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Senegal, De La Regression Au Raidissement

Jadis réputée pour sa jovialité, son sens de l’accueil, sa « téranga », le Sénégal est en train de se transformer sous nos yeux en un lieu de désespérance. La tristesse et l’angoisse du lendemain sont perceptibles partout, surtout chez les jeunes, force vive de la nation. Les élections présidentielles, naguère perçues comme l’occasion de choisir ceux qui vont nous gouverner pendant les cinq ou sept prochaines années, se présentent sous la forme d’une « sélection » de ceux qui pourront y participer, et des non-partants, du seul fait du « Prince ».

Pour l’instant, les candidats à la candidature non encore frappés d’inéligibilité pour insuffisance de parrains ne s’expriment pas trop sur la façon dont ils vont gouverner le pays, une fois élus. Comme programme économique, ils ne proposent que quelques slogans et ce qu’ils croient être leurs atouts ou coefficients personnels.

A l’approche de la date fatidique de l’élection présidentielle, les inquiétudes se manifestent et le pessimisme quant à l’avenir est le sentiment le plus partagé au sein de la population. Les couches défavorisées subissent de plein fouet la hausse des prix des produits alimentaires et de l’énergie. Les familles peu aisées qui s’en sortent sont celles bénéficiant de transferts monétaires d’émigrés.

Cela explique que, quel qu’en soient les risques, l’émigration soit considérée comme la meilleure solution selon les jeunes et leurs parents.

La classe moyenne constituée d’actifs et de retraités, à force de subir des coupes sévères sur son pouvoir d’achat du fait des effets conjugués de l’inflation et de la non indexation des revenus, subit la crise tout en s’interrogeant avec inquiétude sur l’avenir.

L’Etat lui-même donne des signes d’essoufflement en matière de trésorerie. N’ayant plus comme ressources financières tangibles que l’endettement auprès des bailleurs de fonds institutionnels à des taux d’intérêt concessionnels, l’Etat est bien obligé de s’éloigner des marchés obligataires dont l’effet est d’alourdir davantage une dette dont les conditions deviennent de plus en plus insoutenables (taux d’intérêt moyen de 10% pour une maturité courte).

L’endettement privé extérieur butte en effet sur la notation du pays en termes de risque et de capacité de remboursement par les agences de notation. L’endettement privé intérieur devient intenable pour les entreprises du secteur privé local.

Elles sont créancières de l’Etat pour les subventions à elles accordées et non encore payées; et de ce fait, elles doivent elles-mêmes « nourrir » ces créances dues par l’Etat sur leur trésorerie propre. L’actuelle crise de liquidités est imputable à l’Etat. La gestion budgétaire publique est loin d’être optimale. Un budget de dépenses, absorbé pour une large part par la masse salariale et le paiement de la dette, ne saurait générer une croissance endogène substantielle génératrice de revenus. Les PPP (partenariats public-privé) ont fini de démontrer que l’essentiel des revenus des sociétés de patrimoine servent à rembourser les emprunts ayant servi à ériger les infrastructures (SONES, TER entre autres). Parmi les solutions, la restructuration du budget de la nation est indispensable. Il faut agir sur les postes de dépenses les plus lourds et on n’a pas besoin du FMI pour le faire. À sa décharge, le FMI est juste une banque qui ne sollicite personne à priori. Comme un pompier, on l’appelle lorsqu’on n’arrive plus faire face à ses engagements financiers. Il prête des liquidités et, en retour, entend être remboursé de ses débours. Elle a un droit de regard sur la comptabilité de ses clients pour s’assurer que la capacité de remboursement est réelle. En cas de déséquilibre pouvant mettre en péril les crédits qu’elle accorde, elle pose des conditions ou conditionnalités pour bien dégager la capacité du « repayment ». Ce qu’on doit lui reprocher, c’est de financer de l’improductif et de ne pas tenir compte de l’impératif de développement économique. La masse salariale de la fonction publique doit être réduite via la digitalisation des procédures administratives, la promotion de l’enseignement à distance, mesures accompagnées de la reconversion de l’effectif excédentaire dans le tissu économique. Le train de vie de l’Etat doit être drastiquement réduit, les gaspillages éradiqués, les détournements de deniers publics sévèrement sanctionnés, la maintenance du patrimoine public effectuée à bonne date pour en préserver la qualité parmi tant d’autres réformes à faire.

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Au-delà des mesures d’ajustement que nous devons opérer de notre propre chef, il reste que le développement est consubstantiel à la bonne valorisation de nos matières premières sur le marché international et à leur transformation industrielle.

En effet, la mondialisation est pleine de paradoxes pour l’Afrique qui est le continent le plus riche en ressources naturelles mais le plus endetté. Par où passe sa richesse ? Ne parlons pas de mal gouvernance car les sommes détournées par ses dirigeants corrompus sont vite reprises dès leur cessation de fonction au titre de biens mal acquis ; la liste est longue : Abacha, Bongo, Mobutu, Bokassa, Dos Santos, avec des menaces qui planent sur d’autres dirigeants en activité.

Le commerce africain constitué essentiellement de l’exportation des matières premières indispensables au développement agro-industriel mondial fait à peine 2% du commerce mondial. Cela signifierait-il que ces matières premières (or, zircon, cobalt, lithium, platine, bauxite, platine, titane, diamant, chrome, manganèse, pétrole, gaz etc.), sont acquises en monnaie de singe ?

Il ne s’agit plus d’une détérioration des termes de l’échange, ou d’un échange inégal ; c’est du vol !

Dans la structure du ratio Endettement/PIB, ce n’est pas la dette qui est lourde, c’est plutôt le PIB, somme des richesses annuelles créées, qui est faible. La dette de l’Afrique est la conséquence de la spoliation qu’elle subit dans l’exploitation de ses ressources. A ce titre, il est permis de dire que le pacte colonial est toujours en vigueur. C’est la raison pour laquelle le phénomène des « boat people » sénégalais perdure et prend chaque jour plus d’ampleur.

On nous prête ce qu’on nous ôte de la bouche et on fait mine de nous faire cadeau des remboursements ou alors de « restructurer » notre dette. Quelle farce ! On en rirait si la situation n’était pas aussi tragique !

En sa qualité de nouveau pays pétrolier et gazier, le Sénégal semble être, comme d’habitude, le champ d’expérience pour maintenir le statu quo en matière d’exploitation. Alors que le pétrole et le gaz, donc de l’énergie, dictent leur loi dans l’économie mondiale, les compagnies pétrolières comme BP annoncent un désengagement des divers champs. En contrepartie on promet au Sénégal de fortes compensations s’il consent à s’orienter vers la transition énergétique en se détournant progressivement des énergies fossiles. Faudrait-t-il accepter cela ? Pourquoi ce deux poids deux mesures ? Quelles mesures prendre pour sortir de ce diktat non imposé aux pays pétroliers et gaziers du Moyen-Orient ? Voilà un thème de campagne essentiel pour nos candidats, plus porteur pour les populations et l’économie que des discours enflammés sur des projets de révision de la Constitution.

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Le monde entier observe le Sénégal !

L’exploitation efficiente du pétrole et du gaz permettrait à nos entreprises de hisser la compétitivité du «made in Sénégal » sur le marché mondial. Faute de disposer de ces ressources énergétiques, les pays de l’Union européenne affichent présentement une croissance économique inférieure à celle de la Russie. Il est urgent que le Sénégal fasse entendre sa voix. Certes le Président Macky Sall a fait état de ce diktat à l’opposé des intérêts du Sénégal, mais il faut prendre les décisions qui s’imposent. Jouer au bon élève des institutions de Bretton Woods ne mène à rien, sauf à l’impasse.

En conclusion, la situation du Sénégal est regardée de très près au plan international. Le monde nous observe par rapport à l’affaire Sonko et l’émigration massive de jeunes vers les côtes espagnoles au risque de leurs vies.

L’image renvoyée est celle d’un déficit en termes de partage des fruits de la croissance, de démocratie et de respect des droits humains.

L’échec économique du régime de Macky Sall est illustré parla politique d’emplois des jeunes. Arrivé au terme de sa magistrature et de son Programme d’insertion socioéconomique et d’emploi des jeunes ‘’Xëyu ndaw ñi’’, mis en œuvre en avril 2021 pour un montant de 450 milliards de francs CFA sur trois ans, on peut affirmer sans craindre de se tromper que le Président Macky Sall n’a plus aucune solution pour l’emploi.

De toutes façons, ce programme manquait d’envergure puisqu’il ne prévoyait que 65.000 emplois créés pour la période 2021-2023 alors que la demande moyenne annuelle est de 300 000 jeunes par an sur le marché du travail ( ref Sophie Naudeau de la Banque Mondiale).

S’agissant pour l’essentiel d’emplois non salariés, furent mises à contribution des structures de financement comme la DER et la BNDE. Fort d’une telle expérience en milieu bancaire, nous avions attiré l’attention sur les écueils déjà rencontrés dans ce type d’initiatives, en rappelant les difficultés de la Délégation à l’Insertion, à la Réinsertion et à l’Emploi (DIRE) de la fin des années 80 dans la mise en œuvre de divers programmes en faveur des « maîtrisards », des banques en difficultés comme la BIAO Sénégal en matière de déflation/réinsertion d’effectifs dans la vie économique.

Au-delà de la question du financement, nous avions identifié à l’époque les principaux écueils à franchir pour la réussite de tels programmes à savoir l’identification de profils répondant au métier d’entrepreneur (leadership, connaissance techniques et financières, désir d’entreprendre), l’identification des secteurs d’activités porteurs, la qualité des études de marchés et de faisabilité, et enfin l’accompagnement et le coaching des promoteurs sur la période de démarrage.

L’expérience du financement de l’emploi non salarié de la DER n’a pas été concluante. Elle s’est heurtée à l’absence d’un package et finalement s’est plus assimilée à du saupoudrage teinté de politique qu’à autre chose.

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Face aux difficultés de tous ordres, on observe un raidissement du régime d’un Macky Sall sur le départ.

En réaction, peu de contre pouvoirs se manifestent et, lorsqu’il en existe, les actions manquent de coordination.

Des pétitions d’intellectuels sur les dérives nées de ce raidissement voient le jour mais, au vu des listes des signataires et de l’absence de démarches de mise à jour, il est permis de penser que le nombre de signataires est moins important que leurs qualités et casquettes.

L’institution judiciaire, qui est un pouvoir institutionnel, est la plus fortement mise à l’index dans le traitement des litiges, politiques en particulier. La presse, à quelques exceptions près, n’échappe pas à cette caractérisation de « souteneurs du pouvoir en place ». Les autorités religieuses ne sont pas épargnées dans ces accusations de collusion.

Refusant pour certaines de se placer en position d’intermédiation, ou alors prédisant l’issue du scrutin à venir, elles sont généralement considérées comme prenant fait et cause pour les régimes en place, qu’eux-mêmes d’ailleurs considèrent comme étant de droit divin.

Les syndicats sont moins engagés que par le passé dans l’arène politique à l’instar de leurs devanciers comme l’UGTAN, l’UNTS et même la CNTS.

La faible fréquence des renouvellements de dirigeants des organisations syndicales, consuméristes et même de la société civile, n’alimenterait-elle pas le sentiment d’un alignement de la plupart d’entre eux sur les positions du pouvoir ?

En généralisant l’observation, on pourrait parler alors de culture démocratique à tendance autocratique dans notre pays tellement les dirigeants d’institutions, d’organes, d’associations et autres rechignent à passer le témoin. Ce phénomène est d’ailleurs observable jusqu’au niveau du quartier et du village. A titre d’exemple, nous avons pu observer dans certains villages du pays que les cartes d’électeurs des populations étaient soigneusement gardées dans les malles d’un notable désireux de pérenniser son pouvoir, et ressorties le jour du vote avec des indications précises sur le choix à opérer moyennant rétribution.

La problématique du pouvoir autocratique est d’ordre sociétal. Il faudrait donc craindre que l’issue, quelle qu’elle soit, de l’élection de février 2024 ne suffise à restructurer la démocratie dans notre pays.

Aussi croyons-nous que les prochaines « Assises nationales » devraient inclure dans leur programme la remise en question de « l’homo senegalensis » actuel par rapport au pouvoir.

En définitive, dans un Sénégal pré-électoral, tous les signaux indiquent une tendance à la régression sur tous les plans.

Le niveau de violence et d’insécurité atteint durant les évènements de mars 2021 et de juin 2023 a fini de convaincre que notre société pourrait facilement atteindre un point de bascule à la moindre étincelle.

Faute de solution en interne faite de dialogue et de participation des citoyens à la gestion de la cité, le pouvoir actuel a pris l’option de se raidir pour se perpétuer.

Il revient au Président Macky Sall, en sa qualité de garant de la paix sociale, de privilégier l’apaisement en desserrant l’étau dont il connait le mécanisme mieux que quiconque.







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