Face à la presse, le président de la République Macky Sall a tenu, hier, un discours de fin de règne. Un discours d’adieu, de pardon, de regrets et d’apaisement d’un président de la République qui avait du mal à comprendre que toute chose a une fin !
Un Président qui, poussé par des faucons auxquels il tendait une oreille attentive et plus qu’intéressée, a tout fait pour obtenir un troisième mandat avant de capituler à la fois devant la détermination de son peuple et la réprobation de la communauté internationale. Car le président Macky Sall s’était donné tous les voies et moyens répressifs pour mettre en œuvre ce mandat de trop ! Avec la complicité de ses différents ministres de l’Intérieur et de la Justice qui l’ont aidé à nettoyer tout ce qui aurait pu constituer un obstacle entre lui et le pouvoir à l’horizon 2024. Ainsi commença une véritable traque aux activistes, opposants radicaux, youtubeurs-insulteurs, journalistes de « mauvais augure » et membres de la société civile. Et surtout les leaders de l’opposition radicale ayant à sa tête Ousmane Sonko , une encombrante bête politique qu’il fallait absolument conduire à l’abattoir. D’où le « complot » Adji Sarr suivie d’une condamnation…à vie. Bref, des vagues d’arrestations, une répression policière sans précédent qui a fait des dizaines de morts. Peine perdue puisque toute cette terreur d’Etat n’a pas produit les effets escomptés. La tentative d’arracher un troisième mandat voulu et souhaité par Macky Sall et ses faucons a échoué lamentablement. C’était d’autant plus grave pour eux qu’ils n’avaient préparé aucun dauphin. Justement c’est cette fin de règne non préparée qui a finalement installé le Sénégal dans l’incertitude.
Conseil constitutionnel, unique maitre du jeu électoral
Dans un régime démocratique comme celui du Sénégal, on distingue classiquement trois pouvoirs: les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Cette année électorale en cours offre à chacun de ces trois pouvoirs l’occasion de jouer pleinement son rôle. En ce qui concerne le président de la République Macky Sall, en sa qualité de chef de l’Exécutif, il a joué son rôle en reportant l’élection présidentielle initialement prévue après demain 25 février. Avant cela, il avait déclaré avoir abrogé le décret portant convocation du corps électoral après la mise en place d’une commission parlementaire d’enquête chargée de faire la lumière sur les accusations de corruption portées contre deux juges du Conseil constitutionnel. Une décision d’abrogation surprenante car intervenant à quelques heures seulement de l’ouverture de la campagne électorale.
Une semaine après, le pouvoir législatif qu’est l’Assemblée nationale avait saisi la balle de l’exécutif au rebond pour adopter, sans débat, le projet de loi repoussant l’élection présidentielle au 15 décembre prochain. Un vote qui avait « déchiré » de fait la liste définitive de vingt candidats autorisés à participer à l’élection présidentielle par le Conseil constitutionnel. Hélas, ce même Conseil constitutionnel est revenu à la charge pour arrêter une nouvelle liste de dix neufs (19) candidats suite au retrait de Mme Rose Wardini, histoire de taper sur la table pour se faire entendre de cette façon « Je suis le seul et unique arbitre, maitre du terrain électoral ! »
Malheureusement ces deux pouvoirs (Exécutif et Législatif) avaient dû oublier que l’ultime mot revient au Judiciaire qui reste et demeure le dernier rempart de l’Etat de droit. Et surtout quand il s’agit de contrôler ou se prononcer sur la constitutionnalité des lois, des règlements intérieurs des assemblées, des lois organiques et des engagements internationaux du Sénégal. La preuve par l’annulation du report du scrutin du 24 février que le président Macky Sall avait décrété in extremis. Donc en annulant l’abrogation du décret portant convocation du corps électoral et la loi reportant l’élection présidentielle, le pouvoir judiciaire a arrêté et « menotté » les deux pouvoirs (Exécutif et Législatif) pour montrer sa suprématie. Une suprématie que le président Macky Sall a finalement reconnue hier lors de sa conférence de presse en décidant de se mettre à la disposition du Conseil constitutionnel au soir du 2 avril prochain si son successeur n’est pas élu à cette date.
Avec cette déclaration, le Président Macky Sall abdique en reconnaissant que la justice est le dernier rempart dans une république. Une justice qui, toutefois, ne saurait se placer au-dessus du peuple au nom duquel elle est rendue !