Babacar Sall – Roman L’Harmattan – Avril 2024. 241 pages
L’endroit est très fréquenté par la « jet set ». Dans ce lieu au nom évocateur se retrouvent des gens aux « richesses subites et douteuses », des intellectuels, des artistes, des hommes et des femmes obsédés par le désir de séduire. Submergée par les effluves de la « boisson interdite », l’atmosphère y est forcément sulfureuse.
Une telle approche de la vie a pour cadre un pays qui a beaucoup changé en s’asseyant outrageusement sur la valeur travail, la glorification de l’effort, pour emprunter le chemin d’une déchéance programmée qui cherche à s’émanciper de toutes les formes d’entraves. Qu’importe les moyens et les techniques déployés pour gagner de l’argent! Il suffirait simplement de s’en mettre plein les poches et de veiller à s’éclater follement en empruntant un chemin aux extravagances déroutantes. Dans un tel univers, l’argent qui a pris le dessus sur tout plastronne, imprimant sa marque sur les relations sociales car désormais, tout y est calcul. « L’auberge des fêtards » se présente ainsi comme une confrérie de parvenus de la République dont l’unique horizon est le paraître. Aveuglés par la quête de luxure, de jouissance, de gaspillage, ils revêtent le visage méprisant de « dirigeants serviles et sociophages » qui s’ingénient ainsi à défaire et à détricoter la chaîne des valeurs qui exaltent l’effort, la probité, l’honnêteté.
Un dénominateur commun semble les fédérer. Consommer, épater, pour finalement se donner en spectacle en succombant à l’illusion, l’évanescent. On devine que cet argent qui est ainsi gaspillé n’a pas été gagné à la sueur de leur front. Ce roman est une critique acerbe de l’étalage indécent de la richesse à travers les billets de banque neufs jetés à même le sol pour tapisser une portion de route. Alors qu’en arrière-plan s’étale la pauvreté de la grande majorité de populations enfermées dans des besoins de survie. Une sorte de satire sur le gaspillage scandaleux orchestré par des élites hors sol, préoccupées par le m’as-tu-vu. Elles mettent en branle des pratiques qui ne participent nullement à sortir les populations les plus démunis de leur misère. Là git le mal. Dans ces ressources gaspillées, vandalisées, portées par une gestion dont le nom est la mal gouvernance.
Porté par une écriture alléchante empreinte de poésie, ce roman est dédié à l’ancien Président du Conseil Mamadou Dia. En hommage « A l’homme de droiture et de rigueur. A l’immuable patriote ».