Depuis 30 ans, l’ Est du Congo est en proie à des conflits armés interminables qui créent des oppositions et des coalitions au gré des intérêts des belligérants du moment. Dans ce conflit entre armée congolaise et différentes milices, plus de 6 millions de congolais ont perdu la vie , sans occulter son cortège d’exactions, de viols, de pillages et de déplacés.
La résurgence des tensions dans l’Est du Congo est le reflet de notre impuissance à pacifier cette région du monde, déstabilisée par un conflit armé entre les différentes milices et l’armée congolaise (FARDC) depuis 30 ans. Près de 6 millions de congolais ont perdu la vie depuis la Première guerre du Congo en 1996 et malheureusement, ce drame humain a été accompagné par son lot d’exactions, de viols, de pillages et de déplacés qui font de cette zone de l’Afrique une véritable poudrière.
Un contexte historiquement tendu
L’ Est du Congo apparaît comme l’une des plus grandes poudrières de l’Afrique. Depuis des dizaines d’années, il a été le réceptacle des pressions démographiques et ethniques de la sous-région. À la suite du génocide des Tutsis par les Hutus au Rwanda en 1994, nous avons assisté au déplacement de près de 2 millions de Hutus vers la République Démocratique du Congo avec dans leur rangs une partie des génocidaires. Le Rwanda et l’Ouganda, dans l’optique de protéger les minorités Tutsis au Congo de ces génocidaires, armèrent des milices Tutsis, qui finirent par se coaliser pour écarter Mobutu du pouvoir en 1997 et installer Laurent Désiré Kabila qui était à la tête de cette coalition de guerre. La guerre reprit en 1998 pour les mêmes raisons de protection des minorités tutsis au Congo et déboucha sur des accords de paix signés en 2001 avec Joseph kabila, le fils de Laurent Désiré Kabila, arrivé au pouvoir à la suite de l’assassinat de son père. Accords renforcés en mars 2009 avec les milices résiduelles qui débouchèrent sur une promesse d’intégration des anciens rebelles dans l’armée. Malheureusement une partie de ces milices dénonça le non-respect de ses accords et reprit les armes sous la dénomination du M23.
La balkanisation du Congo
Depuis lors, l’Est du Congo a été le terrain de jeu des milices armées, qui ont agi tels des proxys pour le compte de forces extérieures et des pays voisins. Cette balkanisation du Congo ne peut être acceptée et est aussi la conséquence de la faiblesse de l’armée régulière. Les populations civiles sont en première ligne devant ce désastre. Dix ans après la prise de Goma par le M23, l’histoire se répète. Les évènements des derniers mois nous ramènent inexorablement vers de nouveaux conflits qui entraîneront indubitablement des conséquences néfastes pour les populations.
La MONUSCO, la mission de l’ONU en République démocratique du Congo, forte de plus de 16000 hommes, est souvent considérée par certaines organisations de la société civile congolaise comme un échec en raison de sa difficulté à mettre fin à la violence persistante et à stabiliser la région, malgré sa longue présence et ses ressources importantes. De plus, la mission a fait face à des critiques constantes concernant son efficacité et sa capacité à protéger les civils dans un contexte de conflits complexes et de crises humanitaires. Néanmoins ce constat est à nuancer car la MONUC crée en 1999 puis la MONUSCO en 2010 ont contribué à une pacification du pays et ont permis aux forces régulières de contrôler 90% du territoire et d’organiser des élections dans le pays. C’est l’occasion de rendre un vibrant hommage aux près de 400 hommes morts au cours de ces missions, pour l’idéal de la paix et de la souveraineté de la République démocratique du Congo. La signature d’un plan de retrait progressif de la MONUSCO a été annoncée le 22 novembre 2023.
La multiplication des initiatives de paix dans la région n’a pas pu pour le moment permettre une solution définitive. Le second mandat du Président Félix Tshisekedi à la suite des dernières élections de décembre 2023 sera une occasion pour la paix.
Initiée par la Communauté d’Afrique de l’Est vers la fin de 2022, l’initiative de Nairobi se focalise sur les factions armées, appelant à une cessation rapide des combats, au retour des groupes armés étrangers dans leurs nations respectives, et à l’engagement des groupes locaux dans un nouveau programme axé sur le désarmement et la démobilisation. Elle se distingue également par la permission accordée pour le déploiement d’une force régionale destinée à combattre les groupes qui refusent de se désarmer.
En parallèle, le processus de Luanda aborde les tensions diplomatiques entre la RDC et le Rwanda, renforçant ainsi l’accord de 2013 qui visait à instaurer la paix, la sécurité et la coopération dans la région.
Nous ne pouvons pas occulter l’engagement du Président français Emmanuel Macron et du secrétaire d’état américain Anthony Blinken qui ont marqué leurs engagements pour soutenir le processus de paix dans ce pays.
Il a été demandé au gouvernement rwandais de stopper son soutien aux groupes armées dans la région et au gouvernement congolais, de faciliter le retour sur son territoire de réfugiés tutsis actuellement dans des camps en Ouganda et au Rwanda.
Des causes économiques
Derrières ces raisons sociales, politiques, ethniques et démographiques, il y a aussi des raisons économiques. L’expression « scandale géologique » est souvent attribuée à Jules Cornet, un géologue belge, qui l’aurait prononcée en 1892 lors d’une de ses expéditions pour décrire l’extraordinaire abondance et la diversité des ressources minières présentes dans la région. L’ Est du Congo est notamment riche en cuivre, cobalt, uranium, Coltan et d’autres minéraux précieux et le contrôle de ces ressources est un enjeu majeur pour toutes ces milices armées qui s’auto financent grâce à elles.
Les frontières poreuses et les réseaux de contrebandes permettent de faire transiter ces ressources pour qu’elles soient exportées dans les pays voisins.
Quelques approches de solutions
La résolution de ce conflit ne peut que passer par des négociations politiques.
- En effet il faille que les différentes initiatives, surtout celle de Nairobi puisse inviter le M23 à la table des négociations. Mais un préalable est nécessaire, le M23 doit libérer les zones occupées et laisser tomber les armes. Ce préalable peut être atteint avec l’aide du Rwanda qui devra être entendu sur le retour en paix des refugiés tutsis sur le territoire congolais. La Communauté de l’Afrique de l’Est et la Southern African Development Community (SADC) devront prendre le relai de la MINUSCO dont le mandat n’était pas clair pour les populations et ainsi déployer une force d’interposition qui devra veiller à la démilitarisation des milices armées et au respect des accords de paix. Une force qui recevra le mandat de pouvoir affronter les groupes rebelles.
- L’idée de marquer les pierres précieuses extraites de la République Démocratique du Congo (RDC) avec un label spécial est une stratégie potentielle pour lutter contre l’économie de guerre alimentée par le commerce illégal de minéraux. En attribuant un label officiel aux pierres extraites légalement et éthiquement, le gouvernement congolais pourrait aider à distinguer ces matériaux de ceux extraits dans des conditions conflictuelles ou illégales.
Si les pierres non labellisées sont considérées comme provenant de mines sous contrôle rebelle, cela pourrait limiter leur vente sur les marchés internationaux, rendant moins lucrative l’exploitation illégale de ressources. Cette mesure viserait à affaiblir le financement des groupes armés impliqués dans les conflits et l’exploitation minière illégale, contribuant ainsi à la paix et à la stabilité dans la région.
Pour être efficace, une telle initiative nécessiterait une mise en œuvre rigoureuse, un soutien international et un système de certification transparent et fiable.
- L’idée d’un « Plan Marshall » pour le Congo, visant à développer des industries de transformation des ressources minières comme le coltan ou le lithium, est prometteuse. Ce plan pourrait désenclaver la région, augmenter la valeur ajoutée des ressources locales, et diminuer l’influence des milices. Il nécessiterait des investissements importants en infrastructures, formation, sécurité, et des politiques solides pour garantir des bénéfices équitables à la population locale.
- Faire passer au Conseil de paix et de sécurité des Nations Unies une résolution pour sanctionner tout état finançant une milice armée dans l’Est du Congo.
- Faire appel aux Nations Unies, plus précisément au Haut-Commissariat aux Nations Unies pour établir un plan de relocalisation des réfugiés tutsis au Bénin.
L’espoir est permis
Pour la première fois il a été établi par des experts internationaux des Nations Unies que la Milice M23 était financée par des pouvoirs étrangers, conclusions qui ont permis de construire un consensus international autour de la question. L’engagement du Kenya et de l’Angola sera essentiel afin de ramener la paix dans la région. La communauté Internationale joue un rôle historique : faire prendre conscience au Rwanda qu’on peut arriver à la protection des tutsis sans supporter des milices au Congo. Il faudra ressusciter l’accord de coopération économique entre le Congo et le Rwanda qui régira les relations commerciales entre les deux pays afin d’aplanir les tensions.
Sans oublier les Nations unies pour la relocalisation des réfugiés et leur protection le temps de la démilitarisation des milices armées. La balkanisation du Congo ne passera que par la synergie des actions entre les acteurs congolais, régionaux et internationaux. La solution est africaine et nous avons un rendez-vous avec l’histoire : démontrer que l’Afrique a dans son sein les solutions pour une coexistence pacifique préalable à un développement économique.
La Cop 28 a marqué « le début de la fin des ères fossiles ». Une grande partie des ressources nécessaires à cette transition se trouve au Congo. La transition énergétique mondiale ne passera que par la pacification du Congo et l’installation d’infrastructures permettant à ce pays de ne plus être le géant aux pieds d’argile de l’Afrique.
Chabi YAYI est un Homme politique et entrepreneur béninois. Titulaire d’un Bachelor en Sciences Economiques de l’Université de Montréal et d’une Maitrise en Sciences de l’Innovation et de l’entreprenariat de HEC PARIS. Il est actuellement le secrétaire aux Relations extérieures du parti Les Démocrates. Il donne son avis sur les grands enjeux géostratégiques africains à travers des publications sur le continent.