« Pour un protocole national de patriotisme et de citoyenneté : une nouvelle raison de vivre en commun ! »
Les moments de convulsions sociopolitiques alternés aux périodes de stagnation et d’impasse que vit notre jeune nation, assombrissent l’horizon à tel enseigne qu’un point de ralliement des citoyens et patriotes sénégalais est plus que jamais urgent et nécessaire. Le « construire collectif » et le « désir d’avenir commun » nous l’imposent impérativement !
Les raisons de cet appel aux citoyens et patriotes découlent de mes analyses et appréhensions sur les cinquante ans de gestion de notre pays anciennement colonisé, des expériences vécues, des perceptions accumulées, des études effectuées mais aussi et surtout les fruits d’une interaction politique intense dans le cadre de différentes organisations sociales et politiques.
Dans le sillage de nos engagements sur le champ social et politique nous avons constaté avec regret la mort progressive de l’esprit militant, une perte insidieuse du « sens » politique pour ne pas dire du « sens » de la vie en général, la détérioration du tissu fondateur de la nation, la perte de toute forme de vertu indispensable au travail politique, la malformation congénitale du système de politique économique entretenu par notre Etat, la crise de l’éducation nationale qui découle en partie de la faiblesse du capital national. Mais aussi, et surtout le constat objectif et indiscutable d’un Etat néo-patrimonial et des forces d’accaparement et de prédation de la richesse nationale dans la société, a été fait ! C’est ainsi qu’a surgit ce désir de réinventer et même de refonder les termes de notre vivre-ensemble. Hélas ! La pratique politique était naguère une œuvre de grande noblesse. Aussi, est-il grand temps de lancer un appel vivant aux citoyens et patriotes autour d’un protocole national de patriotisme et de citoyenneté qui symbolise et cristallise une nouvelle raison de vivre en commun. Il s’agira non pas seulement de redéfinir littéralement un nouveau contrat social fondé sur une justice distributive où les avantages des uns profiteront aux autres, selon des mécanismes pré-établis et discutés, mais aussi et surtout de mener des actions qui, quelles que soient leur multiplicité et leur rudesse, ont pour seule leitmotiv « la nouvelle raison de vivre en commun » qui est en vérité une renaissance culturelle.
Le génie créateur des inventeurs des politiques de développement semble s’essouffler et se heurter à une réalité plus vivace et plus vorace qui les emplit et les dépasse. Face à ce fléau, un diagnostic rigoureux met à nu la prépondérance des quatre problématiques suivantes : la mobilisation autour d’une grande bataille culturelle, une réinvention urgente de notre éducation nationale, la création d’une économie plus politique et nationale et enfin une pratique politique tournée vers la réalisation de la vertu.
Pour une grande bataille culturelle
« La culture, c’est ce qui nous reste quand on a tout oublié » disait l’autre dans sa célèbre formule. Laquelle formule a le mérite de la consacrer comme une pratique et non comme une déclaration d’intention. Le premier point de ralliement des forces citoyennes et des patriotes devrait être la grande mobilisation sociétale pour livrer une grande bataille qui implique « une grande querelle » de sens autour de la culture dominante. Charles Pasqua disait de cette culture qu’elle est le « premier point de défense de la nation ». Ailleurs nous avons vu des ministres passer de la culture à la défense. Sans illusion aucune, la culture se lit dans le « disque des valeurs et attitudes » qui installe dans toutes les sphères de la vie, les bonnes attitudes, les comportements acceptés, les processus idoines et les procédures vertueuses et efficaces. Il tombe sous le sens que nous avons perdu depuis belle lurette cette bataille culturelle. Son expression est d’autant plus forte que l’observation nous fait dire que notre pays et partant nos perceptions sont pris en otages par une minorité qui a fini d’imposer sa logique, sa façon de penser, d’agir, de concevoir les comportements, les attitudes et les paroles pour qualifier notre état et nos conditions de vie. La culture dominante a fini par s’ériger en paradigme, mais un paradigme factice qui n’est pas irréversible. La culture de l’accaparement est coulée dans la norme et les pratiques de l’élite sénégalaise. Un projet politique qui n’est pas bâtit sur un projet culturel est voué à l’échec puisqu’il escamote les manières d’être et de voir. Nous pouvons même affirmer qu’un projet politique est culturel ou ne l’est pas.
Le premier moment de cet appel vise à restaurer la primauté d’une culture nationale fondée sur notre propre substrat, une culture « positive » au service de l’homme, liée à la vertu et aux valeurs de notre société en mouvement. L’Esprit doit rester maître et doit gouverner le monde et partant notre projet de société. Il est clair que cet aspect est intimement lié à toute idée de réforme et les réformateurs doivent se le tenir pour dit !
Les « résistances » à toutes réformes sociétales trouvent leur fondement dans l’hégémonie d’une culture dominante qu’elles soient endogènes ou exogènes, réactionnaires et souvent minoritaires qui empêchent le mouvement « positif », les grandes œuvres pour faire vociférer l’orgueil des preux chevaliers de cette nouvelle raison de vivre. Ces forces sont minoritaires mais elles sont diffusent. Elles bouchent l’horizon du futur et se sont sanctuarisées dans l’Etat et la société. Elles diffusent insidieusement la culture du monopole et inocule à dose « homéopathique » le virus de l’insouciance. Notre classe politique n’a aucune conscience de classe !
Cette « nouvelle » culture fondée sur les cendres de la réaction aura comme principale mission de diffuser mondialement nos symboles et valeurs à travers les instruments culturels bien connus comme une puissante littérature nationale, des maisons d’édition qui seront des centres de diffusion de la pensée africaine, un cinéma inventif et africain, une musique qui porte la voix nationale etc.
Réinventer l’éducation nationale, une urgence
La centralité de l’éducation nationale tient au fait qu’elle détermine la trajectoire choisie par la nation en ce qu’elle indique du même coup le modèle de citoyen à qui elle aimerait confier son avenir, cette nouvelle raison de vivre en commun. Dans son œuvre monumentale le capitalisme au 21ème siècle, Thomas Piketty soutient que : « le processus de diffusion des connaissances est le mécanisme central qui permet à la fois la croissance générale de la productivité et la réduction des inégalités ». En effet, l’éducation déteint sur le processus qui extirpe toute animalité et brutalité dans le mécanisme de marché. En cela, elle prodigue des connaissances et du savoir tout en les érigeant au rang de « bien public par excellence ». En analysant la structure de notre société, on se rend compte que les inégalités découlent généralement et le plus souvent de notre manque d’accès au savoir, à la connaissance, aux compétences bref des manquements de notre système éducatif.
L’éducation nationale est en crise car n’ayant pas de repères pertinents et cohérents dans la construction nationale. Il faut le relever et s’en convaincre, l’école enseigne des fausses connaissances. Les oublis et déformations historiques sont également érigés au rang de « fausses idées ». Ces « contre-vérités » ont fini de pervertir le modèle qui devenant désarticulé, marchant au pas et à la cadence des réformes incomplètes et dispersées n’arrivent plus à garder le cap pour assurer notre développement. L’école est un puissant diffuseur culturel. Elle ne doit pas diffuser n’importe quoi : des idées mortes ou mortelles, des connaissances vagues, incomplètes, obsolètes ou périmées. Il nous faut une école qui enseigne des connaissances vivantes.
L’appel est strident et sans équivoque pour réinventer l’éducation et partant le modèle de soutien de notre politique de développement. En réalité, les ressources humaines sont un des piliers essentiels de toute croissance et en cela le génie politique devrait conduire, au travers d’une action concertée, à la réforme en profondeur de notre système éducatif. Notre éducation nationale pour être libre devrait être entièrement financé par le Capital National qu’il soit privé ou étatique.
Dans cette acception, nous devons comprendre que l’instruction et l’éducation posent fondamentalement la question de la justice sociale. A ce propos, l’ascenseur social pour cet avenir commun devra fonctionner à travers le système éducatif. Ainsi, la perspective d’érection d’un système éducatif performant devra conduire à procéder régulièrement à des exercices de maintenance et d’entretien de tout le corps éducatif.
Un appel pour une économie politique nationale
L’économie et ses perspectives ne sauraient ne pas être au service de l’homme. Ce qui nous amène aujourd’hui à dire que la croissance n’est pas une fin en soi. Une croissance gagne toujours en légitimité si elle se fige dans les vertus de la « justice distributive ». L’exigence de cette dernière nous plonge dans la réflexion profonde de la restructuration de notre économie. Et dans ce sens nous sommes devant deux exigences fondamentales :
d’une part devant l’élan porteur, mais avec ses risques, de la mondialisation qui promeut les modèles partenariales sur les questions de développement notre pays, au risque d’un « extrémisme d’ouverture » ou d’un « nationalisme hermétique » devra avoir une attitude centriste qui lui permettra d’en tirer le meilleur pari tout en restant proactif d’un point de vue des opportunités que le secteur privé pourra en tirer.
d’autre part, il est urgent de revoir la structuration de notre économie nationale, qui reste extraverti même sur des secteurs de souveraineté tels que la monnaie, l’eau, le téléphone et autres.
L’appel veillera à ce que la souveraineté de la politique économique du pays, au vrai sens du terme, soit réaffirmée. Les dynamiques de notre économie locale devront être le pilier des fondements de politique économique. Une option inclusive et endogène devrait être prise. Cela ne signifie nullement un manque d’ouverture au jeu de la mondialisation ou de la globalisation. C’est la seule voie de valorisation de nos ressources minières, forestières, humaines, etc. Nous devons militer pour l’érection d’un modèle de développement endogène sans pour autant nier toutes les théories et options économiques qui ont fait leurs preuves ailleurs. La faillite des systèmes politiques dans nos pays est due en grande partie au caractère importé de l’Etat en Afrique postcoloniale. Pour limiter les dégâts de la «greffe» avec ses rejets, nous devons impérativement considérer que la voie à suivre est celle de la construction de la NATION qui est en cours pour l’émergence d’un ETAT enraciné en termes de politiques économiques.
Pour une pratique politique tournée vers la vertu
Le mal de la politique au rabais est principalement l’absence d’esprit. Beaucoup d’organisations politiques sont dépouillées d’une âme vivante gouvernant convenablement leur action suivant le référentiel de la vertu.
Nous avons une conception déontologique de la politique. Cela nous fait voir que cette dernière perd cette quête de sens propre à toutes les grandes activités de l’Homme et devient une affaire horriblement vulgaire et utilitariste. Mais ne soyons pas naïfs, la politique demeurera la science du réel. Mais ce pragmatisme et cette souplesse conjoncturelle traduite improprement par la notion de « REALPOLITIK » devrait s’équilibrer par la volonté et la posture propres aux grands hommes « travaillés » par l’obsession du résultat mais en ayant les yeux rivés et presque figés sur le BIEN. Nous inscrivons cette lutte de haute facture dans notre approche pour que le stock de frustration populaire ambiant puisse diminuer progressivement. Ainsi les citoyens et patriotes se sentiront encore fiers d’appartenir à cette grande nation ».
Il est enfin temps d’observer que le Sénégal est à la croisée des chemins et la deuxième alternance n’a pas fini de brouiller les pistes du nouvel « espoir » au lendemain du 26 mars 2012. Après trois ans de pouvoir, l’horizon s’assombrit et les options sont brouillées par des actes qui rappellent d’autres époques. L’âpreté des batailles électorales, la persistance du combat pour le développement nous indiquent plus de responsabilité dans les véritables choix de l’avenir pour dépouiller toute absurdité à la vie politique nationale, économique, culturelle et sociale. Ceci est un vif appel au combat pour une grande renaissance politique et sociale.
Ce combat sera forcément porté par les forces sociales favorables au changement culturel.
Mansour Ndiaye
Expert international en Microfinance,
Président UDR/Dooley Yaakaar
mansourndiaye2012@gmail.com