Le Mali traverse l’une des pires crises de son histoire contemporaine. Face à l’effondrement progressif de l’État et à l’avancée des groupes jihadistes, il devient impératif de construire une réponse nationale inclusive, appuyée par la CEDEAO et la communauté internationale, pour sauver la stabilité du pays et de toute la sous-région.
Le Mali traverse aujourd’hui l’une des pires crises de son histoire contemporaine. L’État s’effrite, les jihadistes gagnent du terrain, les populations s’épuisent et l’économie s’asphyxie. Le pays, coupé en deux, est désormais menacé d’un effondrement total si rien n’est fait pour restaurer la cohésion politique et la sécurité.
Dans ce contexte d’urgence absolue, la formation d’un gouvernement d’union nationale n’est plus une option politique : c’est une nécessité vitale.
Sur le plan sécuritaire, les groupes armés contrôlent des pans entiers du territoire. Les blocus imposés sur les routes d’approvisionnement paralysent Bamako, provoquant pénuries de carburant, flambée des prix et fermeture d’écoles.
Les ambassades, conscientes du danger croissant, appellent désormais leurs ressortissants à quitter le Mali. Cet exode diplomatique illustre l’ampleur de la perte de contrôle du territoire et la dégradation accélérée de la situation sécuritaire.
Sur le plan économique, tout est presque à l’arrêt : transports paralysés, commerces fermés, chantiers interrompus, production minière et agricole au ralenti. Les ménages peinent à se nourrir, et les recettes publiques s’effondrent.
Les sanctions passées et la rupture avec la CEDEAO ont isolé le Mali de ses partenaires naturels, coupant l’accès au marché régional et aux mécanismes de solidarité financière. Sur le plan diplomatique enfin, le pays s’est retranché dans un isolement dangereux, aggravé par les tensions avec plusieurs voisins, dont l’Algérie.
Aucun gouvernement, fut-il militaire ou civil, ne peut affronter seul un tel cumul de crises. Un gouvernement d’union nationale permettrait de rassembler les énergies du pays autour d’un même objectif : sauver la nation avant qu’elle ne s’effondre. Une telle équipe de large ouverture devrait inclure toutes les forces politiques, militaires et sociales prêtes à défendre l’unité et la stabilité du Mali. Sa mission serait double : stabiliser le pays à court terme, puis préparer le retour à un ordre constitutionnel crédible et durable.
Concrètement, ce gouvernement devrait, dans les six premiers mois, adopter un plan d’urgence pour rouvrir les corridors d’approvisionnement, garantir la sécurité de Bamako et des grandes villes, remettre en service les écoles et hôpitaux, relancer les activités économiques essentielles et lancer une concertation nationale pour tracer la feuille de route de la transition.
À moyen terme, il lui reviendrait d’organiser, avec l’appui technique de la CEDEAO et de l’Union africaine, un processus électoral transparent et inclusif, garantissant le retour à une gouvernance démocratique légitime.
La CEDEAO ne doit plus se contenter d’observer. Elle doit voler au secours du Mali, non pour sauver un régime, mais pour empêcher la chute d’un État dont l’effondrement serait catastrophique pour toute la sous-région. Elle doit aussi favoriser la reconnexion du Mali avec la communauté internationale, condition indispensable pour mobiliser les ressources, restaurer la confiance et réintégrer le pays dans les mécanismes régionaux de solidarité.
Dans cette urgence, un appui logistique ou militaire de la communauté internationale — sous mandat africain ou onusien — doit être envisagé pour stopper, puis faire reculer les jihadistes, en coordination étroite avec la CEDEAO et les forces maliennes. Un soutien sécuritaire rapide combiné à une aide économique et humanitaire d’urgence est indispensable pour rétablir les services essentiels et redonner espoir aux populations.
Le Mali ne retrouvera pas la paix dans la solitude. Comme l’a montré l’histoire, les guerres se gagnent par la raison, la concertation et les alliances, jamais dans le repli ou la fierté blessée.
Il ne s’agit pas ici d’un soutien aveugle à la junte, mais d’un appel au réalisme politique. La priorité n’est pas de changer immédiatement de régime, mais de sauver ce qui reste de l’État malien, avant que le djihadisme ne s’en empare. Un gouvernement d’union nationale, adossé à l’appui coordonné de la CEDEAO et de la communauté internationale, constitue la seule voie réaliste pour éviter le chaos.
Aider le Mali aujourd’hui, c’est protéger toute l’Afrique de l’Ouest demain. Le temps n’est plus à l’attente ni aux postures. Il est à l’action concertée, à la lucidité et à la solidarité.
* Pr Amath Ndiaye
Économiste, FASEG-UCAD
Sénégal
Source : Ma Revue de Presse