Depuis des années, les rapports des corps de contrôle financier, mettent en avant le boom immobilier qui saisit le Sénégal, comme étant un élément de blanchiment d’argent. Des dossiers ont même atterri sur la table du procureur. Cela n’empêche pas les villas de se transformer en gratte-ciel à Dakar et ses quartiers résidentiels. La configuration spatiale de la capitale presqu’île fait que, faute de place, les immeubles poussent de plus en plus haut, même dans des quartiers dits populaires.
Cela a un effet sur l’aménagement du territoire. La demande est si forte sur le foncier urbain, que des ménages moins aisés de la Médina, de Grand-Dakar, des Hlm GrandYoff et j’en passe, vendent leurs parcelles et se cherchent un logement dans la plus lointaine banlieue, dans les communes du département de Rufisque, ou même plus loin. Avec les autoroutes à péage, Illa Touba et Autoroute de l’avenir, les distances ont été fortement raccourcies, cela avec l’appoint du Train express régional (Ter). Ces nouvelles habitations en hauteur sont fortement recherchées par ceux qui peuvent se le permettre, car elles leur permettent de résider non loin des centres de décision et des milieux des affaires. Malheureusement, il ne semble pas que les pouvoirs publics aient tenu compte de la nouvelle configuration que cela entraîne.
Dakar est connue, depuis les indépendances, pour l’étroitesse de ses rues. Quand les habitations ne dépassaient pas les R+1, les familles disposaient de cours spacieuses pour les loisirs, et les fonctionnaires pouvaient facilement garer leur véhicule, pour ceux qui en avaient. Avec les nouvelles concentrations, la naissance de nouveaux quartiers à l’aménagement précaire, les ruelles non goudronnées sont devenues banales, même dans de beaux quartiers. Les voies sont tracées selon les caprices des riverains dont peu respectent le plan originel. Cela donne des chemins où deux véhicules ne peuvent pas se croiser de front sans que l’une ne se pousse de côté. Quant aux piétons, quand les trottoirs existent, ils doivent les céder aux véhicules en stationnement, ou à des vendeurs de rue. Et les piétons se retrouvent à slalomer entre les véhicules en circulation.
S’il ne s’agissait que de cela encore… Le plus grave est que ces nouvelles habitations n’ont pas incité les aménagistes ou les pouvoirs publics à redimensionner les systèmes d’assainissement et d’évacuation des eaux usées à la mesure des nouveaux habitants. Pas étonnant que l’on voie, dans des quartiers dits chics, des égouts qui pètent et laissent échapper parfois pendant plusieurs jours, leur contenu sur la chaussée.
Tout cela se passe au vu et au su des autorités compétentes dont on ne voit pas les mesures qu’elles prennent pour améliorer les choses. La conséquence en est qu’au moment où Dakar devait s’embellir de toutes les nouvelles constructions et de nouvelles artères qui sortent de terre, la circulation y est infernale et la vie de plus en plus coûteuse. Dans chaque rue ou presque, des jeunes gens de tous âges jouent à la balle à leurs moments de loisir, rendant encore plus difficiles la circulation automobile et la cohabitation entre voisins. La faute étant aux grands architectes qui cherchent à faire disparaître toute végétation de la capitale. Les espaces verts semblent être prohibés. Si les riverains manquent de vigilance, les promoteurs qui ont vendu les terrains, sont les premiers à vouloir transformer les espaces publics en terrains à vendre. Des cas sont tellement nombreux qu’il serait inutile de les énumérer ici.
Et il semble difficile de leur faire le reproche, quand les pouvoirs publics ne donnent pas le bon exemple en ce domaine. Il suffit de prendre la «nouvelle ville de Diamniadio» pour voir que l’Etat ne fait pas mieux que les privés en la matière. Etablie de part et d’autre d’une autoroute à très grande vitesse, Diamniadio n’a compté pendant plusieurs années, qu’une seule passerelle pour relier les deux côtés. D’ailleurs, la seconde passerelle n’est toujours pas achevée. Comme ne sont pas terminés les travaux de Vrd. Ce qui fait que sur certains grands immeubles de la «ville», les occupants sont encore obligés de faire appel à des camions citernes pour vider leurs fosses septiques. Et personne ne se pose la question de savoir où ces camions vont vider leur contenu, puisqu’il n’y a pas de station de transformation dans la zone, hormis celle de Cambérène, qui a déjà atteint son niveau de saturation. Pourtant, il suffirait de s’éloigner de quelques mètres dans la broussaille alentour pour voir ce que deviennent ces détritus déposés à l’air libre, avec les effets que l’on peut imaginer sur la santé des riverains.
Nous parlions d’asphalte et de goudron pour Dakar, un peu plus haut. A Diamniadio également, en dehors de larges artères que les regards des autorités croisent en se rendant au Cicad, les voies asphaltées se comptent sur les doigts d’une main. De même que le réseau électrique, pour une ville appelée à se développer, dépend encore de la centrale de Rufisque, qui suffit à peine pour cette cité. On peut se demander à quel point ces manquements jouent dans le retard enregistré dans l’expansion et le développement de la fameuse nouvelle ville. Manquements auxquels il faudrait ajouter, pour les habitants, le manque de système scolaire pour leurs enfants, l’inexistence de commerce de proximité pour les ménagères, un système de santé, ou même… un cimetière. D’autant plus que, en attendant le gaz, ils peuvent inhaler les émanations de la centrale à charbon de Bargny, située à moins de 2 km à vol d’oiseau. Le Sénégal compterait actuellement un peu plus de 18 millions d’habitants, très jeunes en majorité. Les problèmes notés ici vont aller croissant dans les années à venir, quand ces jeunes atteindront l’âge adulte. Va-t-on les laisser les résoudre en ce moment, alors qu’ils devraient plutôt s’occuper des générations à venir après eux ? La responsabilité des Etats est de favoriser l’embellissement du cadre de vie des populations, pour leur permettre de travailler et de bénéficier des moments de loisir. Notre cadre de vie pour le moment à Dakar, tourne plutôt au cadre de stress.