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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Pathe Diagne, Sa Jaan Wacc Na !

Mame Pathé, comme t’appelaient affectueusement tes sœurs, Pathé Diagne, Pathé Fari Diagne, Ptahramen, Pathé Lamine, Ptolémée, Tonton, Pap, Nijaay Paate, papa tout simplement pour nous.

Quelle chance de t’avoir eu dans nos vies ! Quelle bénédiction pour nous, tes enfants, Bunaama Faatim, Ngiseli Joor Ise, Penda Farimata, et moi Mbisin, pour tes neveux et nièces de tous bords que tu chérissais particulièrement, pour tes petits-enfants que tu couvais d’affection, tes sœurs et tes frères, n’en parlons pas, toute ta famille, la famille élargie, tes amis à qui tu vouais une loyauté infaillible, pour nous tous et toutes.

Tu ne te lassais jamais de combattre pour ce qui te tenait à cœur.

Ce que moi, ta fille aînée, je retiens, ce qui t’a toujours animé, motivé et porté, c’était la justice, la vérité, la Maat comme tu disais, la Maat bi tax « ñu wara maandu, loolu rekk mo am solo ». Tu n’as jamais cessé de nous répéter l’importance de l’intégrité et de l’adhésion à l’équité. Tu prônais l’égalité pour tous et toutes, qui que l’on soit, d’où que l’on vienne, quelles que soient notre origine sociale, notre confession, notre classe, notre guilde, notre couleur, notre sexe.

Nous ne devons pas te pleurer, Diagne Pathé. Nous devons célébrer ta vie exceptionnelle, ton engagement sans faille et ton esprit sans commune mesure, un esprit en perpétuelle ébullition. Je sais que tu n’as jamais aimé les honneurs, toi qui as pourtant dédié toute ta vie à ton pays, à ta nation, à ce continent, l’Afrique, enjeu de l’histoire.

Oui, tu étais un intellectuel hors pair dont le Sénégal, l’Afrique et le monde ne mesurent pas encore l’étendue de l’héritage que tu leur laisses.

Tu étais extrêmement généreux. Tu n’as jamais compris que l’on veuille accumuler des richesses. Tu étais simple. Tu ne trouvais aucun intérêt au luxe, roulant allègrement dans tes vieilles guimbardes.

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Tu as toujours donné tout ce que tu avais, mais pas seulement matériellement. Tu étais aussi généreux de tes savoirs pluriels, comme le disent tes Jarbaat. Tu avais créé la librairie Sankoré, un lieu d’échanges culturels autour de livres et de disques, où se pressaient des gens de tout horizon, y compris l’intelligentsia africaine, les étudiants, en quête d’une bonne conversation ou de pièces nouvelles. Tu rêvais d’une nouvelle école sénégalaise, en créant le collège Tekruur à Hann.

Tu étais toujours prêt à mettre la lumière sur les autres, notamment avec les Éditions Sankoré, que ce soit en les publiant ou en organisant le fameux symposium sur l’œuvre de ton ami et frère, Cheikh Anta Diop.

Je ne sais même pas par où commencer quand je regarde ta bibliographie. Elle donne le tournis. Ton œuvre est immense : une pléthore d’ouvrages et d’articles, et même des pièces de théâtre et des épopées. Nous t’avons toujours connu, la plume à la main, te levant à trois heures du matin pour écrire, écrire jusqu’à la fin, même s’il te fallait écrire tes livres, en tapant avec deux doigts, lorsqu’est arrivé l’ordinateur.

Tant de sujets te tenaient à cœur.

Au lycée, tu faisais déjà de la résistance. Cette gifle magistrale infligée au censeur, ce n’était pas toi qui l’avais administrée, mais tu avais refusé de témoigner contre un de tes condisciples sénégalais. Cela t’avait valu d’être exclu du Lycée Faidherbe de SaintLouis. Tu avais été sanctionné, notamment en arabe, toi le fils de Rokhaya Tafsir Oumar Sall qui avait fondé une école coranique, à Saint-Louis, NdarGeej, Nder-sur-mer et de Ahmad Diagne, Imam, toi l’élève de Ahmed Dieng et de Astou Naar, toi le digne fils d’un Saint-Louis à l’Islam lettré, pour reprendre l’expression d’un de tes Jarbaat.

Pouvoir politique traditionnel en Afrique occidentale a ouvert bien des chemins à la recherche. En 1970, tu plaidais pour L’intégration économique de l’Afrique.

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Tu as mené des batailles épiques pour les langues nationales, aux côtés d’Ousmane Sembène et d’Arame Fall, pour ne citer que ceux-là. Xam sa lakk, xam sa bopp, cette ambition t’a couté très cher, mais rien ne pouvait t’arrêter : ni les brimades, ni la censure, ni l’exclusion.

Le chemin n’a jamais été facile, mais c’est cela qui te faisait vivre. Tu avais un courage inégalé. Un jour, tu m’avais dit très sobrement, et j’espère que tu me permets de partager ceci : Man ak Cheikh Anta, li nu ñeme, ñi ko ñeme barewuñu

Tu étais un homme libre, libre de toute contrainte de quelque nature qu’elle soit.

Tu n’as jamais plié et encore moins devant une quelconque tentative d’intimidation, quelle qu’en ait été la violence ! La dernière agression physique, elle ne m’a pas été contée, je l’ai vécue et le souvenir reste vivace et effrayant. Je n’avais pas 8 ans.

Ce mémorial de Gorée-Almadies, sorti de ta tête pour reprendre l’expression d’un de tes proches collaborateurs de cette époque, tu l’avais voulu à la pointe la plus avancée du continent, face au corridor des libertés de Bakary II, ton mansa navigateur, à qui tu auras consacré deux ouvrages. Tu ne souhaitais surtout pas que ce mémorial soit « cantonné à un seul hommage aux millions d’Africains déportés contre leur gré, encore moins à un simple hommage à toutes les mémoires souffrantes de l’humanité ». Tu disais que le Mémorial de Gorée-Almadies avait une dimension historique et civilisationnelle tricontinentale. Cette pointe représentait pour toi le symbole d’une navigation transatlantique millénaire.

L’Afrique, tu l’aimais profondément et tu rêvais de son intégration, essentielle selon toi à son développement. Tu voulais la sortie du franc CFA pour nous libérer et libérer nos économies. Tu avais traduit Al Xuraan ci Wolof, pour que l’on en comprenne le sens. L’islam africain, disais-tu, s’était historiquement forgé tôt, en ses propres termes, dans l’espace subsaharien et ses empires souverains.

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L’Égypte, je pense, et cela n’engage que moi, tu l’as toujours évitée par affection, respect et amitié pour Cheikh Anta Diop, et, très certainement aussi, par souci d’indépendance intellectuelle. Mais La Révolution Ramakushi et le réseau portuaire des mool mariniers lebu-wolof que tu mets en évidence t’y ramèneront inéluctablement.

Tu aurais pu enseigner à travers le monde, avoir une belle carrière dans les universités américaines les plus prestigieuses. Tu n’as jamais voulu rester au dehors. Tu revenais toujours chez toi, sur ta terrasse de Yoff, face à l’océan Atlantique, repensant le monde et surtout réécrivant, non seulement l’histoire de l’Afrique, mais également celles de l’Amérique précolombienne, un continent africain et de l’Humanité.

Pathé Diagne, on ne peut pas parler de toi sans parler de ton épouse, ta compagne de bataille, ta partenaire, ta relectrice préférée, ton amie, ta complice. Tu aurais été TOI de toute façon, avec ou sans elle, qui était chercheure comme toi. Mais tu n’aurais jamais accompli autant, si elle n’avait pas été à tes côtés. Et je dis bien à tes côtés et non derrière, comme le veut l’adage : derrière chaque grand homme, se cache une grande dame. Fat Sow, tu étais son socle. Jërëjëf, Sow Pullo Jeer

Papa, « danga masa rafet ci xare bi ». En 2017, tu me rappelais, lors d’une interview filmée, et c’était ton dernier mot, que ton message pour toutes ces générations actuelles et futures, c’était : « rafet ci xare bi, rafet ci xare bi, rafet ci xare bi ».

Diagne Babacar Marianne, Yerim Dieye, Coumba Gaye, Buri Wade, Sokhna Diop, Maram Xoor, Buur bu yaxul Mbiloor, Yalla na la Yalla yërëm, xare la Ajjana.

Repose en paix, papa ! Sa jaan wacc na.

Mbisin Diagne,







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