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Des Menaces Illégitimes Sur Les Enseignants à L’heure Du Dialogue National

Des Menaces Illégitimes Sur Les Enseignants à L’heure Du Dialogue National

Une menace de licenciement, c’est la dernière trouvaille du gouvernement du Sénégal pour dompter les grévistes du secteur de l’éducation. On peut, bien sûr, s’interroger sur la légalité de la position des enseignants grévistes. A-t-on le droit de refuser une réquisition ? Mais si on analyse la trajectoire de ce mouvement d’humeur et le traitement que lui réserve l’Etat depuis des années, on peut également se demander si légitimement le gouvernement actuel est fondé à prendre une mesure aussi radicale.

Depuis des années, le gouvernement du Sénégal bloque l’avancement de ses agents. Certains enseignants restent des contractuels pendant dix ans. Quand l’autorité compétente délivre enfin un acte qui intègre un enseignant à la Fonction publique, avec des années de retard, ce même enseignant reste parfois un an avant de voir la mise en application de cette décision administrative. Au moment où nous écrivons ces lignes, des enseignants recrutés en 2007 comme vacataires ou volontaires attendent toujours d’être titularisés. D’autres, titularisés officiellement depuis dix mois, attendent la «mise en solde» c’est-à-dire la prise en charge de cette décision par le ministère des Finances avec un salaire correspondant à leur nouveau grade. Un troisième groupe intégré depuis plus de trois ans attend encore le paiement des rappels que l’Etat lui doit. Je ne parlerai pas de milliers d’autres qui restent sans avancement depuis des années.

Deux raisons sont souvent évoquées par le gouvernement pour justifier cet état de fait : les lenteurs administratives et la soutenabilité de telles dépenses par le budget national.

En réalité, la première excuse n’est qu’un prétexte pour ca­mou­fler la seconde. Nous sommes conscients que le budget national ne peut pas supporter d’un seul coup l’intégration massive des enseignants contractuels. C’est parce que les enseignants en sont conscients que certains d’entre eux restent dix ans dans l’attente de leur intégration.

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Mais que constate-t-on au même moment ? Les mêmes gouvernants qui nous disent qu’il n’y pas suffisamment d’argent pour gérer les problèmes du secteur de l’éducation créent des dépenses inutiles ou non prioritaires :

  •  Combien nous coûte le Conseil économique, social et environnemental ?
  •  Combien nous coûtent nos députés ?
  •  Combien nous coûtera le Haut conseil des collectivités locales ?
  •  Combien nous coûtent les Conseils départementaux et la prise en charge de leurs élus ?
  •  Combien nous coûte l’entretien des Agences dont la plupart ne sont que des doublures des Directions nationales ?
  • Comment est-on passé de la promesse d’un gouvernement de 25 membres à la formation d’un gouvernement de 39 membres ? Combien de ministres conseil­lers y-a-t-il au Sénégal. Combien nous coûte cette pléthore de ministres ?

La frustration et l’intransigeance des enseignants trouvent leur explication dans le comportement des hommes politiques, qui proclament que l’école est une priorité mais gère la carrière de ce corps avec parcimonie, au moment où ils mettent en place des institutions budgétivores.

Voici les contradictions auxquelles nous faisons face :

  • 1- Un gouvernement qui ne parvient pas à respecter les engagements vis-à-vis des enseignants crée au même moment des dépenses inutiles dont le but principal est de caser une clientèle politique.
  • 2- Un gouvernement, qui n’a jamais respecté ses engagements vis-à-vis des enseignants violant au passage les actes administratifs qu’il prend, veut licencier des agents qui exercent leur droit de grève.
  • 3- Au même moment nos dirigeants discutent de l’éventualité de libérer un de leurs amis qui a été déclaré «atteint et convaincu du délit d’enrichissement illicite» puis condamné «à une peine d’emprisonnement de 6 ans ferme et à une amende de cent trente-huit milliards, deux cent trente-neuf millions, quatre-vingt-six mille, trois cent quatre-vingt-seize francs (138.239.­086.396) FCfa». Monsieur Karim Meïssa Wade doit à l’Etat du Sénégal cinq fois plus que ce que réclament les enseignants. Avant de provoquer un dialogue national autour de sa libération, on devait d’abord nous dire où est passé l’argent qu’il a remboursé.
  • 4- Nous sommes dans un pays où des gens, parce qu’ils occupent des postes politiques peuvent amasser indûment des milliards. Au même moment, ces mêmes gens ou leurs congénères sortent des communiqués pour donner des leçons de patriotisme ou menacer de pauvres enseignants dont la plupart ont du mal à survivre de leur maigre salaire.

La question n’est plus de savoir si le gouvernement a le droit ou le «courage» de licencier les enseignants grévistes.

La question est de savoir si les enseignants qui sont exclus du dialogue national sont également exclus des priorités nationales.

La question est de savoir si l’argent de ce pays doit servir continuellement à enrichir les hommes politiques au moment où on demande au reste du peuple de serrer la ceinture.

Hier, au nom de la gouvernance sobre et vertueuse, on faisait de la traque des biens mal acquis une «demande sociale», avant de rétropédaler. Aujourd’hui on veut faire du licenciement des enseignants une «demande sociale».

La gouvernance sobre consiste-t-elle à gaspiller des milliards pour entretenir une clientèle politique au moment où le peuple tire le diable par la queue ?

La gouvernance vertueuse se résume-t-elle à prendre des engagements sans les respecter, à élargir des coupables d’enrichissement illicite et à écraser ceux qui seraient tentés d’opposer une résistance à l’injustice ?

Chers politiciens professionnels, si vous espérez nous conduire vers l’émergence, re­non­cez à vos privilèges exorbitants qui grèvent nos finances publiques puis revenez demander aux patriotes de ce pays de suivre votre exemple. Vous n’aurez plus besoin de menaces ou de sanctions pour faire respecter des décisions administratives.

En attendant, vous avez le choix entre faire profil bas ou imposer votre dictature aux récalcitrants jusqu’au prochain «23 juin» qui posera le vrai débat, celui de la justice sociale.

 

Dr Cheikh KALING – Enseignant à la Fastef

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