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Produire Plus, Gaspiller Moins !

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Le président de la République a présidé, le 16 décembre 2013, un Conseil présidentiel sur « la 4ème revue trimestrielle de suivi des politiques économiques et sociales ». Dans ce cadre, il a annoncé plusieurs mesures, notamment la suppression de quatre agences, pour les regrouper en une seule, qui prendrait en charge la lancinante question de l’emploi des jeunes. Il s’agit de l’Agence nationale pour l’Emploi des Jeunes (Anej), de l’Agence pour l’Emploi des Jeunes de la Banlieue (Ajeb), du Fonds national pour la Promotion de la Jeunesse (Fnpj) et de l’Agence nationale des Marchands ambulants (Anama). Cette mesure de rationalisation des dépenses de l’Etat est à saluer, même si elle a été prise avec vingt mois de retard. Pour ce qui me concerne en tout cas, je l’encourage puisqu’elle va dans le bon sens, celui que j’ai vivement souhaité dans nombre de mes contributions, notamment dans celle parue au journal « Sud quotidien » du 12 novembre 2013.

J’appuie donc cette décision du président de la République. D’ailleurs, il n’entendrait pas s’arrêter en si bon chemin, puisqu’il a annoncé la suppression de nombreuses autres agences, qui seront regroupées « pour la mise en cohérence des politiques de rationalisation des structures et la réduction du train de vie de l’Etat ». Dans cette perspective, trois structures devraient connaître le même sort. Il s’agit de l’Agence nationale de la Petite Enfance et de la Case des Tout Petits, de la Direction de l’Enfance au Ministère de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, ainsi que de la Direction de l’Education préscolaire du Ministère de l’Education nationale (MEN). Toutes ces trois structures prennent en charge la même question : la Petite Enfance. C’est un réel gâchis que de les maintenir comme telles ! Cette question importante pourrait, devrait être prise en charge par une seule et même agence ou direction avec, à la tête, un directeur ou une directrice qui ait vraiment le profil de l’emploi. D’ailleurs, la Direction de l’Education préscolaire du MEN notablement renforcée en moyens (matériels, humains, financiers, etc) y suffirait largement.

D’autres mesures, elles aussi encourageantes et à appuyer, ont été annoncées au cours du Conseil présidentiel du 16 décembre 2013. Ce sont, notamment, la suspension des salaires des 11629 agents de l’Etat qui n’ont pas été identifiés lors du dernier audit de la Fonction publique, le plafonnement de la facture téléphonique à 11 milliards qui « permettra d’économiser le même montant », la suppression, à partir de juin 2014, de toute convention de bâtiments pour loger des agents de l’Etat. Je ne m’appesantirai pas sur les deux dernières mesures, sinon peut-être pour continuer de m’interroger sur les raisons objectives qui fondent la gratuité totale de l’eau, de l’électricité et du téléphone accordée aux autorités administratives (sous-préfets, préfets, gouverneurs et leurs adjoints). Ce privilège exorbitant entraîne ça et là de graves dérives qui grèvent dangereusement le budget national.

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Je m’arrêterai un peu, par contre, sur les mesures prises à l’encontre des 11629 agents de l’Etat non encore identifiés. J’apprécie la fermeté – en tout cas celle affichée jusqu’ici – du gouvernement et, en particulier, du Ministre de la Fonction publique, de l’Emploi et des Organisations professionnelles. L’audit de la Fonction publique a été une excellente initiative du Gouvernement. Les résultats auxquels il a abouti sont substantiels même si, probablement, des agents, bénéficiant de complicité, ont pu passer par les mailles des filets de l’audit. Probablement, des agents qui ont déserté leurs lieux de travail pendant de longs mois ont été avertis au dernier moment, au moment opportun, par des collègues ou des chefs véreux. C’est un secret de polichinelle : des agents qui servent en grand surnombre dans certains établissements scolaires par exemple, vaquent tranquillement à d’autres occupations, avec la complicité active et coupable du chef. Les uns s’adonnent au xar matt (donnent des cours dans les établissements privés), d’autres vont au Maroc, à Dubaï, en Turquie, en Chine, pour faire tranquillement leur commerce. Souvent, à leur retour, ils font des dons à leurs protecteurs (chemises, cravates, chaussures, etc). Je sais, de nombreux enseignants avec moi, que des collègues n’ont jamais tenu la craie ou l’ont tenue très rarement durant toute leur carrière. En d’autres termes, ils (instituteurs adjoints, instituteurs, inspecteurs) ont été régulièrement payés pendant toute leur carrière sans avoir jamais enseigné, en tout cas pas dans les écoles publiques.

Je n’invente rien pour salir des collègues. Je connais le sort qui est réservé aux musulmans qui dénigrent leurs coreligionnaires. J’ai servi quand même, en ma qualité d’inspecteur de l’Enseignement élémentaire, dans de nombreuses structures. J’ai lutté, du mieux que j’ai pu, contre les maux que je dénonce ici. J’ai fait prévaloir mes droits à une pension de retraite depuis plusieurs années. Mais je garde toujours un œil sur l’enseignement, sur la Fonction publique en général. Je ne crois pas qu’ils soient totalement guéris de ces maux qui les ont toujours gangrenés.

La question des 12629 agents en divagation – pour paraphraser un vieux collègue qui n’est plus de ce monde –, doit être traitée avec le maximum de célérité et de fermeté. Dans cette affaire, il y a de beaucoup de complicités, beaucoup de zones d’ombre qu’il faut élucider. Des mesures draconiennes seront sûrement nécessaires. Elles devront être prises en toute objectivité. Un tricheur est un tricheur, un fraudeur un fraudeur. Il convient de les traiter comme tels, sans tenir compte d’aucune considération subjective. Ni le Saint Coran, ni les Hadith du Prophète Mouhammad (PSL) ne justifient nulle part un salaire perçu sans contrepartie, sans travail. Le président de la République aurait lancé l’Inspection générale d’Etat aux trousses des agents fictifs. Ceux d’entre eux dont la culpabilité sera établie devront être sévèrement sanctionnés, pour l’exemple.

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Pour revenir aux mesures annoncées ou prises par le président de la République, elles vont certainement dans le bon sens, il convient de le répéter. Mais, elles ne suffisent pas encore, loin s’en faut. Les efforts de restructuration de certains services de l’administration et de réduction du train de vie de l’Etat doivent être poursuivis. Trop d’agences sans consistance, trop de directions éclatées sont encore artificiellement maintenues. Je ne reviendrai pas sur la nomination abusive de secrétaires généraux, même au niveau de ministères squelettiques et à durée de vie très limitée. Il convient, je crois, de redéfinir leurs missions comme celles des directeurs et conseillers techniques de cabinet, sans oublier de prêter une attention plus soutenue à leurs profils. De même, pour une meilleure lisibilité dans les services, il faudrait les doter d’organigrammes affichés aux bons endroits. Dès qu’on entre ainsi dans un service, on devrait savoir, en y jetant un coup d’œil, qui est qui et qui fait quoi. Nombre d’agents, venus de nulle part, tournent les pouces dans les différents services de l’Etat. Payer des gens à ne rien faire, est un luxe que nous ne devrions plus nous payer.

Nous avons mis 53 ans à gaspiller nos maigres ressources nationales. Il est temps d’arrêter et de les consacrer exclusivement au développement de notre pays. Lors du Conseil présidentiel du 16 décembre 2013, le président de la République a exprimé sa volonté d’arracher de notre pays les racines de la pauvreté en accélérant la croissance. D’ores et déjà, il a identifié, dans le Programme triennal d’investissements prioritaires (2014-2016), 236 projets dont le financement est estimé à 3467 milliards de francs Cfa. Il en faudrait d’ailleurs bien plus, pour « arracher les racines de la pauvreté de notre pays ».

L’atteinte de cet objectif suppose en tout cas que nous nous mettions tous au travail avec, aux postes stratégiques, les plus compétents et les plus vertueux d’entre nous. Elle nous condamne à mobiliser beaucoup d’argent, de l’intérieur prioritairement puis de l’extérieur. La mobilisation de ces fonds importants exige la participation de tous à l’effort national, de quelque façon que ce soit. L’heure est à la production de richesses et à l’épargne nationale, plutôt qu’au gaspillage qui doit être banni de nos mentalités où il est encore fortement enraciné. C’est en investissant massivement et qualitativement dans les secteurs les plus porteurs de croissance que nous arriverons à faire émerger enfin notre économie. Nous avons été comptés pendant trop longtemps, parmi les pays pauvres et très endettés. Ce qui ne nous grandit point.

Un sursaut est donc nécessaire, aussi bien de la part des gouvernants que des gouvernés. Il appartient surtout aux premiers de tenir bon devant certaines circonstances et de ne pas reculer à la moindre incartade. En particulier, ils gagneraient à faire montre de courage et de fermeté face à certaines surenchères des organisations syndicales et d’étudiants, qui demandent toujours plus. La masse salariale augmente à un rythme inquiétant. De 173 milliards en 2000, elle atteint 491 milliards en 2014, compte non tenu des 100 milliards « camouflés dans le budget matériel », et destinés à payer les contractuels et les volontaires de l’éducation. Nous dépasserions ainsi les 35 % des recettes fiscales, imposés par les critères de convergence de l’Uemoa.

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Les fonctionnaires et autres agents de l’Etat seraient entre 120 à 130000, sur une population de 12 à 13 millions, qui manquent presque de tout. Dans ces conditions, peut-on raisonnablement continuer, sous le diktat des organisations syndicales, d’augmenter sans discernement des salaires, des indemnités et autres primes dites de motivation ? A la limite, il conviendrait de revenir aux fondamentaux de la Fonction publique qui servaient de base au calcul et à l’attribution de salaires et d’indemnités diverses. Pendant douze ans, l’ancien président de la République a augmenté salaires et indemnités plus que de raison, souvent au détour d’une simple audience, créant ainsi des injustices et des frustrations flagrantes. Celles-ci ont donné lieu à des grèves cycliques, qui ont régulièrement surchauffé le front social, tout au long de sa longue présidence.

Les gouvernants issus du 25 mars 2012 traînent lourdement cet héritage, dont ils devraient avoir le courage de remettre en question les nombreuses incohérences. Il est surtout souhaitable et parfaitement possible qu’ils reviennent sur des avantages dits acquis, qui ne reposent en réalité sur aucune base légale. A condition, bien sûr, qu’ils donnent eux-mêmes l’exemple, en revoyant notablement à la baisse, certains avantages parfois exorbitants qui leur sont facilement accordés. Cette baisse devrait toucher prioritairement les fonds spéciaux du président de la République, les salaires, indemnités et autres facilités accordés aux membres du gouvernement et de l’Assemblée nationale, aux directeurs d’agences, aux présidents de conseils de surveillance et d’administration, etc. Une masse importante d’argent pourrait ainsi être économisée et investie dans des secteurs (stratégiques) porteurs de croissance et, partant, créateurs d’emplois.

Dakar, le 25 décembre 2013

 

Mody Niang, e-mail : modyniang@arc.sn

Mody NIANG

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