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Quand Les Mouvements Citoyens Representent La Nouvelle Opposition En Afrique

Partant du constat que les grilles de lecture habituelles des Mouvements citoyens et Associations en Afrique occultent les mutations en cours dans ce milieu ainsi que l’articulation de celles-ci avec les enjeux sociétaux, ce qui s’est passé au Sénégal le 24 mars 2024 avec les élections présidentielles met en évidence des mutations sociales des mouvements citoyens et associatifs. Ainsi l’observation des tendances lourdes de l’itinéraire de ces mouvements, révèle leur potentiel novateur et alternatif. Cette évolution signe la mort des partis politiques traditionnels.

La conjonction de quatre tendances (lames de fond) a produit cet effet : (i) l’empowerment communautaire et territorial, (ii) l’entrepreneuriat communautaire, (iii) la coproduction de services publics locaux ainsi que (iv) le positionnement de la société civile sur des enjeux nationaux et internationaux a abouti à cette consécration. Toutefois, ce potentiel innovateur pluriel était resté inhibé par diverses contraintes expressives d’un potentiel alternatif limité.

Une nouvelle grille de lecture s’impose.

Hors des clichés qui mettent en exergue le regain de spiritualité de la jeunesse africaine, le premier constat reste un désamour envers les partis politiques. Les clivages Gauche, Centre, Droite, libéral ou socialo ne marchent plus avec la transhumance politique. Il n’existe plus « d’écoles ou d’universités du parti » et autres affiliations quasi doctrinales aux partis traditionnels. Face à cela, la montée des Mouvements citoyens avec une nouvelle dynamique sociétale domine l’espace jadis politique : Les mouvements des Acteurs (dits) non Etatiques d’où émergent les mouvements citoyens de la jeunesse ont produit des députés, des maires, des entrepreneurs sociaux…des hommes d’Etat.

Plusieurs déclencheurs peuvent être identifiés. Les mouvements citoyens dans lesquels se reconnaît la jeunesse africaine (Plus de 75% de la population) sont cette soupape de survie hors des clichés qui se muent avec le temps en s’adaptant aux réalités de la vie face à ce capitalisme du désastre avec ses trois exigences traditionnelles : privatisation, déréglementation, réduction draconienne des dépenses sociales et chômage endémique. 

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Un nouveau Type de Citoyen (NTC) émerge, issu d’un militantisme « citoyen » que les acteurs politiques n’ont pas su appréhender à temps. Ce qui a créé une fracture sociale d’où émerge le nouveau militantisme « panafricain » des années 2020. La cristallisation des antagonismes a été facile avec l’apparition d’une nouvelle radicalité « panafricaine », qui s’insurge contre la présence militaire et économique étrangère et, plus globalement, pour s’affranchir de l’hégémonie du Franc CFA, synonyme d’un ordre international inique, qui s’exerce au détriment des pays de l’Afrique. Ce réveil brutal et « non prévue » s’est faite parallèlement à l’effritement après 60 ans des bases des « partis politiques » jadis calqués sur le modèle importé. 

Face à ce déphasage entre les citoyens et les hommes politiques, l’option des politiques a plus été orientée vers la gestion de la « crise » – réelle ou supposée – pour entériner des solutions de rechange aux politiques existantes et les entretenir jusqu’à ce que des notions politiquement impossibles jadis deviennent politiquement inévitables telles les délits de « corruption de la jeunesse » ! Ainsi, le déclin des partis politiques traditionnels coïncide avec l’essor des mobilisations citoyennes populaires contre l’influence économique extérieure sur les richesses des pays d’Afrique francophone. 

La dénonciation de l’emprise économique, de la mainmise sur les ressources naturelles, de la tutelle monétaire de l’ancienne métropole a été cultivée durant des décennies, souvent dans un relatif isolement, par des intellectuels, économistes et militants progressistes et/ou nationalistes – altermondialistes, postcoloniaux –, avant d’être mobilisée par les Jeunes étudiants ouest-africains inspirés par Sankara ou Cheikh Anta DIOP  avant de trouver une caisse de résonnance sur les réseaux sociaux au cours des années 2010, avec la montée en puissance d’un cyber activisme souverainiste radical, alimenté dans une grande mesure par des membres de la diaspora. Au moment où les mouvements citoyens mettent le doigt sur l’exploitation des richesses de l’Afrique qui font tourner les industries et l’économie des pays du Nord, l’accès au savoir et à l’information ont permis la recherche de bâtir une société entièrement revue et corrigée qui sortirait de cette logique binaire de segmentation des rôles faisant de nos pays des consommateurs éternels et l’occident des transformateurs des ressources et matières premières locales.

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De la stigmatisation à la reconnaissance

Les premières réactions face à l’émergence et l’affirmation de mouvements « Y’en a marre », M23, F24, au Sénégal, le « Balai citoyen » au Burkina Faso, et ces collectifs ayant incarné le renouvellement de l’activisme civique en Afrique, a été de les classer comme des épiphénomènes qui ne feraient pas « long feu ». Cependant, ces mouvements ont, chacun à leur manière, joué un rôle crucial dans les mobilisations populaires qui, au Sénégal (2011-2021-2023-2024) au Burkina (2014), en RdC (2015-2018), ont empêché leurs présidents respectifs de s’éterniser au pouvoir.

Au-delà du respect des constitutions, ces « mouvements citoyens » militaient (et militent toujours) pour une démocratisation substantive des institutions politiques de leurs pays, « dévoyées par des autorités corrompues et autoritaires ». Leur idée maîtresse est qu’une mobilisation citoyenne peut faire reculer le clientélisme et forcer les détenteurs du pouvoir à gérer l’État dans le sens de la bonne gouvernance et de l’intérêt de la population avec une justice indépendante.

Ces mouvements suscitent de l’enthousiasme et des émules dans et en dehors de leurs pays. Dans la foulée de leurs principales victoires, ils font face au défi organisationnel de leur structuration à l’échelle nationale, de leur inscription dans la durée comme « sentinelles de la démocratie », du renouvellement de leurs cadres. Leur rayonnement leur permet de mener un « Dialogue » et des partenariats avec des organismes internationaux pour mener des activités de sensibilisation/mobilisation à l’échelon local. L’Union Européenne a beaucoup participé à cette émergence des alternatives, depuis la signature de l’Accord de Cotonou qui faisait suite aux Conventions de Yaoundé et Lomé. En effet, Cotonou reconnait formellement la place et le rôle des Acteurs autres que les Etats dans la recherche du bien-être de leurs populations dans un « Dialogue Structuré ».

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Bref, une relation dialectique existe entre les pouvoirs en place et les Mouvements citoyens issus d’une société civile néo-panafricaine. De larges mobilisations de rue ont créé les conditions sociopolitiques de la survenue de transitions, dont la réussite et l’inscription dans un registre panafricain ont suscité une floraison de collectifs « en appui aux transitions ». Tout cela en raison des dysfonctionnements de la gouvernance, de la corruption endémique, de la situation socioéconomique critique, de la perte de confiance des citoyens dans les partis politiques. La « société civile » se trouve au centre de ces dynamiques. Une société civile multiforme qui accouche d’acteurs nouveaux : les hommes politiques de demain en Afrique.

Fait exceptionnel, l’on assiste aussi à une jonction que tout semblait opposer. Il s’agit des Mouvements néo panafricains et des mouvements citoyens qui les ont précédés de quelques années. Sur la forme tout d’abord, les premiers apparaissaient virulents, clivants, (tel le mouvement France dégage) là où les seconds cultivent le registre légaliste – une mutation en partis politiques avec des modes d’action non violents basées sur le constat d’une dystopie du modèle de développement en vigueur. Sur le fond surtout, les premiers identifient la source des malheurs dans la subordination du pays à l’Occident, les seconds dans la subordination à une oligarchie locale corrompue. Domination externe pour les uns, domination interne pour les autres. 

Le déclic de Dakar du 24 mars 2024 constitue un « turning point » dans la longue marche des Acteurs non Etatiques dans la Démocratie en Afrique !







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