Gouverner, c’est tâcher d’être en toutes circonstances à la hauteur des responsabilités qui s’imposent à nous. C’est se méfier du reflet de sa propre image pour ne sacraliser que l’intérêt général et le culte de l’Etat. La menace, l’outrance et l’intimidation constituent non seulement une perte de temps dans une société ouverte comme le Sénégal, mais elles révèlent surtout une absence de tenue pour ceux-là que le destin a conduits aux responsabilités. Le miracle de notre démocratie, c’est qu’elle peut élever n’importe qui aux stations les plus élevées de l’Etat. C’est charmant, car ainsi s’exprime ce principe sacré de l’égalité devant les opportunités de la République. Mais ce charme, quand les incompétents, en plus d’être incapables, exercent le pouvoir, peut vite devenir une tache, voire une gangrène sur le corps d’un pays. La percée populiste constitue une tache hideuse sur un grand pays comme le nôtre.
Nous sommes en temps de campagne électorale en vue des Législatives anticipées du 17 novembre, les états-majors politiques rivalisent d’ardeur pour convaincre les citoyens. Les candidats investis des 41 listes en compétition sont invités à s’armer non pas de couteaux ou de machettes, mais de programmes et de propositions concrètes pour s’attirer les votes des électeurs. L’animation politique et les propos dits de campagne conduisent à certains excès pardonnables. Ce qui, en revanche, relève d’une pure mesquinerie, et donc est impardonnable, est l’acharnement à salir ses honorables concitoyens devant les foules. Surtout quand on n’a pas le millième de ces personnalités en termes d’éthique, de talent, de tenue, de parcours et de respectabilité. En plus de la lâcheté qui pousse un homme à formuler des propos graveleux vis-à-vis d’un officier militaire, donc astreint au devoir de réserve. Aucune personne sensée ne croira aux allusions répugnantes à l’encontre du Général Souleymane Kandé, car les citoyens, par leur sagacité et par habitude, ont certifié l’autre comme un diseur de contrevérités.
J’ai lu récemment une phrase de Kamala Harris, rappelant qu’elle venait en campagne avec une liste de choses à faire une fois élue, pendant que son adversaire populiste arrivait avec sa liste d’ennemis à abattre. Cette phrase m’a fait automatiquement penser au contexte sénégalais : aucune proposition sérieuse de la tête de liste de Pastef autre que les habituels excès dont nos oreilles sont rebattues. Sur les 41 têtes de liste, il s’agit du seul qui s’acharne à salir les gens, à s’inventer des ennemis et à sortir des énormités quotidiennes comme le compte bancaire à 1000 milliards. «Donnez-nous la majorité pour mettre des citoyens en prison.» «Donnez-nous la majorité pour qu’on aille récupérer les milliards pillés.» Ces gens dirigent le pays depuis sept mois et n’ont formulé aucune proposition sérieuse, ne faisant que persister dans les anathèmes, les vanités et la pollution sonore permanente. Ils agissent comme des enfants, mais s’amusent avec, non pas un ballon de baudruche, mais avec les instruments d’un Etat que des générations de Sénégalais ont bâti, des décennies durant. Pour illustrer mon propos ainsi que le personnage burlesque auquel nous avons à faire, je renvoie au délicieux texte du brillant Serigne Saliou Diagne intitulé «L’enfant gâté de la République et son univers dystopique», publié il y a un an dans ces colonnes.
Je ne développerai pas outre mesure sur la chose militaire, car il faut que nous, citoyens, soyons plus responsables que le Premier ministre. L’Armée doit être enlevée du débat politicien, il s’agit d’un pan essentiel de l’Etat et d’un symbole du prestige de l’Etat. Ce n’est guère un hasard si la tradition de la pratique parlementaire consiste à voter le budget des Armées sans débat. La responsabilité et la précaution obligent à rester muet sur les choses relevant de la Grande Muette. Pour rappel, le Président Sall a remercié dare-dare le directeur de l’Administration générale et de l’équipement de la présidence de la République quand ce dernier avait émis publiquement un curieux avis sur le devoir de réserve des soldats en matière politique. Un homme d’Etat était à l’époque chef de l’Etat et avait ainsi agi en responsabilité et conformément à l’exigence de rester fidèle à nos usages républicains.
Souleymane Kandé, en bon soldat, est réservé et discret. Avant de porter ses étoiles de Général acquises sur les théâtres d’opération, au milieu des coups de feu, il a risqué sa vie en Centrafrique, au Congo, en Côte d’Ivoire, comme il a risqué sa vie au nom de l’intégrité territoriale du Sénégal, à Bamoune-Bilass, à Boussoloum, à Badiong ou à Sikoune. Ce sont ses états de service qui ont fait sa notoriété. Les allusions nauséabondes de certaines personnes ne sont qu’une nouvelle médaille sur une poitrine déjà garnie de distinctions. Souleymane Kandé est un officier digne, un homme d’honneur, un patriote et un républicain. Ceux qui s’en prennent au Général Kandé, avec la lâcheté qui les caractérise et le dégoût qu’ils inspirent, ne renvoient aux Sénégalais que l’expression de leur propre vulgarité. Mais le penseur chrétien Georges Bernanos avait averti : «Les ratés ne vous rateront pas.»