» Rien en ce monde n’a de valeur s’il arrive sans effort, et l’âme n’éprouve pas le besoin de le conserver. » Imam Mâlik
Nombreux sont ces pères de famille hantés par les lendemains pénibles de Tabaski. Ce qui devait être une fête joyeuse se transforme alors en cauchemar. Un homme qui se bat au quotidien avec la dépense quotidienne, les factures, la scolarisation des enfants…se trouve face à un dilemme et pas des moindres, le mouton de Tabaski. Cet animal peut plomber tout ce qui a été réalisé jusqu’à ce jour. Non ce n’est plus un simple sacrifice religieux, mais une question de fierté, voire même d’orgueil. La société en a décidé ainsi, quitte à s’endetter il faut se coltiner ce beau mouton qui doit nous faire traverser le pont « siraat « .
Que le prophète psl eut déjà fait un sacrifice au nom des membres de sa communauté qui n’en auront pas n’y changera rien, comme l’idée que dans le courant d’une vie il est quand même possible d’avoir au moins une brebis qui fera l’affaire. Le face à face avec ce vendeur qui veut saisir l’opportunité de réaliser un gros coup sera redoutable. Il nous parlera de ses énormes sacrifices pour élever son bétail, des conditions de transport, de la pluie, de la végétation…Tous les versets et hadiths qui parlent de soutenir son prochain dans les moments difficiles ou ce qui s’en approche sont rangés dans les tiroirs, c’est au jour J qu’on les ressortira. Ce jour où le Seckène et le Diawène dégoûtés, iront à la prière la tête bien lourde, les yeux rougis, la mine patibulaire.
Tellement ils se seront surpassés pour faire honneur à madame et aux enfants que l’épée au-dessus de leur tête semble s’amuser à les piquer de temps en temps, pour leur rappeler la dure réalité. Demain sera un autre jour et il faudra payer cette viande succulente en train de rôtir sur le feu. Ils se mordront plusieurs fois la langue accidentellement, noyés dans des pensées sombres. Dégoûtés, ils trouveront même que « nokoss bi safoul, yap bi nioroul… », mais malheureusement pour eux c’est le prix à payer car bess bi dou bessou xarane « , à chacun son mouton.
Prends garde à ce que ceux-là ne te leurrent avec leurs éloges, car celui qui te flatte sans raison, est bien aussi prêt à te calomnier sans raison. Crains donc Dieu et ne te satisfait pas d’un éloge fait en ta présence, car tu te connais mieux que quiconque. Imam Mâlik
Il serait très difficile de se passer du mouton de Tabaski, parce qu’on aurait pas les moyens de se le procurer. Ce serait un aveu d’échec et le vendeur le sait, ce veinard fera exploser la tirelire. C’est sa période et il en abusera au-delà des litanies du genre << aidez-vous les uns les autres, soutenez-vous, aimez-vous, ne frappez pas un homme à terre aidez-le à se relever..
Nous ne vivons plus pour nous-mêmes mais pour les autres. Ainsi nous sommes prêts à nous enfoncer pour une illusion de respect, de considération éphémère. Nous hypothéquons jusqu’à l’avenir de nos enfants pour des choses dont ont pourrait se passer. Et il revient aux hommes de sciences de guider leur peuple, leurs disciples. Ces prêcheurs et guides religieux influents dans notre société doivent secourir ces femmes et ces hommes qui leur ont fait allégeance. L’éveil des consciences est plus que jamais nécessaire face à l’ostracisme, et ils ont un rôle déterminant à jouer là-dessus.
Certes que quelques uns le font, mais la majorité est absente dans les débats de fond, alors qu’ils doivent être un pare-feu entre le pouvoir et le peuple, extincteurs des conflits moraux, fervents défenseurs d’une justice sociale équitable. Mais trop souvent, n’importe quel fourbe de politicien qui veut duper son peuple cherche à utiliser leur influence pour arriver à ses fins. Ce peuple qui sera toujours à l’image de ses dirigeants, de l’autorité morale, religieuse à l’autorité politique, chacun y va de sa responsabilité.
L’actualité politique n’en reste pas moins riche, mais difficile à suivre pour ceux qui tirent le diable par la queue. La façon de faire de nos gouvernants laisse à désirer, car il y a plusieurs formes de dictatures. Il faut se méfier d’un peuple patient et endurant. Dans ma contribution sur ce que j’ai appelé « affaire Sonko ou affaire du peuple ?! « , je parle d’un combat générationnel, étant convaincu que depuis la radiation de milliers de policiers jusqu’à ce jour, des enfants ont grandi, ont côtoyé l’injustice et la misère, mais surtout en ont marre.
Quand on tire trop sur la corde, elle finit par se casser. Nous avons la chance d’avoir une population jeune et ambitieuse, il suffit d’ouvrir les yeux pour le voir. Chacun essaie de faire quelque chose pour s’en sortir, et c’est pourquoi je me préserve de critiquer le marchand ambulant qui cherche à gagner sa vie honnêtement. J’ai beaucoup plus de respect pour lui que de cet arrogant politicien véreux, un parvenu devenu milliardaire du jour au lendemain.
A chacun son parcours, du « ndongo daara » à l’écolier, l’échec scolaire par manque de moyens peut être fatal. Pour élever le niveau d’un peuple, il faut investir dans l’éducation, car un peuple instruit sera un peuple encore plus mature. Mais est-ce l’intérêt d’individus qui tiennent à nous enfermer dans l’ignorance afin de continuer à mieux nous exploiter ?!
Bocar GUEYE
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