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Connivences

Le terrain commande, disent les militaires… En le délaissant pour privilégier les plateaux audiovisuels et leurs débats insipides, les médias ont accrédité leurs faiblesses absolues.

Ce petit « jeu trouble » a secrété dans l’opinion des jugements hâtifs qui, en s’agrégeant, donnent le sentiment d’une vérité. D’une vérité aléatoire néanmoins… Certes des journalistes séniors ont déserté les rédactions pour des raisons diverses. Mais des jeunes sont arrivés en grand nombre pour se faire la main et s’imposer.

L’orgueil muet des uns et l’audace affichée des autres illustrent la situation de l’écosystème médiatique caractérisé de nos jours par une frappante fragilité d’ordre structurel. De part et d’autre, d’excellents professionnels ont surgi à toutes les étapes de ce long parcours de la presse sénégalaise.

Dans leur propos, affleurent souvent des critiques acerbes qui mettent à nu le mode de gestion des organes. Tout tourne autour du fondateur, du créateur, de l’inspirateur. Engoncé dans des certitudes, ce dernier agrège des individus et porte moins attention à « fédérer » des compétences et des talents. Il plastronne en patron, la connotation péjorative importe peu.

Du reste, le vocable recouvre plus de sarcasmes que d’éloges… Une telle option de gouvernance masque un « héroïsme individuel» qui ne dit pas son nom. Pour être clair, l’esprit d’entreprise n’habite pas la presse. Ou alors s’il y est, sa présence s’avère récente et encore balbutiante voire tatillonne.

Ces pratiques, qui relèvent du geste d’apparat et d’un autre âge, créent des distorsions au sein des rédactions et des groupes. La vraie césure gît là. Elle est béante. En plus, elle obère les chances de cohérence et d’unité d’un secteur très chahuté. A cet égard, aucun groupe de presse ne bénéficie d’un excès d’honneur.

À plusieurs, ils ne trouvent pas grâce auprès des divers publics qui constituent l’ossature de leurs audiences de référence. Aujourd’hui, ces mêmes publics brûlent ce qu’ils ont jadis adoré. Le savoir, c’est déjà renouer avec la sagesse et ensuite retrouver une posture d’humilité, deux des facteurs qui ont contribué à asseoir la crédibilité de la presse sans perdre la face devant les féroces appétits de puissance de forces en embuscade.

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Qu’elles soient politiques, économiques, financières, sociales ou occultes, ces forces entretiennent des rapports bivalents avec les médias. Pour acquérir des positions dominantes ou prestigieuses, elles se lient à eux. Une fois leur but atteint, elles s’en éloignent, les snobent ou au pire les démantèlent.

Surtout celles qui ont conquis le pouvoir et n’entendent pas le partager et ne voudraient pour rien au monde accroître ou parachever l’indépendance de ces médias. Lesquels apprennent à leur dépens que leur proximité avec les détenteurs de pouvoir s’est souvent réalisée à leur détriment.

Tout en faisant toujours preuve de prévenance jamais ces médias n’ont été payés de retour. D’ailleurs devraient-ils l’être ? Pas si sûr. En revanche, ce que tomber et se relever veut dire ouvre un large champ de possibles. Un contre-pouvoir qui s’ignore. Hélas !

Le milieu est infesté. Pire, il est gangrené. En son sein, des journalistes faussaires, autrement dit des maîtres chanteurs, existent et pullulent. Ils naviguent entre plusieurs foyers de jouissance. Ils ont surtout prospéré du temps du régime libéral, très peu regardant sur les torts qu’il causait à une profession abasourdie par l’outrecuidance des vainqueurs d’alors qui ne « se fixaient aucune limite » si ce n’est le ciel.

La plupart des « petits chefs » qui allaient émerger par la suite se sont arrogé des licences de radio, ont crée de toutes pièces de piteux journaux dans l’ultime dessein de défendre une « zone de non droit », de descendre en flamme adversaires, concurrents et ennemis avec, à la manœuvre, des hommes liges de triste et funeste réputation.

Ils ont porté un suspicieux tort à la société sénégalaise et causé de grands dommages jusque-là irréparables. Le libéralisme a lâché des fauves qui ont essaimé partout ne laissant comme empreinte qu’un embrouillamini provenant de bouches à l’haleine fétide.

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Par imprudence certains acteurs des médias ont procédé à des calculs de sympathies au gré des alternances. Ils n’ont pas hésité à plaire aux puissants du jour et à miser sur ceux du lendemain. Contorsions, pardi !

Bien évidemment ces vieux réflexes frisent le louvoiement, conduite tortueuse qui vaut à ses adeptes, côté pile ou face, des sourires carnassiers ou des bras d’honneur. Un homme de cour en rajoute toujours dans la flatterie, dans l’excès, dans la servilité et le moutonnement. Puisqu’il s’agit d’un choix de vie gardons-nous de titiller leurs options.

Mais des dirigeants de presse perclus de compromissions trainent aussi des remords professionnels. Car ils flottent au vent comme des girouettes et s’en sortent par des pirouettes. Parviendront-ils à se libérer des conditionnements ? La sincérité engendre l’exemplarité fort utile en ces temps de soupçons généralisés et de transgression de tabous.

On ne fait de politique autrement que sur des réalités. Les publics se montrent plus sévères. Ils peuvent même sanctionner en s’abstenant de consommer les médias si les contenus ne répondent pas à leurs attentes. Nous en avons eu un bref aperçu lors de la journée sans presse de la semaine dernière. Après tout, « les défauts de l’information valent mieux que le défaut d’information. »

Ainsi, la versatilité des lignes éditoriales ne différencie plus les organes qui, du fait justement de ces inflexions, perdent en cours de chemin, tout crédit, toute confiance sans compter l’érosion des audiences, plus difficiles à reconquérir une fois qu’elles lâchent prises.

En outre, la presse devient moins curieuse ce qui appauvrit son offre et rétrécit son espace d’influence. Pourtant les sujets de dossiers, d’analyse, d’enquête ou de reportage ne manquent pas. Cette absence d’audace et de culot fige les supports qui se disputent un maigre « butin » sans consistance.

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Par ailleurs, une idée assez répandue au Sénégal soutient que les médias ne sont pas rentables. Voilà une aveuglante opinion, de surcroît fausse, que relayent même sans précaution des acteurs de la presse, et non des moindres ! La paresse endort la conscience.

Les mêmes, bardés de convictions, prônent encore une refonte du modèle économique des médias sénégalais ! A quelle fin ? Cette absurdité économique va nous plomber pour longtemps si l’idée est retenue. Le business model, c’est ce qui convainc banquiers, financiers, partenaires et fournisseurs.

Nous allons droit dans le mur si nous nous entêtons, par esprit grégaire, à trouver une solution commune à tout l’univers des médias. Chaque groupe de presse construit son succès propre. Les formidables progrès techniques, l’évolution de la technologie et la rapidité des transmissions offrent aux médias des opportunités de relance ponctuées d’adaptation pour gagner les défis du futur par une nette amélioration de la qualité des informations destinées aux publics.

La survie et l’agonie rôdent. Mais le déclic de projection peut venir d’une créativité qui associe contenu, détente, publicité, imagination fertile et productivité des journalistes. Nous pourrions même nous passer de l’aide de l’Etat si le bon sens gouvernait les esprits : le service public de la télévision et de la radio, financé par l’argent du contribuable a vocation à réaliser des productions de qualité moyennant un cahier de charge qui le circonscrit à son budget et à l’apport des démembrements de l’Etat.

Le secteur privé, débarrassé de ses approximations, pourrait s’adjuger la publicité privée au détour d’un appel d’offre savamment orchestré par des règles intangibles de transparence et d’équité.

Tous n’auront pour arbitre que le marché ! Et la liberté de ton des médias sera sauve en toutes circonstances pour l’animation du débat démocratique…







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