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Bus Incendie A Yarakh : De Faux Temoignages Relayes Par Le Ministre De L’interieur

Antoine Félix Abdoulaye Diome est en train de perdre sa crédibilité et cela ne doit pas l’étonner. Combien de Sénégalais ont été abattus par des hommes sous son autorité ? On nous parle d’hélice de bateau, d’objet contondant ou que sais-je encore alors que les autopsies révèlent des impacts de balles. On nous a aussi montré des images de terroristes tirant sur des manifestants et il s’est avéré que ces tueurs étaient avec les forces dites de l’ordre..

Mardi 1er août 2023, trois morts atroces à Yarakh, sur la même route. Deux personnes calcinées dans un bus, une autre tuée lors d’un « guet-apens » de la gendarmerie passé sous silence. Paix à leurs âmes ! Nos condoléances à leurs proches.

Devant la carcasse encore fumante du bus, le ministre de l’Intérieur s’exprime : « Je voudrais d’abord commencer par présenter mes condoléances les plus émues au nom de son Excellence Monsieur le Président de la République, Macky Sall, suite à cet attentat, à cet acte terroriste que nous venons d’enregistrer… » Allant trop vite en besogne, il développe sa dissertation politique, oubliant de dire à qui il destine ces condoléances. Il termine par « marquer sa compassion et toute sa solidarité, au nom de son Excellence Monsieur le Président de la République, Macky Sall, à l’égard du chauffeur Abdoulaye Diop, de son receveur, mais aussi à l’ensemble de toute la grande famille Aftu. » Pas un mot aux victimes (cinq blessées et deux décédées) ou à leurs proches. Et c’est lui qui proclame qu’il est particulièrement inhumain d’instrumentaliser la souffrance de familles pour servir une cause politique. Quel toupet ! Ensuite, conscient de sa bourde, il a tenté de se reprendre dans ses déclarations postérieures.

Rumeurs et controverses sur la réalité de « l’attentat terroriste »

Ce 1er août, nous n’avions entendu que le chauffeur du bus et Monsieur le Ministre. L’improbabilité de certains détails sautait aux yeux. De plus, les premiers journalistes arrivés sur place avaient signalé n’avoir vu ni cadavre ni blessé. Cela avait engendré d’inévitables interrogations et rumeurs. Il avait été dit que c’est un individu à bord d’un scooter qui avait lancé un cocktail Molotov dans le bus, que les blessés étaient évacués à l’hôpital Dalal Jamm… Le chauffeur avait même été confondu avec un policier. Toutes ces fausses informations ont vite été balayées, mais quelques questions restent sans réponses.

Les sept gros bras

Le 4 août, sur un plateau de télé, le ministre révèle : « Tel que nous l’ont relaté le chauffeur et les autres victimes blessées, les assaillants étaient au nombre de sept, mais pour l’instant nous en avons arrêté deux. » De quelles autres victimes parle-t-il ? Le receveur blessé au genou, une passagère qui était debout derrière le chauffeur et une grand-mère qui était dans le bus avec sa petite-fille, toutes des victimes blessées, déclarent n’avoir vu que deux agresseurs. Un des riverains les ayant secourues raconte : « Nous avons vu les boys descendre de la passerelle. Ils étaient deux. Ils ont jeté des pierres puis le cocktail. »

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Le chauffeur, plus enclin à commenter les faits qu’à les relater fidèlement, parle dans ses différentes versions de « quelque chose comme sept personnes », « six ou sept personnes », « cinq, six ou sept personnes » qu’il décrit inlassablement comme des géants tels qu’on en voit dans les films : « Ces gars sont plus costauds et de loin plus grands que Balla Gaye. » Espérons que le ministre qui en a déjà capturé deux ne nous sortira pas des gringalets.

Etaient-ils encagoulés ?

Sept malabars encagoulés ne passent pas inaperçus en plein jour. Pourtant seul le chauffeur a dit les avoir vus. « On ne voyait que leurs yeux », répète-t-il. Le ministre a acquiescé et confirmé : « Nous avons été informé par la gendarmerie et par les éléments des sapeurs-pompiers que sept individus encagoulés ont pris en étau un car de transport en commun… » La gendarmerie et les sapeurs-pompiers n’étaient pas sur les lieux au moment des faits.

La grand-mère a un récit plus plausible : « J’ai vu arriver un jeune homme de grande taille et de teint clair habillé de noir, avec des lunettes noires, une écharpe au cou et une casquette sur la tête laissant paraitre ses rastas à l’arrière. Il a fait un geste pour arrêter le bus. Je croyais que c’était un client. C’est après qu’il a remonté son écharpe pour couvrir sa bouche. Il a injurié et a lancé une pierre contre une vitre… Le chauffeur s’est sauvé en oubliant d’ouvrir la porte, le receveur et les hommes ont sauté par les fenêtres… A la fin, il ne restait qu’une autre femme, un vieil homme, ma petite-fille et moi… » Peu après, le chauffeur modifie sa version : « Ils portaient des cagoules noires, des masques noirs (geste couvrant les yeux), des gilets noirs, des pantalons treillis et des casquettes. » Quel déguisement ! Comment donc a-t-il pu voir leurs yeux ?

Terroristes « addu kalpe »

Le chauffeur a raconté qu’après avoir mis le feu au bus, deux des assaillants ont « pincé » la porte arrière et sont entrés dans le véhicule pour s’emparer des sacs et téléphones des passagers. Le ministre : « Selon les premiers renseignements recueillis sur place, ces sept personnes encagoulées qui ont entouré le véhicule ont aussi dépossédé de leurs biens les passagers qui se trouvaient à bord. Téléphones portables, argent et autres effets personnels. » C’est vraiment tiré par les cheveux. C’était le sauve-qui-peut dans le bus en flammes. Comment imaginer deux individus y entrer, racketter les passagers et ressortir ?

Le chauffeur explique alors qu’ils ont fait tout cela avant que les flammes prennent de l’ampleur. Hum… Le ministre rajoute que certains passagers ont été dépouillés de leurs biens en sortant du bus. Il ne manquait plus que ça. Les rescapés démentent catégoriquement ces versions: « Ils n’ont « pincé » aucune porte, ils ne sont pas entrés dans le bus et n’ont rien volé… Nous étions prisonniers des flammes et de la fumée. Ce sont des riverains qui nous ont aidé à ouvrir la porte. Nous poussions et ils tiraient. Cela a duré longtemps. »

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Qu’est-il advenu de la recette du bus ?

Dans une de ses innombrables interviews, le chauffeur déclare : « Ils ont pris des sacs et des téléphones. Ils ont même emmené la recette de mon receveur. » Le receveur, nettement moins bavard, le contredit : « Tout l’argent était dans un sac à mes pieds. Après, quand on se sauvait, le boy (le chauffeur ?) et moi, je ne me préoccupais pas de sac ou autre. Tout a brûlé. D’ailleurs, ceci en provient. » Et il montre quelques restes de billets de banque brûlés. Le chauffeur modifie encore sa version : « Toute la recette est partie en fumée. » Dans une autre interview : « Je ne sais pas si l’argent a été brûlé ou volé. »

Cinq blessés gravement brûlés.

Cette information émanait du ministre et du chauffeur. Mais le centre hospitalier qui a reçu ces blessés que l’on croyait entre la vie et la mort a révélé qu’ils ont été pris en charge et après une courte période d’observation, ils sont rentrés chez eux. Le plus sévèrement brûlé n’y est resté qu’environ quatre heures de temps.

Comment le chauffeur est-il sorti du bus ?

Il prétend qu’il a traversé les flammes, marchant donc sur une flaque d’essence en feu, et est sorti parla porte avant. Dans ce cas, il s’est forcément retrouvé nez à nez avec les terroristes qui « entouraient le bus » et venaient d’y jeter l’engin incendiaire. Comment leur a-t-il échappé ? Le plus incroyable est qu’il raconte que le cocktail Molotov a éclaté contre son pied et il n’a qu’une petite enflure au niveau du péroné. Cela est absolument impossible. Dès que cet engin éclate tout ce qui est à proximité s’embrase. Lors des manifestations en France et dans d’autres pays, quand un policier est touché par un cocktail Molotov, il s’enflamme immédiatement malgré tout son équipement et ne s’en sort que grâce à la prompte intervention de ses collègues. Le chauffeur doit avoir un grigri qui le rend ininflammable. Même ses vêtements et ses chaussures ne brûlent pas.

Où sont passés les autres passagers ?

Le ministre a dit que le bus était plein. Les seuls passagers retrouvés sont les sept victimes dont deux décédées. Les autres se sont évaporés. Le receveur livre une surprenante explication : « Ils ont pris la fuite quand la police est arrivée de peur, je suppose, d’être pris pour des manifestants à qui on jette des grenades lacrymogènes. » Si les forces de l’ordre sont si redoutées, on n’est pas loin de la gestapo et manifester est devenu un crime. Non seulement ces passagers sont restés introuvables mais, à notre connaissance, aucun de leurs proches ne s’est signalé. Du jamais vu au Sénégal. Est-ce l’inhabituel appel à témoins du procureur qui les effraie ?

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D’après le chauffeur, c’est quand il s’est arrêté pour laisser descendre un client que les malfaiteurs en ont profité et ont jeté la « flamme » par la porte. Où est ce mystérieux client ? Était-il de connivence avec les terroristes ? Rappelons que très peu de bus circulaient ce jour-là. Difficile de prévoir les arrivées et les départs. Toutefois, le chauffeur avait le pressentiment que quelque chose de terrible allait se produire. C’est pourquoi il dit que « l’affaire » l’a surpris et ne l’a pas surpris. La grand-mère : « Pendant le trajet, le chauffeur demandait à ses collègues qu’il croisait ou trouvait dans les garages si la route était sure. Ils répondaient affirmativement. Il communiquait aussi avec d’autres gens que je ne voyais pas. »

Les personnes arrêtées

Le 5 août, un journal de la place nous informe qu’un des terroristes arrêtés a avoué avoir reçu la somme de 150 000 francs Cfa, pour incendier le bus. Son nom est donné et il lui est prêté une proximité avec Pastef. Deux jours plus tard, le ministre de la Justice nous dit que les auteurs de cette attaque ne sont pas encore identifiés. Allez donc y comprendre quelque chose. Quoi qu’il en soit, l’Intérieur et la Justice ont tenu à marteler que les dispositions du Code pénal punissent les auteurs des actes terroristes et leurs complices à une réclusion criminelle à perpétuité. Et nos vaillants enquêteurs trouvent facilement des liens avec un certain parti politique. Nos forces de l’ordre devenues forces de défense et de sécurité sont déjà à pied d’œuvre. Par des opérations dites de sécurisation nationale, les « hors-la-loi » sont raflés par centaines. Il faudra sans doute ouvrir des camps à Kédougou, Sébikotane et ailleurs pour les y concentrer. Là-bas, ils pourront manifester sans autorisation et recourir aux concerts de casseroles sans nous casser les oreilles.

Pastef et café-Touba

A l’Assemblée nationale, dans un sermon pouvant dresser des Sénégalais contre d’autres, l’imam Tony Félix touche une corde sensible : l’appartenance confrérique. Il annonce que « Lors des manifestations, les enfants qui « incendient » ont donné au cocktail Molotov le nom « Café-Touba ». Il entend des choses que nous n’entendons pas car c’est de sa bouche que cette appellation nous est parvenue. Après un exposé sur la sacralité du café-Touba, il avance que « celui qui donne ce nom à un engin explosif arracheur de vie, s’il dévoie un autre mot… » Il ne finit pas sa phare et assène que ceux qui ont nommé leur parti politique Pastef ont détourné ce mot du sens que lui donnait Serigne Saliou. Il y a de quoi mettre un mouride impulsif hors de lui. Prions pour qu’il n’y ait pas au prochain Magal de Touba et au Gamou de Tivaouane des « attentats terroristes » ou des « tentatives d’attentat » dont on peut déjà deviner les auteurs, les complices et les commanditaires.

Bathie Ngoye THIAM







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