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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

L’amateurisme À Tous Les Étages De La Maison Sonko-diomaye

Mon Dieu, c’est comme une malédiction. Ils font tout de travers. Le Conseil des ministres du 17 juillet 2024 a procédé à la nomination de plus de 80 personnes à des postes importants dans l’appareil d’Etat. Cette cohorte surchargée ou pléthorique en une même séance, une première dans l’histoire du Sénégal, (si ce n’est dans un mouvement administratif pour pourvoir les échelons de base de l’administration territoriale), va poser de gros problèmes pour l’installation des personnes ainsi désignées. L’Inspection générale d’Etat (Ige) n’aura pas les effectifs suffisants pour procéder, en sus de ses missions quotidiennes, aux formalités nécessaires pour la prise de fonction, dans des délais rapides, de la plupart des personnes nommées, encore que d’autres nouvelles nominations tombent au jour le jour et certaines exigeront également l’implication de l’Ige. On remarquera déjà que l’Ige ne dispose précisément que des effectifs au nombre total de 33 agents dont les 9 sont en position de détachement ou de disponibilité. Et ce corps de contrôle de l’Etat a été engagé, depuis quelques jours, dans des missions de contrôle et de vérification de plus de 50 structures de l’Etat. Qui va aller procéder à l’installation des nouveaux dirigeants de structures publiques ainsi nommés, d’autant que certaines personnes, nommées, elles aussi, des semaines auparavant, attendent toujours de pouvoir être installées dans leurs fonctions ? Les nominations traduisent donc un remplacement systématique de poste pour poste, alors que la rationalisation des services de l’Etat devait induire, comme c’est le cas avec l’architecture gouvernementale, à des regroupements ou des réorganisations des directions et agences nationales. La logique semble de vouloir éviter de diminuer des postes pour manquer de quoi satisfaire une clientèle politique.

Divers autres problèmes apparaissent à la lecture de la liste des nominations. On y découvre notamment des situations de personnes qui n’ont pas le profil d’emploi. Des personnes qui occupent leur premier emploi sont propulsées à des stations gouvernementales stratégiques où elles n’auraient pu être, dans le cas le plus normal, que des «stagiaires» en phase d’initiation. Il s’y ajoute des cas évidents de népotisme et de conflits d’intérêts. Les médias n’ont sans doute pas tort de tourner la chose en dérision, pour dire que le nouveau régime, qui promettait des appels à candidatures pour pourvoir aux emplois publics essentiels, a fini par faire des «appels au népotisme», ou pour être plus juste, des «appels à la famille». On réalise en fin de compte qu’aucun sérieux effort d’investigation n’a été effectué avant de décider de certaines nominations ; à moins que l’engagement politique, la proximité sociale ou les «liens de sang» aient primé sur tout autre critère de compétences ou de probité ou même de respect des bonnes procédures. Des révélations sortent de partout sur des cas de népotisme familial scandaleux ou des situations d’usurpation de titres ou de qualifications. D’autres nominations tiendraient à des pressions ou autres formes de chantage. Certains militants, qui s’impatientaient de ne pas être invités à la table, avaient commencé à montrer des sautes d’humeur et avaient brandi des menaces publiques de déballage dans les réseaux sociaux. On a pu rire de voir l’immédiateté de certaines nominations, après des sorties virulentes de ces personnes frustrées. Les plus hautes autorités de l’Etat, en l’occurrence le Premier ministre Ousmane Sonko et le président de la République Bassirou Diomaye Faye, semblent vulnérables à ces pressions. Ont-ils eu à crier ne pas céder aux pressions et chantages, mais en fin de compte, on observe que cela a fini par payer. Le parcours tumultueux de leur formation politique a comporté des phases sombres durant lesquelles certains militants et responsables ont été chargés de rôles et de missions inavouables. La piètre sortie de Me Ngane Demba Touré, Directeur général de la société minière Somisen, sur le plateau de Tv5 Monde, le 2 juillet 2024, suffit pour convaincre que le critère de compétence ne semble pas présider à certaines nominations.

A LIRE  Chers enseignants, évitons le piège en préservant nos énergies

Tout cela jure d’avec les professions de foi d’une gouvernance vertueuse et de qualité. On était en droit d’être plus exigeant vis-à-vis des nouvelles autorités. En effet, on a vu comment et avec quelle virulence, elles avaient pourfendu la gestion «clanique», «familiale», «népotique» et «prédatrice» de Macky Sall et même des Abdoulaye Wade et Abdou Diouf. Avec une sincérité touchante et persuasive, Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye avaient promis «la rupture», l’avènement d’un homo senegalensis nouveau pour diriger les affaires publiques. Ils sont des arroseurs arrosés. On peut deviner mon petit sourire en coin, car j’avais croisé le fer avec certaines personnes quand elles se faisaient des contempteurs de la nomination par exemple d’un certain Aliou Sall, jeune frère de Macky Sall, comme Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Les compétences et le pedigree de Aliou Sall ne sauraient souffrir d’un moindre complexe. Mais le cas de la nomination de Aliou Sall avait tant plombé le magistère de Macky Sall et constituait l’arme par laquelle les détracteurs de son régime arrivaient à l’atteindre, que j’avais fini par suggérer publiquement à Aliou Sall de démissionner de ses fonctions. J’avais fait la même suggestion concernant Mansour Faye, ministre et beaufrère du président de la République. La démarche n’était certes pas juste, mais c’était le prix à payer. Alors, on ne saurait tolérer, du nouveau régime, qu’il fasse pire que celui de Macky Sall ou de Abdoulaye Wade. Assurément, ils sont désormais bien mal placés, ceux et celles qui disaient haro au népotisme et qui se trouvent empêtrés dans les travers dont ils affublaient leurs prédécesseurs.

Chacun de leurs faits et gestes constitue une énormité

Les nouvelles autorités gouvernementales devraient apprendre à mesurer la portée de leurs faits et gestes. La ministre des Sports, de la jeunesse et de la culture a snobé la finale de la Coupe du Sénégal de football, le 13 juillet 2024, pour aller à une cérémonie de réception organisée en l’honneur d’un footballeur français, par l’ambassadrice de France à Dakar. Le célèbre Aurélien Tchouameni était en séjour au Sénégal pour y lancer des œuvres caritatives. Le geste de la ministre Khady Diène Gaye a été vivement déploré, d’autant que l’année d’avant, précisément le 28 août 2023, le Premier ministre Amadou Ba avait personnellement remis le trophée de vainqueur de la Coupe du Sénégal à l’équipe du Jaraaf de Dakar. La désinvolture de la ministre sera aussi remarquée, le 20 juillet 2024, car elle ne daigna pas se déplacer pour représenter le gouvernement à la cérémonie de présentation des ouvrages de l’ambassadeur du Cameroun au Sénégal. Elle enverra le même jour un message laconique, indiquant ne pouvoir être présente à cette cérémonie de 15 heures, pour cause d’un voyage en France, prévu dans la soirée. Ainsi, aucun officiel sénégalais n’avait rehaussé de sa présence cette cérémonie dédiée à l’ambassadeur Jean Koe Ntonga, Doyen du corps diplomatique et qui est en poste au Sénégal depuis presque 30 ans. Il s’était trouvé dans le public certaines langues fielleuses pour dire que s’il s’était agi d’un ambassadeur même du Liechtenstein, la ministre s’obligerait à être vue sur la photo. A son corps défendant, le Premier ministre avait envoyé une lettre pour indiquer avoir désigné Mme Khady Diène Gaye pour le représenter à la cérémonie. Comme pour sauver les meubles, l’ancien ambassadeur Paul Badji et le Colonel Momar Guèye, président de l’Association des écrivains du Sénégal, ont rendu de vibrants hommages au diplomate camerounais. Sur le même registre, nos nouvelles élites politiques devraient faire davantage d’efforts pour assurer la représentation. «Je vois, vous vous prenez trop au sérieux pour vous soucier de ce que vous portez et vous mettez, disons cette espèce de pull difforme (…)», réplique dans le film culte Le Diable s’habille en Prada.

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En outre, on ne dira jamais assez que ce qui peut sortir de la bouche d’un opposant est pardonnable, ne saurait toujours l’être si cela sort de celle d’un membre officiel d’un gouvernement. C’est par exemple l’incartade du ministre de l’Environnement, Daouda Ngom, qui n’a rien trouvé de mieux à dire, dans les colonnes du journal Le Quotidien, le 15 avril 2024, que «Macky Sall était plus qu’un roi. Il s’est permis ce que Mouhamed VI ne peut pas se permettre au Maroc». Il est encore heureux que la partie marocaine n’ait pas daigné relever cette déclaration on ne peut diplomatiquement incorrecte. Il a de qui tenir car le Premier ministre Sonko a attaqué publiquement un chef d’Etat étranger, en l’occurrence Emmanuel Macron, à une conférence publique organisée à Dakar, le 16 mai 2024. On se rappelle également le propos de Birame Soulèye Diop, alors président du Groupe parlementaire de Yewwi askan wi, pour accuser, le 4 juillet 2023, le Président Alassane Dramane Ouattara d’avoir fait empoisonner les candidats de son parti qu’il avait désignés pour briguer sa succession. Cette déclaration a beaucoup fâché du côté de la Lagune Ebrié d’Abidjan. Lors de la visite du président Faye à Abidjan le 7 mai 2024, certains officiels ivoiriens avaient tenu à demander des nouvelles de Birame Soulèye Diop. C’est dire que la pilule est amère.

Par ailleurs, l’installation chaotique de la nouvelle législature, le 12 septembre 2022, a été l’occasion d’assister à un véritable cirque dans les travées de l’Assemblée nationale. Les nouveaux députés, provenant des rangs de la Coalition Yewwi askan wi (Yaw), s’étaient donnés en spectacle, brisant le mobilier, bloquant le vote en emportant l’urne. Des échauffourées d’une gravité jamais enregistrée dans l’Hémicycle avaient été déplorées. Jamais l’Assemblée nationale n’a connu des scènes de violences aussi fortes, jusqu’au tabassage, en règle, en mondovision, de la députée Amy Ndiaye Gniby, enceinte de plusieurs mois. L’opinion s’était émue et le vilain exemple avait été montré sur toutes les télévisions. Le Sénégal a pu avoir honte. Plus jamais ça, s’était-on juré et promis. L’indulgence sans limite des Sénégalais voudrait considérer que ces comportements répréhensibles étaient simplement ceux d’opposants mécontents ou brimés. Mais après que le parti Pastef et son monde sont arrivés au pouvoir, on les a vus se comporter comme toujours : insultant, menaçant de violences physiques leurs adversaires politiques. Voilà que l’incorrigible député Guy Marius Sagna attire à nouveau l’attention sur ses frasques, en s’illustrant par son manque de respect à l’endroit de ses collègues du Parlement de la Cedeao. Les vidéos font le tour de l’Afrique, du monde. Le député Sagna ne serait-il pas dans une logique de provocation grossière, en vue de créer des incidents ? Qu’a-t-on fait au Bon Dieu pour mériter que nos élites politiques nous foutent cette honte ? Dans un moment de sidération, nous avons lancé un cri du cœur : «Méritez de nous gouverner !», chronique du 10 août 2015 ou «Mais Macky, où on va là ?», chronique du 28 mai 2012.

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Aussi, qui a mis dans la tête du Président Bassirou Diomaye Faye l’idée que pour prouver son souverainisme, il faudrait tenir une conférence de presse avec exclusivement des journalistes sénégalais ? Les médias internationaux étaient bannis de la première conférence de presse du chef de l’Etat pour tirer le bilan de ses «100 premiers jours» à la tête du pays. La démarche est maladroite et vide de sens. En effet, c’est comme si ce qui se dirait à cette conférence de presse ne concernerait ou n’intéresserait que le public sénégalais. Bien sûr que non, et la bonne preuve est que le président Bassirou Diomaye Faye a choisi de changer de langue de communication pour parler le français, en lieu et place du wolof, dans la partie de cet entretien où il évoquait le volet de la diplomatie et de la coopération internationale. Bassirou Diomaye Faye semble chercher à innover, au risque de se montrer iconoclaste et de la plus drôle des manières. C’est ainsi qu’il a surpris son monde en faisant une allocution en anglais, devant Charles Michel, le président du Conseil de l’Europe, en visite à Dakar le 24 avril 2024. Son interlocuteur a le français comme langue maternelle et cette langue reste la langue officielle du Sénégal. Qu’est-ce qui pouvait alors pousser le président Faye à risquer un tel coup qui a pu faire rire le public ?

Dans les salles de classe, il y a toujours un élève zélé, le fayot, qui claque des doigts bruyamment et crie plus fort que les autres «Moi Monsieur ! Moi Monsieur !», avec un tel aplomb que l’instituteur préfère l’ignorer, persuadé qu’il a la réponse, choisissant d’interroger le gars qui est au fond de la classe, qui essaie de se faire oublier. Et puis, un jour, il désigne le fayot. Médusé, l’instituteur découvre que l’élève n’a pas appris sa leçon. C’est cette image aussi piteuse que ridicule que renvoient Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye. Mais le fayot finit par être responsable de classe, qui met un soin particulier à écrire les noms des bavards en l’absence du maître. Il sera le délateur qui dénonce ceux qui ont pu tricher, ce qui du reste ne l’empêche pas de tricher. La finalité est d’être le premier de la classe.







L’amateurisme À Tous Les Étages De La Maison Sonko-diomaye

Mon Dieu, c’est comme une malédiction. Ils font tout de travers. Le Conseil des ministres du 17 juillet 2024 a procédé à la nomination de plus de 80 personnes à des postes importants dans l’appareil d’Etat. Cette cohorte surchargée ou pléthorique en une même séance, une première dans l’histoire du Sénégal, (si ce n’est dans un mouvement administratif pour pourvoir les échelons de base de l’administration territoriale), va poser de gros problèmes pour l’installation des personnes ainsi désignées. L’Inspection générale d’Etat (Ige) n’aura pas les effectifs suffisants pour procéder, en sus de ses missions quotidiennes, aux formalités nécessaires pour la prise de fonction, dans des délais rapides, de la plupart des personnes nommées, encore que d’autres nouvelles nominations tombent au jour le jour et certaines exigeront également l’implication de l’Ige. On remarquera déjà que l’Ige ne dispose précisément que des effectifs au nombre total de 33 agents dont les 9 sont en position de détachement ou de disponibilité. Et ce corps de contrôle de l’Etat a été engagé, depuis quelques jours, dans des missions de contrôle et de vérification de plus de 50 structures de l’Etat. Qui va aller procéder à l’installation des nouveaux dirigeants de structures publiques ainsi nommés, d’autant que certaines personnes, nommées, elles aussi, des semaines auparavant, attendent toujours de pouvoir être installées dans leurs fonctions ? Les nominations traduisent donc un remplacement systématique de poste pour poste, alors que la rationalisation des services de l’Etat devait induire, comme c’est le cas avec l’architecture gouvernementale, à des regroupements ou des réorganisations des directions et agences nationales. La logique semble de vouloir éviter de diminuer des postes pour manquer de quoi satisfaire une clientèle politique.

Divers autres problèmes apparaissent à la lecture de la liste des nominations. On y découvre notamment des situations de personnes qui n’ont pas le profil d’emploi. Des personnes qui occupent leur premier emploi sont propulsées à des stations gouvernementales stratégiques où elles n’auraient pu être, dans le cas le plus normal, que des «stagiaires» en phase d’initiation. Il s’y ajoute des cas évidents de népotisme et de conflits d’intérêts. Les médias n’ont sans doute pas tort de tourner la chose en dérision, pour dire que le nouveau régime, qui promettait des appels à candidatures pour pourvoir aux emplois publics essentiels, a fini par faire des «appels au népotisme», ou pour être plus juste, des «appels à la famille». On réalise en fin de compte qu’aucun sérieux effort d’investigation n’a été effectué avant de décider de certaines nominations ; à moins que l’engagement politique, la proximité sociale ou les «liens de sang» aient primé sur tout autre critère de compétences ou de probité ou même de respect des bonnes procédures. Des révélations sortent de partout sur des cas de népotisme familial scandaleux ou des situations d’usurpation de titres ou de qualifications. D’autres nominations tiendraient à des pressions ou autres formes de chantage. Certains militants, qui s’impatientaient de ne pas être invités à la table, avaient commencé à montrer des sautes d’humeur et avaient brandi des menaces publiques de déballage dans les réseaux sociaux. On a pu rire de voir l’immédiateté de certaines nominations, après des sorties virulentes de ces personnes frustrées. Les plus hautes autorités de l’Etat, en l’occurrence le Premier ministre Ousmane Sonko et le président de la République Bassirou Diomaye Faye, semblent vulnérables à ces pressions. Ont-ils eu à crier ne pas céder aux pressions et chantages, mais en fin de compte, on observe que cela a fini par payer. Le parcours tumultueux de leur formation politique a comporté des phases sombres durant lesquelles certains militants et responsables ont été chargés de rôles et de missions inavouables. La piètre sortie de Me Ngane Demba Touré, Directeur général de la société minière Somisen, sur le plateau de Tv5 Monde, le 2 juillet 2024, suffit pour convaincre que le critère de compétence ne semble pas présider à certaines nominations.

A LIRE  Mais où sont passés les aînés ? (Par Khalifa TOURÉ )

Tout cela jure d’avec les professions de foi d’une gouvernance vertueuse et de qualité. On était en droit d’être plus exigeant vis-à-vis des nouvelles autorités. En effet, on a vu comment et avec quelle virulence, elles avaient pourfendu la gestion «clanique», «familiale», «népotique» et «prédatrice» de Macky Sall et même des Abdoulaye Wade et Abdou Diouf. Avec une sincérité touchante et persuasive, Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye avaient promis «la rupture», l’avènement d’un homo senegalensis nouveau pour diriger les affaires publiques. Ils sont des arroseurs arrosés. On peut deviner mon petit sourire en coin, car j’avais croisé le fer avec certaines personnes quand elles se faisaient des contempteurs de la nomination par exemple d’un certain Aliou Sall, jeune frère de Macky Sall, comme Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. Les compétences et le pedigree de Aliou Sall ne sauraient souffrir d’un moindre complexe. Mais le cas de la nomination de Aliou Sall avait tant plombé le magistère de Macky Sall et constituait l’arme par laquelle les détracteurs de son régime arrivaient à l’atteindre, que j’avais fini par suggérer publiquement à Aliou Sall de démissionner de ses fonctions. J’avais fait la même suggestion concernant Mansour Faye, ministre et beaufrère du président de la République. La démarche n’était certes pas juste, mais c’était le prix à payer. Alors, on ne saurait tolérer, du nouveau régime, qu’il fasse pire que celui de Macky Sall ou de Abdoulaye Wade. Assurément, ils sont désormais bien mal placés, ceux et celles qui disaient haro au népotisme et qui se trouvent empêtrés dans les travers dont ils affublaient leurs prédécesseurs.

Chacun de leurs faits et gestes constitue une énormité

Les nouvelles autorités gouvernementales devraient apprendre à mesurer la portée de leurs faits et gestes. La ministre des Sports, de la jeunesse et de la culture a snobé la finale de la Coupe du Sénégal de football, le 13 juillet 2024, pour aller à une cérémonie de réception organisée en l’honneur d’un footballeur français, par l’ambassadrice de France à Dakar. Le célèbre Aurélien Tchouameni était en séjour au Sénégal pour y lancer des œuvres caritatives. Le geste de la ministre Khady Diène Gaye a été vivement déploré, d’autant que l’année d’avant, précisément le 28 août 2023, le Premier ministre Amadou Ba avait personnellement remis le trophée de vainqueur de la Coupe du Sénégal à l’équipe du Jaraaf de Dakar. La désinvolture de la ministre sera aussi remarquée, le 20 juillet 2024, car elle ne daigna pas se déplacer pour représenter le gouvernement à la cérémonie de présentation des ouvrages de l’ambassadeur du Cameroun au Sénégal. Elle enverra le même jour un message laconique, indiquant ne pouvoir être présente à cette cérémonie de 15 heures, pour cause d’un voyage en France, prévu dans la soirée. Ainsi, aucun officiel sénégalais n’avait rehaussé de sa présence cette cérémonie dédiée à l’ambassadeur Jean Koe Ntonga, Doyen du corps diplomatique et qui est en poste au Sénégal depuis presque 30 ans. Il s’était trouvé dans le public certaines langues fielleuses pour dire que s’il s’était agi d’un ambassadeur même du Liechtenstein, la ministre s’obligerait à être vue sur la photo. A son corps défendant, le Premier ministre avait envoyé une lettre pour indiquer avoir désigné Mme Khady Diène Gaye pour le représenter à la cérémonie. Comme pour sauver les meubles, l’ancien ambassadeur Paul Badji et le Colonel Momar Guèye, président de l’Association des écrivains du Sénégal, ont rendu de vibrants hommages au diplomate camerounais. Sur le même registre, nos nouvelles élites politiques devraient faire davantage d’efforts pour assurer la représentation. «Je vois, vous vous prenez trop au sérieux pour vous soucier de ce que vous portez et vous mettez, disons cette espèce de pull difforme (…)», réplique dans le film culte Le Diable s’habille en Prada.

A LIRE  LE CORPS SAIT-IL CE QU’IL DIT ?

En outre, on ne dira jamais assez que ce qui peut sortir de la bouche d’un opposant est pardonnable, ne saurait toujours l’être si cela sort de celle d’un membre officiel d’un gouvernement. C’est par exemple l’incartade du ministre de l’Environnement, Daouda Ngom, qui n’a rien trouvé de mieux à dire, dans les colonnes du journal Le Quotidien, le 15 avril 2024, que «Macky Sall était plus qu’un roi. Il s’est permis ce que Mouhamed VI ne peut pas se permettre au Maroc». Il est encore heureux que la partie marocaine n’ait pas daigné relever cette déclaration on ne peut diplomatiquement incorrecte. Il a de qui tenir car le Premier ministre Sonko a attaqué publiquement un chef d’Etat étranger, en l’occurrence Emmanuel Macron, à une conférence publique organisée à Dakar, le 16 mai 2024. On se rappelle également le propos de Birame Soulèye Diop, alors président du Groupe parlementaire de Yewwi askan wi, pour accuser, le 4 juillet 2023, le Président Alassane Dramane Ouattara d’avoir fait empoisonner les candidats de son parti qu’il avait désignés pour briguer sa succession. Cette déclaration a beaucoup fâché du côté de la Lagune Ebrié d’Abidjan. Lors de la visite du président Faye à Abidjan le 7 mai 2024, certains officiels ivoiriens avaient tenu à demander des nouvelles de Birame Soulèye Diop. C’est dire que la pilule est amère.

Par ailleurs, l’installation chaotique de la nouvelle législature, le 12 septembre 2022, a été l’occasion d’assister à un véritable cirque dans les travées de l’Assemblée nationale. Les nouveaux députés, provenant des rangs de la Coalition Yewwi askan wi (Yaw), s’étaient donnés en spectacle, brisant le mobilier, bloquant le vote en emportant l’urne. Des échauffourées d’une gravité jamais enregistrée dans l’Hémicycle avaient été déplorées. Jamais l’Assemblée nationale n’a connu des scènes de violences aussi fortes, jusqu’au tabassage, en règle, en mondovision, de la députée Amy Ndiaye Gniby, enceinte de plusieurs mois. L’opinion s’était émue et le vilain exemple avait été montré sur toutes les télévisions. Le Sénégal a pu avoir honte. Plus jamais ça, s’était-on juré et promis. L’indulgence sans limite des Sénégalais voudrait considérer que ces comportements répréhensibles étaient simplement ceux d’opposants mécontents ou brimés. Mais après que le parti Pastef et son monde sont arrivés au pouvoir, on les a vus se comporter comme toujours : insultant, menaçant de violences physiques leurs adversaires politiques. Voilà que l’incorrigible député Guy Marius Sagna attire à nouveau l’attention sur ses frasques, en s’illustrant par son manque de respect à l’endroit de ses collègues du Parlement de la Cedeao. Les vidéos font le tour de l’Afrique, du monde. Le député Sagna ne serait-il pas dans une logique de provocation grossière, en vue de créer des incidents ? Qu’a-t-on fait au Bon Dieu pour mériter que nos élites politiques nous foutent cette honte ? Dans un moment de sidération, nous avons lancé un cri du cœur : «Méritez de nous gouverner !», chronique du 10 août 2015 ou «Mais Macky, où on va là ?», chronique du 28 mai 2012.

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Aussi, qui a mis dans la tête du Président Bassirou Diomaye Faye l’idée que pour prouver son souverainisme, il faudrait tenir une conférence de presse avec exclusivement des journalistes sénégalais ? Les médias internationaux étaient bannis de la première conférence de presse du chef de l’Etat pour tirer le bilan de ses «100 premiers jours» à la tête du pays. La démarche est maladroite et vide de sens. En effet, c’est comme si ce qui se dirait à cette conférence de presse ne concernerait ou n’intéresserait que le public sénégalais. Bien sûr que non, et la bonne preuve est que le président Bassirou Diomaye Faye a choisi de changer de langue de communication pour parler le français, en lieu et place du wolof, dans la partie de cet entretien où il évoquait le volet de la diplomatie et de la coopération internationale. Bassirou Diomaye Faye semble chercher à innover, au risque de se montrer iconoclaste et de la plus drôle des manières. C’est ainsi qu’il a surpris son monde en faisant une allocution en anglais, devant Charles Michel, le président du Conseil de l’Europe, en visite à Dakar le 24 avril 2024. Son interlocuteur a le français comme langue maternelle et cette langue reste la langue officielle du Sénégal. Qu’est-ce qui pouvait alors pousser le président Faye à risquer un tel coup qui a pu faire rire le public ?

Dans les salles de classe, il y a toujours un élève zélé, le fayot, qui claque des doigts bruyamment et crie plus fort que les autres «Moi Monsieur ! Moi Monsieur !», avec un tel aplomb que l’instituteur préfère l’ignorer, persuadé qu’il a la réponse, choisissant d’interroger le gars qui est au fond de la classe, qui essaie de se faire oublier. Et puis, un jour, il désigne le fayot. Médusé, l’instituteur découvre que l’élève n’a pas appris sa leçon. C’est cette image aussi piteuse que ridicule que renvoient Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye. Mais le fayot finit par être responsable de classe, qui met un soin particulier à écrire les noms des bavards en l’absence du maître. Il sera le délateur qui dénonce ceux qui ont pu tricher, ce qui du reste ne l’empêche pas de tricher. La finalité est d’être le premier de la classe.







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