Pourquoi, que je sache, le Président Abdou Diouf croise-t-il les bras, au lieu de s’investir à arrêter l’entreprise de destruction de ce que fut le Ps au moment où le Président Léopold Sédar Senghor le lui a laissé sur un plateau d’argent ? Son attitude passive face aux coups que se donnent actuellement les dirigeants de ce qui reste du Parti socialiste pourrait être assimilée à un délit de non-assistance à parti en voie de disparition.
Qui est fou pour ne pas être convaincu que si cet ancien chef de l’Etat qui bénéficie encore de la considération de ses concitoyens en avait fait son problème, une solution démocratique à l’adversité morbide entre messieurs Ousmane Tanor Dieng et Khalifa Sall, le maire de Dakar, qui ne cache pas avoir les pieds sur les starting-blocks pour les compétitions politiques à venir, ne serait pas bloqué pour cause présumée de délit de malversation ? Oui, paraît-il, il y aurait des relations de cause à effet entre d’une part, l’adversité au sein du Ps, entre Ousmane Tanor Dieng et Khalifa Sall et, d’autre part, la compétition pour le pouvoir qui oppose celui-ci au Président Sall.
Tous les observateurs savent que les pratiques des anciens et actuels maires de ville au Sénégal étaient et demeurent les mêmes que celles reprochées à Khalifa Sall qui, au demeurant, pourraient correspondre effectivement à la qualification pénale que monsieur le procureur leur donne.
D’où, n’auraient pas tort ceux qui subodorent que Khalifa Sall ferait l’objet d’une certaine forme de chasse aux sorcières. Deux poids deux mesures qui frisent l’arbitraire. A quelle fin ? «Yalla rékka kham».
A la décharge de Monsieur le procureur de la République et du juge en charge de l’instruction sur les faits reprochés à Khalifa Sall, force est de reconnaître qu’ils n’ont fait qu’agir dans l’exercice de leurs fonctions respectives, définies par le code pénal et le code de procédure pénale. Le procureur, quant à lui, n’a même pas droit à des murmures quand il reçoit des instructions de faire ou de laisser tomber.
Plusieurs exemples prouvent que souvent le pouvoir exécutif ne laisse pas en général la justice «faire son travail» conformément aux lois, selon qu’il veuille châtier ou protéger.
En effet, l’exemple suivant peut être cité : Monsieur Basile Senghor, à l’époque procureur de la République à Thiès, avait eu à redire sur sa haute hiérarchie qui lui avait donné des instructions de poursuivre un certain Abdou Ndaffé Faye pour crime sur la personne de Demba, Diop maire de Mbour, qui lui aurait donné une gifle dans le parking de la gouvernance de Thiès au sortir d’une réunion politique.
C’était parce qu’emporté par une vive colère, justifiée par cette gifle humiliante reçue pour le seul motif d’avoir contredit son gifleur, qu’il avait dégainé son couteau et le lui avait planté. Le procureur Basile Senghor, pourtant neveu du tout-puissant président de la République de l’époque, Léopold Sédar Senghor, se référant aux faits exclusifs constitutifs du crime, s’était vu démettre de ses fonctions pour avoir soutenu, contre l’avis de ses supérieurs, que le fait dont était responsable le tueur de Demba Diop ne s’analysait pas en crime, mais en coup mortel ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Commença pour lui une traversée au désert.
Qui nie que le pouvoir s’ingère quelques fois dans le déroulement des procédures judiciaires, nie une évidence.
Pour en revenir au procureur, Monsieur Serigne Bassirou Guèye, qui n’aurait fait qu’appliquer la loi au cas de Khalifa Sall et autres, on avait senti qu’il était agacé lors de l’exposé liminaire de sa conférence de presse du 3 mars 2017, et ses réponses aux questions des journalistes. Il n’aurait quand même pas dû aller jusqu’à menacer ceux qui disent tout haut ce que d’autres pensent de négatif sur le fonctionnement de la justice. C’est leur droit d’expression reconnu par la Constitution. La justice, tout comme l’Administration territoriale, l’Administration des douanes, l’Administration des Impôts et domaines, les services de sécurité, est un service public et en tant que tel, dès lors qu’elle n’est pas infaillible, elle n’est pas exempte de défaut, donc elle ne peut pas être à l’abri des critiques des citoyens. D’ailleurs c’est à son avantage, car les critiques objectives sont des sources de progrès.
Il ne suffit pas qu’un individu commette des faits qui tombent sous le coup de la loi pénale et soit poursuivi pour cela qu’on ne puisse pas se plaindre de certains dysfonctionnements de la justice.
Dès lors qu’il est de notoriété publique que Khalifa Sall n’a fait que ce que tous les maires de ville ont toujours fait et continuent de faire, sans qu’aucun d’eux n’ait été poursuivi pour détournement de deniers publics comme lui, il y a véritablement une application de la justice à la tête du client. Il n’y a pas d’autres termes pour qualifier ce fait. Il s’y ajoute également que des dossiers de personnes concernées par des détournements de deniers publics, bien que fin prêts depuis des années pour être lancés dans le circuit de poursuites pénales, sont «oubliés» quelque part dans des tiroirs.
C’est par rapport à ces cas de non «touchabilité» qui protègent surtout les dociles en politique et les «partageux» que des âmes éprises d’équité estiment que le sort fait à Khalifa Sall est caractéristique d’une justice à deux vitesses. Que Monsieur le procureur cesse de s’en émouvoir, car il n’y est pour rien, son rôle n’étant que de poursuivre ou de ne pas poursuivre, selon les instructions qu’il reçoit de sa hiérarchie.
En attendant, les observateurs objectifs persistent et signent que si Monsieur le maire Khalifa Sall est en prison pour détournement de deniers publics, il aurait dû y trouver plus d’une centaine de gros bonnets en train de purger leur peine sans trop s’en faire, puisque conscients de l’énormité des sommes qu’ils ont déjà mises à l’abri, qui les rassurent que pour le reste de la vie, ils n’auront plus de problèmes, ayant irréversiblement assuré leurs arrières.
Ne terminons pas sans revenir au Président Abdou Diouf. Nous estimons peut-être, compte tenu des bonnes relations qu’il entretient avec le Président Macky Sall, qu’il devrait pouvoir entreprendre des démarches afin que le douloureux cas Khalifa Sall ait le même traitement que le cas similaire d’autres maires et d’autres célèbres ex-directeur généraux et ex-gestionnaires de fonds publics. Rappelons qu’aucun de ceux-ci ne doit bénéficier de l’impunité.
Dans le même ordre d’idées, compte tenu de ses relations avec les membres de l’équipe de leaders qui lui ont succédé, notamment Monsieur Ousmane Tanor Dieng, il doit être en mesure d’intercéder entre celui-ci et Khalifa Sall, afin que l’incendie qui s’est déclaré dans la «case de Birama», je veux dire le Ps, s’éteigne. Il pourrait le faire, ne serait-ce que pour la mémoire de Léopold Sédar Senghor, fondateur de ce parti.
Que ceux qui pour des calculs politiciens sordides ne clament pas qu’il faut laisser la justice faire son travail ! Oui ils auraient raison dans l’absolu, si la justice avait les bras libres en tous lieux et en tout temps pour faire son travail. Dommage qu’une distance abyssale la sépare d’un tel idéal.
Me Wagane FAYE