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Un Ministre, ça Se Soumet Ou ça Se Démet

«Par décret n° 2017-696 du 2 mai 2017, le Président de la République a mis fin aux fonctions de Monsieur Thierno Alassane SALL, Ministre de l’Energie et du Développement des Energies renouvelables.» peut-on lire dans un communiqué de presse. Le désormais ex ministre aurait refusé de signer deux contrats liant le Sénégal au groupe Total, qui doit faire son entrée dans l’offshore sénégalais aux côtés du groupe Kosmos et ceci malgré les instructions en ce sens du Président de la République.

Ce limogeage a suscité des commentaires parfois passionnés et un ami m’a interpellé en ces termes: « Il est à se demander si un président de la République  doit démettre un ministre dont le département s’occupe du pétrole et du gaz qui font l’objet de magouille et de scandales notoirement connus? Qui, des deux, ministre ou premier ministre, défend l’intérêt général qui devrait être le seul baromètre à tenir en compte dans le choix d’un Président ayant juré sur son serment de ne servir que l’intérêt général des Sénégalais ?

Le Président de la République a un droit absolu de vie et de mort sur « ses » ministres.

L’article 43 de notre Constitution dispose clairement que « sur la proposition du Premier ministre, le Président de la République nomme les autres membres du Gouvernement, met fin à leurs fonctions et fixe leurs attributions ».

Toute nomination obéit nécessairement à au moins deux constantes cumulatives: une présomption de compétence et une présomption de confiance. Si ces deux éléments font défaut ou bien l’un ou l’autre fait défaut, l’autorité de nomination en l’espèce le Président de la République peut discrétionnairement en tirer toute conséquence qu’il juge utile.

Ainsi dit, on constate, qu’un ministre occupe un bail précaire, son bailleur étant le chef de l’Etat qui n’a même pas besoin d’un préavis ou de formalités particulières pour résilier ce bail. Le ministre ne peut non plus réclamer en sa faveur une période d’essai ou un délai de carence, son limogeage n’est susceptible d’aucun recours. La fonction ministérielle est la plus vulnérable dans notre République. Sur ce plan, le Président de la République bénéficie d’un pouvoir discrétionnaire absolu. Ce pouvoir constitutionnel est d’autant plus vrai qu’on est en situation de fait majoritaire. Le fait majoritaire est la situation dans laquelle le Président de la République est soutenu par une majorité parlementaire qui lui est favorable. C’est généralement le cas où le Président de la République et la majorité parlementaire sont du même camp politique comme en l’espèce entre le Président Macky Sall de l’Alliance Pour la République (APR) et la majorité parlementaire « Benno Bokk Yakaar » (BBY) constituée majoritairement par des députés de l’APR.

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Mais, même dans ce cas de figure, un ministre peut bien être en désaccord avec le Premier ministre ou même le Président de la République car un ministre n’est pas membre du Gouvernement juste pour exécuter des ordres sans contestation ni murmure comme dans l’armée par exemple. Si un tél désaccord survient, le dernier mot revient par contre au Premier ministre et éventuellement au Président de la République. Mais quoiqu’il en soit, dans une situation de fait majoritaire comme actuellement au Sénégal, un ministre n’a pas à être en désaccord frontal avec le Premier ministre encore moins le Président de la République élu au suffrage universel direct et de qui il tire toute sa légitimité. Si un tel cas se produit, soit le ministre se démet ou le Président de la République le démet. Le ministre est parce que le Président de la République a  voulu qu’il soit et il cesse d’être immédiatement lorsque le Chef de l’Etat l’aura décidé.

Par contre, en situation de cohabitation, même si le principe de droit de vie et de mort du Président de la République sur les ministres demeure, sa mise en œuvre pratique est plus nuancée et moins évidente. En politique, la cohabitation est la situation de coexistence d’un Président de la République et d’un Premier ministre appartenant à une majorité parlementaire différente voir opposée au Chef de l’Etat. Le Président de la République ne disposant plus d’une majorité parlementaire, n’est pas libre du choix du Premier ministre qui dés lors n’est plus « son » Premier ministre et par conséquent des autres membres du Gouvernement. Dans pareille situation, même si dans les principes le Président de République met fin aux fonctions du Premier ministre et de tout autre ministre, dans la pratique il doit obtenir l’accord sinon la non opposition du Premier ministre devenu Chef du Gouvernement sauf à courir le risque d’une crise gouvernemental voire institutionnelle.

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Se pose aussi le problème de l’incompréhension de limoger un ministre dont on dit défendre l’intérêt général.

Le Président de la République est le garant originel de l’intérêt général au sein du Gouvernement.

L’article 36 de notre Loi fondamentale dispose clairement que : « Le Président de la République est le gardien de la Constitution. Il détermine la politique de la Nation, que le Gouvernement applique sous la direction du Premier ministre ».

Il n’appartient pas à un ministre de définir ce qui selon lui correspond à l’intérêt général au sein d’un Gouvernement. Sa perception de l’intérêt général doit être dérivée de ce que le chef de l’État fixe comme intérêt général dont il est originellement le seul garant constitutionnel. Des rapports entre le Président de la République et le ministre, il faut distinguer deux situations, celle dans laquelle le Président impose au ministre la décision à prendre et celle dans laquelle le Président de la République fixe des objectifs à atteindre sans imposer au ministre la décision à prendre.

Si le Président de la République édicte au ministre une décision à prendre celui-ci se trouve donc dés lors face à une situation de compétence liée, il prend une décision conforme à la volonté du Chef de l’Etat. Dans sa prise de décision, le ministre doit donc toujours veiller à ce que son acte soit scrupuleusement de parfaite reproduction de la volonté du Président de la République. Ici le ministre n’a le pouvoir et le devoir que de prendre une décision conformément à la volonté du chef de l’Etat ; Il est comme un simple agent d’exécution sans pouvoir d’appréciation. C’est la méconnaissance de ce principe qui a valu au ministre Thierno Alassane Sall son congédiement du Gouvernement.

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Si le Président de la République n’édicte pas au ministre une décision à prendre, celui-ci a le libre choix, il prend alors une décision en opportunité c’est-à-dire selon ce qui lui paraît servir au mieux l’intérêt général lorsque plusieurs choix son possibles mais en tout état de cause sa décision doit être compatible à la volonté général telle que fixée par le Président de la République.

En outre, nous avons toujours épilogué sur le scandale du pétrole et du gaz au Sénégal avec ses accointances avérées ou supposées avec des familles ou grands groupes et une certaine nébuleuse  oligarchique et financière. Pendant toute cette période, nous n’avons pas entendu la voix du ministre Thierno Alassane Sall se joindre à celles de nombreux sénégalais qui s’indignaient sur ces différents scandales révélés au public. Le ministre avait-il fait sien le conseil de l’ancien ministre français Jean-Pierre Chevènement qui disait en 1983 qu’ « un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne ». J’espère que les jours à venir, le désormais ex ministre ne va pas se victimiser en se prenant pour un chevalier blanc qui a été limogé pour avoir voulu défendre l’intérêt général contre l’intérêt de grands prédateurs pétrole et de la financier. Pour l’instant, il aura appris à ses dépens qu’un ministre, ça se soumet ou ça se démet.

Kaaw Sadio Cissé dit le Mollah

Juriste fiscaliste.

Coordonnateur de la Fédération « LEKETBI/PARIS »

de LDR/YEESAL.

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