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Sonko-diomaye, La StratÉgie Du Chaos

 Les élections législatives du 30 juillet 2017 avaient été les plus chaotiques de tous les scrutins de la longue histoire électorale du Sénégal. Les services du ministère de l’Intérieur, dirigé alors par un certain Abdoulaye Daouda Diallo, étaient débordés par l’ampleur de la tâche. En effet, 47 listes avaient été en compétition. On peut cependant dire que les organisateurs du scrutin avaient eu toute la latitude de préparer ces élections législatives de 2017, dans une certaine sérénité, conformément aux conditions régulières prévues par la loi électorale. Mieux, le scrutin, qui avait été fixé dans un premier temps au 2 juillet 2017, a été repoussé au 30 juillet 2017. En effet, suite à une concertation avec la classe politique, le président Macky Sall avait pris un décret, du 18 janvier 2017, pour fixer la nouvelle date, afin d’éviter que la campagne électorale ne se déroulât au courant de la période de Ramadan. C’est dire que le gouvernement avait eu plus de sept mois pour organiser lesdites élections.

La fatale catastrophe du 17 novembre 2024

C’est en tirant les leçons du scrutin de 2017 qu’il avait été décidé de mettre en place le système de parrainage, un filtre devenu désormais nécessaire pour les élections nationales. De ce fait, seules huit listes avaient pu être en compétition pour les élections législatives suivantes, du 31 juillet 2022. Force est de dire que c’est écrit sur le destin des élections législatives anticipées du 17 novembre prochain qu’elles seront catastrophiques, et pour cause !

Le système du parrainage est supprimé et on note déjà la floraison de listes de candidats. Qui ne se rappelle pas qu’à la présidentielle de 2024, le système du parrainage avait empêché plus de 200 candidatures ? Et on voit déjà des centaines de listes de candidatures s’annoncer pour les élections législatives à venir. Dans quelles conditions se déroulera alors le scrutin ? Quelles seront les aptitudes et compétences des nouvelles autorités gouvernementales et administratives pour tirer leur épingle du jeu ? Elles sont, pour la plupart, novices dans l’organisation matérielle d’un scrutin national. Le nouveau ministre de l’Intérieur, le Général Jean-Baptiste Tine, ne pourra pas compter sur des collaborateurs expérimentés ; ils se retrouvent tous à devoir organiser le premier scrutin de leur carrière. Il s’y ajoute qu’ils vont manquer cruellement de temps pour satisfaire aux diligences nécessaires. Pour les préparatifs de ce scrutin, les délais sont comprimés, dans une bien courte période de deux mois.

En outre, le Sénégal ne dispose pas de la logistique nécessaire pour fabriquer par exemple des centaines de millions d’imprimés électoraux nécessaires pour satisfaire des centaines de listes en compétition. Il faudrait tirer au moins sept millions de bulletins pour chaque liste. L’ensemble des imprimeurs de la place, même réquisitionnés par l’Etat, ne sont guère outillés pour réaliser un tel travail, dans un temps impossible, encore que les stocks de papier n’existent pas sur le marché. Faudrait-il passer des commandes, en urgence, de papier d’imprimerie et autres matériels électoraux et, ou faire réaliser certains travaux à l’étranger ? Dans quelles conditions ? Et, le cas échéant, rien ne garantirait des livraisons dans les délais. Encore une fois, en 2017, des imprimés et autres matériels électoraux avaient été livrés de justesse et même pas en quantité suffisante ! Il s’avère alors nécessaire d’engager des concertations avec les acteurs politiques, si tant est que le gouvernement souhaiterait tenir le scrutin dans des conditions acceptables. Peut-être aussi que les délais serrés pour le dépôt des candidatures empêcheront des listes en veux tu en voilà !

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Le gouvernement travaille à provoquer le boycott du scrutin par l’opposition

Il faut bien le dire, le gouvernement travaille à rendre difficile, voire impossible la participation de l’opposition au scrutin. Le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko ont dissimulé toutes les informations et tous les actes préparatoires du scrutin, alors qu’il vient de se révéler qu’ils travaillaient sur la tenue du scrutin depuis le 10 juillet 2024, date à laquelle le Conseil constitutionnel, sollicité par le président de la République, leur avait donné un avis relativement à la tenue des élections anticipées. Cet avis se trouve, jusqu’à la semaine dernière, caché au grand public. Cette démarche, qui consacre ce que le journal Walfadjri a appelé, dans son édition de ce samedi 21 septembre 2024, un «délit d’initié», manque de fair-play et dénote d’une absence de scrupule. Le camp politique au pouvoir a pris une bonne avance sur ses concurrents potentiels.

Le président Faye a imposé ainsi aux autres acteurs de confectionner des listes de candidatures dans un délai de dix jours ; alors que tout porte à croire que le parti Pastef au pouvoir avait déjà pris les devants pour faire en catimini ses investitures et préparer les dossiers administratifs de ses éventuels candidats. Un rush des candidats de l’opposition pour chercher des documents administratifs dans les services des greffes et de l’état-civil s’opère dans des conditions inadéquates. Les formations politiques de l’opposition étaient dans l’ignorance totale et ces délais étriqués ne leur laissent pas de temps pour discuter d’alliances électorales. Tout est donc organisé à la défaveur des acteurs de l’opposition ou à leur détriment. Il y a alors une rupture manifeste de l’égalité des candidats et cette situation devrait interpeller le juge électoral, le Conseil constitutionnel.

Plus grave, de nombreux responsables politiques de l’opposition font l’objet de harcèlements, d’ostracisme, d’actes d’intimidation et de menaces publiques, jusqu’à des convocations et des arrestations, dans le but évident de les empêcher de se consacrer à préparer leur participation au scrutin. De toute façon, cette démarche, on ne peut plus déloyale, a été annoncée et assumée publiquement par des responsables du pouvoir, Ousmane Sonko au premier chef. L’opposition, regroupée dans le cadre de l’Alliance pour la transparence des élections législatives (Atel), montée au plus pressé, va-t-elle céder à ces provocations pour se résoudre à refuser de participer au scrutin ? Ce serait une erreur fatale. Ousmane Sonko qui, de plus en plus, appréhende l’issue de ce scrutin, serait fort heureux de voir l’opposition boycotter ces élections législatives. Il n’aura aucun scrupule à les tenir, avec quelques faire-valoir, et remporter une confortable majorité qu’il aura de la peine à obtenir, en cas d’une participation effective de listes de l’opposition qui se seront assez mobilisées.

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L’impopularité du président Faye et de son Premier ministre est perceptible. Ils sont rattrapés par leur gestion difficile du pouvoir. L’incompétence du gouvernement et les déclarations polémiques et irresponsables installent un désamour assez prématuré, après seulement six mois de pouvoir du tandem Diomaye-Sonko. Des votes sanctions sont également redoutés dans le camp de Pastef, et la Coalition Diomaye Président a fini de voler en éclats. Le risque est réel pour leur régime d’essuyer une déconvenue électorale et qu’ils se retrouvent obligés de vivre une forme de «cohabitation avec l’opposition». La perspective les inquiète grandement et cela risque de constituer une pesante menace pour les élections législatives du 17 novembre 2024. Vont-ils se résoudre à annuler le scrutin pour s’épargner une défaite ? C’est un truisme que de dire que Ousmane Sonko en est bien capable. La porte sera alors grande ouverte au chaos.

La dictature arrive à grands pas

Il y a de bonnes raisons d’avoir peur pour l’avenir de ce pays, et pour son système démocratique. Ousmane Sonko est un autocrate dans l’âme et ne souffre de contradiction ou d’opposition. Au grand dam de la stabilité du pays, il a ainsi entraîné le président Bassirou Diomaye Faye dans une spirale de la violence politique, par la rhétorique et les actes de manipulation des institutions. Le souci de ménager le confort personnel de Ousmane Sonko, qui a refusé de satisfaire à l’exigence constitutionnelle de procéder à une Déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale, a provoqué un chamboulement institutionnel jamais connu. C’est ainsi que les querelles, qu’il a engagées inopportunément avec les députés de l’opposition, ont eu pour conséquences des représailles disloquant les institutions publiques.

Le Premier ministre a poussé le chef de l’Etat à fouler aux pieds sa dignité de président de la République. Bassirou Diomaye Faye a osé avouer, dans un message à la Nation du 12 septembre 2024, visiblement enregistré dans une situation de contrainte psychologique, avoir délibérément floué l’Assemblée nationale. Il a trompé la Représentation nationale en lui faisant croire que le Premier ministre fera sa Déclaration de politique générale le 13 septembre 2024. Puisqu’un crime n’est jamais parfait, Ousseynou Ly, le conseiller en communication du Président Faye, révélera que l’adresse à la Nation avait été enregistrée des jours auparavant. On s’en doutait déjà ! Mon Dieu, le chef de l’Etat a-t-il pris la mesure d’un tel acte pour son image et son honorabilité ? Véritablement, Ousmane Sonko a obtenu ce qu’il voulait, à savoir le scalp de l’Assemblée nationale, celui du Conseil économique, social et environnemental (Cese) et celui du Haut-conseil des collectivités territoriales (Hcct). Pour autant, qu’est-ce que cela a pu coûter à Bassirou Diomaye Faye et à la respectabilité de l’institution présidentielle ? Il faut le dire, l’acte qu’il a osé n’est point de l’audace ou de la ruse politique, c’est de la forfaiture, une désacralisation de la signature du président de la République.

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L’ultime foulée de la cavalcade a été donc cette dissolution dolosive de l’Assemblée nationale, dans un contexte crucial pour la mise en œuvre de diligences indispensables à la bonne marche de l’Etat. Le gouvernement n’en a cure de n’avoir pas corrigé le budget 2024 par une Loi de finances rectificative ou encore qu’il prenne avec légèreté le pari d’aller à l’année 2025 sans un budget de l’Etat, adopté dans les formes régulières. Les conséquences seront dramatiques pour les finances publiques et l’économie du pays. (Voir notre chronique du 9 septembre 2024). Il restera que le comble des catastrophes qui guettent le Sénégal sera que, si pour une raison ou pour une autre, les élections législatives n’arrivaient pas à se tenir à la date prévue, le Sénégal vivra alors sans une Assemblée nationale et sans aucune institution, autre que le gouvernement. Aucun contrôle de l’action gouvernementale ne sera assuré et dans ces conditions, le président de la République s’autorisera allègrement à prendre des actes réglementaires pour des questions relevant du domaine de la loi. Il l’a d’ailleurs commencé, depuis la dissolution de l’Assemblée nationale.

Il a fixé, par décret, les délais de dépôt des listes de candidatures, alors qu’une telle formalité relève du domaine législatif. Il a mis de côté le Code électoral. On dira que son prédécesseur Macky Sall s’était aventuré à vouloir fixer par décret des questions d’ordre législatif, mais le Conseil constitutionnel n’avait pas manqué de retoquer sa copie. Assurément, on a de bonnes raisons de croire que le président Faye, qui se ravale à un simple rôle d’homme lige du Premier ministre Sonko, ne se gênera pas pour «légiférer», restreindre par exemple les libertés publiques et prendre des «oukazes», au gré de l’humeur et des caprices de son Premier ministre. Peut-être même qu’il poussera le bouchon jusqu’à prendre un acte pour lui transférer les attributions présidentielles. Prenons garde, ce n’est pas une simple vue de l’esprit ! Désormais, aucune indécence n’est de trop au Sénégal. Voilà que des citoyens, en l’absence de poursuite pénale et de notification en bonne et due forme, se sont vu empêcher de voyager, d’aller et de venir, parce que le Premier ministre l’aura décidé ! On remarquera que même les procédures judiciaires contre d’autres citoyens sont annoncées en primeur par des responsables politiques de Pastef, sans aucun égard pour l’institution judiciaire et les règles et principes d’indépendance des magistrats ! Le pays vit déjà un profond recul démocratique, car jamais il n’est resté sans un Parlement, et les acteurs politiques ont toujours réussi à établir des consensus pour la sauvegarde des institutions et le processus démocratique. Diomaye et Sonko, à l’instar de tous les autocrates d’ailleurs, n’ont aucun respect pour leur opposition.







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