectes religieuses les plus puissantes deviennent les plus instrumentalisées, de l’intérieur comme de l’extérieur. Il s’agit principalement des confréries dans la religion islamique sénégalaise ; l’Eglise et les autres branches de la religion musulmane y font moins de tentations.

En effet, les héritiers et les fidèles naturalisés autant que les étrangers s’y adonnent.

D’abord c’est des associations de petits fils d’un érudit ou d’une individualité des leurs qui investissent la scène, l’identité en bandoulière.

Ensuite c’est des « éloges » d’appartenance au service d’un « plaidoyer » politique pour accroître sa légitimité et élargir son audience.

Enfin c’est une bienséance à la solde d’une amitié et d’une ouverture d’esprit intéressées et circonstancielles qui parfois même cache mal un malaise en filigrane des faits et gestes.

En outre, dès 2019, lors de la nomination du premier gouvernement du président réélu (Macky Sall), j’écrivais déjà « la bandoumisation du pouvoir ». Mon grand frère me somma de le supprimer. Ce que je fis sans m’expliquer. En réalité, j’aurais dû emprunter le sérère et écrire « la pogoumisation du pouvoir » pour réduire les soupçons ethnicistes à l’égard de ma plume. Parce qu’en évoquant ce terme de « bandoumisation », j’ai voulu justement dévoiler le népotisme constaté par plus d’un et qui trainait déjà une appréciation négative. Une dérive dans le choix des gouvernants subalternes au Président certes mais précédé d’un discours pas catholique de ce dernier.

Au fait, de l’identité politique de monsieur le candidat Macky Sall nous tenions « Neddo ko bandoum », « Fañ na ngor’o Rog’a deb no qolum – o’fañin fañ fañ ta wačača ». Si le premier est explicite en faisant appel à la solidarité et au soutien familial, ethnique et autres, le second le confirme implicitement si l’on connaît son origine. En effet, « Fañ na ngor’o Rog’a deb no qolum – o’fañin fañ fañ ta wačača » était l’hymne du royaume du Sine dont l’origine symboliserait la victoire du Sine à la bataille de Djilas du 13 mai 1859 contre l’armée coloniale. Reprendre un tel baak dans l’arène politique nationale est symboliquement problématique. Qui, en pareilles circonstances, serait Ngor et qui serait son ennemi à l’image de l’armée coloniale d’alors ?

L’autre donnée inquiétante coïncide avec l’avènement du Pastef. Ce parti politique a subi certes l’une des stigmatisations les plus flagrantes de l’histoire politique sénégalaise.

Par contre, des coïncidences inquiétantes méritent d’être soulignées. Le silence de monsieur Ousmane Sonko pendant que nous notions des vagues d’indignations sur la prise d’otages de militaires sénégalais par Salif Sadio a posé mille et une interpellation. Le Quotidien écrivait, le 21 février 2022 d’ailleurs que « tout le monde s’était senti préoccupé inquiet et révolté (…). Une seule voix a manqué à ce concert de désapprobation ou de condamnation de cet acte (…) : c’est celle d’Ousmane Sonko… »

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Symboliquement, l’histoire lui avait donné l’occasion d’affirmer sa position. Entre condamner et ne pas condamner, non seulement il s’est abstenu mais pire il avance expressément un discours lui-même condamnable et de surcroît dans un contexte inapproprié : « Macky Sall n’aime pas la Casamance ». Il s’y ajoute, le ralliement inquiétant au Pastef d’un activiste qui selon un post qui lui est apparenté sur la toile depuis le 13 mars 2012 (à tort ou à raison), aurait proposé un référendum d’autodétermination de la Casamance (je me réserve le droit de le prendre par des pincettes) et qui apparemment n’a aucun respect pour nos institutions.

Il faut rappeler que le maintien des traits distinctifs au sein du grand ensemble constitue un précédent dangereux. L’égal respect envers des pratiques différentes devient une menace dès lors que la différenciation est potentiellement sans limite.

Il peut aboutir au final, à une fragmentation nocive de la nation en micro groupes qui entreraient en concurrence et dont les relations se baseraient sur des rapports de force. Dans ces conditions, il deviendrait injuste de ne pas laisser s’épanouir toute autre minorité.

III – Plaidoyer pour un Etat « fort » porté par une nation soudée :

Il urge d’assainir le débat public, de rester intransigeant face à toute prise de positions maquillée de haine, de stigmatisations et d’homophobie mais aussi et surtout de cultiver l’amour du prochain et de bâtir une volonté commune de vivre en commun.

Le devoir d’ingratitude envers l’autorité en bandoulière, l’autorité judiciaire doit rendre fructueux les auto saisines à commencer par le camp du pouvoir. Elle doit apporter une réponse proportionnelle à la menace que constitue le monde virtuel sur le monde réel. Cette forme de violence qui se construit moralement sur la toile et se traduit concrètement sur des individus doit être limitée et canalisée. C’est le rôle de l’Etat.

Dans une république comme la nôtre où le pouvoir est institutionnalisé, sa conquête est règlementée et ne doit pas se faire par la force. Elle suppose le respect d’un minimum de règles dont le suffrage universel. Il faut respecter ceux qui en jouissent au nom de ceux qui les leurs confèrent. C’est ça le principe républicain. C’est pourquoi les partis politiques doivent reconsidérer leur rôle traditionnel et institutionnel de formation de leurs militants afin de mieux les inculquer les valeurs républicaines et citoyennes.

Mais surtout, nous devons entretenir cette belle nation sénégalaise et de ne jamais lui chercher un substitut. Parce que rien dans ce Sénégal, ne nous rassemble mieux que ce sentiment d’appartenance à la nation sénégalaise.

Dalleurs le Président de la République, SEM Macky Sall l’a pertinemment résumé dans son discours à la nation du 31 décembre 2022 en ces termes « Nul ne doit s’imaginer plus grand ou plus fort que cette nation qui nous abrite tous. Nous sommes parce que le Sénégal est. Si nous sommes là aujourd’hui, rassemblés en tant que nation, c’est bien parce que nos anciens nous ont couvés et portés sur les épaules. Notre honneur, c’est d’en faire autant pour nos enfants, enfants, en consolidant chaque jour le pacte de bienséance, de solidarité et de fraternité humaine qui lie cette nation, génération après génération. ».

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Cette nation ne saurait s’identifier ni à une race, ni à une langue, ni à un sol, ni à une religion. Elle est plus que toutes ces choses réunies. Elle repose avant tout sur la volonté de ses membres que nous sommes ; elle repose sur notre conscience et notre désir de la former et de la préserver.

Comme le disait Ernest Renan, cette nation est « une âme, un principe spirituel. Deux choses qui à vrai dire n’en font qu’une constituent cette âme (…). L’une est dans le passé, l’autre est dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs, l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent, avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour faire un peuple. ». Voilà les conditions essentielles pour préserver la nation sénégalaise qui nous a permis de faire de grandes choses ensemble dont la plus récente reste la conquête de la CAN qui nous met au sommet de l’Afrique du football.

Ce sentiment partagé fera de nous de vrais patriotes mais refusons son penchant négatif. Ne soyons pas obsédés par cette fibre patriotique au point d’apparaitre aveugle face à un monde de plus en plus ouvert et interdépendant. Nous avons certes des passés différents (avec le reste du monde) mais « l’ère des destinées singulières est révolue » disait Cheikh Hamidou Kane dans L’aventure ambigu. Dans cette perspective, Combattons ensemble contre tout ennemie extérieure mais n’exagérons pas et ne nous trompons pas de cible car notre premier ennemi est déjà dans nos foyers. Il s’agit de la précarité dans une société à la solidarité qui s’effrite. « N’exigeons pas au nom du patriotisme que notre patrie empiète injustement sur les autres nations » dira l’autre. Parce que chez eux se trouvent quelques-uns des nôtres, mettons-les à l’aise. Refusons de bruler, refusons de saccager le bien d’autrui quelle que soit sa nationalité. Faisons valoir nos idées et nos volontés à travers un combat loyal dans les règles de l’art quel que soit le degré d’intensité.

Soyons cette nation prospère qui se déploie par la force des idées et non des muscles. Nos muscles ont servi la France à travers « les tirailleurs sénégalais », les Amériques dans les champs de plantations, qu’est-ce qu’ils nous ont apporté de mieux-être si ce n’est, pour peu de nos quelques tirailleurs qui nous restent, des aides, du moins en France de 900 et quelques Euros et une obligation de séjourner pendant six mois sur le territoire français. Pourquoi continuerons-nous à bander les muscles ? Pensons, pensons et démontrons à Léopold Sédar Senghor que la raison est nègre autant que l’émotion l’est ! Nous sommes le Sénégal des défis !







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