On l’a déja dit. « Qui détient l’’information détient le pouvoir.» C’est l’alpha et l’Omega de la rhétorique servie par les détenteurs de pouvoirs pour monopoliser l’information par les pouvoirs notamment dans les situations de crise et de guerre. Cette rhétorique est aujourd’hui désuète. L’internet a desagregué les monopoles de la parole, des éléments de langage, de la production et de la diffusion de la pensée sociale.
La passation de service entre le DG sortant et le nouveau DG de la RTS, et la nomination du nouveau DG du quotidien Le Soleil, autant de béquilles de la pire mascarade du service public de l’information au profit du pouvoir en place. Elle ouvre de nouvelles perspectives dans la reconfiguration du paysage médiatique. N’en déplaise aux instances de contrôle et de régulation fantoches du paysage médiatique, le CNRA qui était si prompt à couper les signaux de transmission des chaines audiovisuelles.
L’histoire politique de notre pays raconte comment la colonisation du champ médiatique par les partis au pouvoir, a fait éclore des supports médiatiques clandestins sous forme de tract ou de journaux de partis. Les journaux And Sopi, Taxaw, Xarebi, Sopi ont été les principaux moyens de l’opposition pour contrer la pensée unique étatique et catalyser une déferlante de médias privés fondateurs (Cafard libéré, Promotion).
L’expérience de la gestion des médias sous le régime de Macky Sall nous a révélé à la fois, la dure réalité du supplice infligé au peuple par une propagande effrontée et son contraire : une productivité et une révulsion.
Plus jamais ça ! Plus jamais une mobilisation des supports médiatiques à travers une manufacture de manipulation de la production de la communication publique par le Bureau d’information (désinformation est plus exacte) du gouvernement.
Parallèlement à ce bureau de désinformation, ont vu le jour, un porte-parolat à plusieurs étages notamment au niveau de la présidence, celui du gouvernement et de l’APR, sans compter l’existence d’un ministre conseiller, chargé de la communication du président.
Des médias ont été également créés par des ministres, des Directeurs d’agence ou d’établissements publics ou des chefs de service pour amplifier l’emprise du pouvoir à travers une propagande préhistorique honteuse. Je passe sur les chroniqueurs du dimanche payés avec l’argent piqué dans les poches du citoyen. Je passe sur leur mauvaise foi répugnante. Je passe sur la modicité de leurs analyses.
Le monopole de l’information publique fait fi de l’existence des lois N 92-02 du 6 janvier 1992 portant création de la société nationale de radiotélévision sénégalaise modifiée par la loi 2000-07 du 10 janvier 2000, la loi 92-57 du 03 septembre 1992 relative au pluralisme de la radiotélévision : « L’école de Palo alto définit l’information comme le contenu de la communication tandis que la relation est la manière dont on doit entendre la communication ».
Imposer aux médias d’État l’exclusivité du traitement de l’information présidentielle, c’est faire preuve de cécité politique et d’ignorance du potentiel des nouveaux médias assujettis à la liberté d’accès et de diffusion. C’est ainsi que lors des crises politiques en Afrique, les signaux des données mobiles sont interrompus pour limiter les effets de la connectivité et du lien dans la communication sociale.
Les médias traditionnels, les réseaux sociaux, les web TV des activistes et des influenceurs de toutes sortes ont contourné le monopole médiatique pour diffuser des contre-messages du cartel du service public. Le paysage médiatique et des réseaux sociaux ont été un véritable champ de confrontation systémique. Les plateformes internet à travers les médias sociaux permettent de créer du contenu, de l’organiser, de le changer virtuellement ou le commenter et de le diffuser en temps réel.
Le plan bancal de domestication du service public de l’information a renforcé la capacite du Pastef à faire preuve de créativité et d’audace, en investissant les réseaux sociaux avec des formules qui épousent et parlent aux masses laborieuses, aux classes moyennes et aux élites révolutionnaires.
Des activistes les plus courus se sont relayés et élargi les champs de bataille de la connectivité. Les chroniqueurs indépendants ont investi massivement les TV du Web en utilisant le wolof accessible aux populations. Ils ont joué un rôle important dans la mobilisation citoyenne et dans cette continuité, dans la défaite finale.
Plus tu monopolises la communication publique, plus tu détournes l’opinion publique qui subit un seuil de saturation qui les oriente vers d’autres supports de communication. Le peuple est libre de sa télécommande et le zapping avec le smartphone a démocratisé la pratique du clic et du clap de fin du monopole des informations publiques.
Le paysage médiatique reflète les dynamiques sociales du moment et les contours de la sociologie politique. Les populations ont réinventé de nouvelles pratiques sociales du lien. Les nouveaux détenteurs du pouvoir doivent obligatoirement tirer les leçons et éviter de tomber dans le piège du tout communication unilatérale à travers les services publics de l’information et de la communication sociale. On ne communique pas de la même manière quand on passe du statut d’opposant unique au statut d’homme d’État. Le problème est plus complexe et il s’agit de gérer la communication publique autrement, en renforçant le pacte anti-système avec le peuple et réconcilier le peuple avec leurs services publics de l’information et de la communication. Faire de la politique et de l’information publique autrement, est-ce faire un publi-reportage avant le journal de 20h de la RTS sur la semaine du président Diomaye.
La RTS et le journal Le Soleil ne doivent plus être des officines du pouvoir. Il nous faut des services publics de l’information et de la communication portés sur le développement et non sur les éloges du prince de Diaganio. De nouveaux cahiers de charge des services publics de l’information et des radios-télévisions privées doivent être définis avec des indicateurs de performance évalués par des pairs et le grand public. A l’ère de la démocratie de la connexion, a-t-on toujours besoin d’un ministre de la Communication, gendarme du paysage médiatique ou d’un ministère de la Connectivité et du lien social ?