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Elections En Eaux Troubles

Elections En Eaux Troubles

Petit à petit, les conditions d’un contentieux post-électoral inextricable semblent se mettre en place. Sous nos yeux. En fait, il y’a bien longtemps que, par lassitude ou par calculs de courte vue, les acteurs politiques sénégalais ont laissé le multipartisme débridé les enserrer dans des mécanismes de gestion et de transmission du pouvoir qui a fini par vider l’action Politique de son âme… Il est même devenu incongru de penser que la Politique puisse avoir une âme ! Seuls les naïfs et idéalistes, parmi lesquels je me compte, pensent encore que la Politique doit servir à réaliser le bonheur des gens. Tout simplement.

Les élections législatives prochaines vont mettre en compétition 47 listes! Quarante et sept listes qui vont briguer les suffrages des Sénégalais en quête de mandats parlementaires. Soulignons, au passage, que les discussions sur les difficultés d’une organisation matérielle satisfaisante de ce scrutin auront occulté le débat sur le bilan de la douzième législature. Après un mandat de cinq ans, on aura pas eu l’occasion d’évaluer le travail des députés qui n’auront soumis, à ma connaissance, aucune proposition de loi. Se contentant de voter tous les projets de lois soumis par l’exécutif. Mais c’est là un autre débat.

Rappelons aussi que, malgré la complexité prévisible de l’organisation des élections législatives prochaines, il a fallu que le Président de la République lui-même,au sortir de la prière de l’Eid, instruise publiquement le Ministre de l’Intérieur afin qu’il trouve une solution à la difficulté manifeste de collationner 47 listes avant de se rendre dans l’isoloir pour en choisir UNE(!)

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Il a fallu cette apostrophe pour qu’une réunion soit convoquée à ce sujet. On se demande à quoi servent les capacités d’anticipation de notre administration! Parce que, outre le nombre de listes il va se poser, si ce ne l’est déjà, le choix et la répartition des couleurs pour chaque liste. La palette de couleurs disponibles n’est pas extensible à l’infini. Il y aura fort à faire, d’ici moins de trente jours, pour mettre en œuvre, à la satisfaction générale, la confection des bulletins de vote. Une niche à contentieux s’en vient diraient les québécois! Cela dit, le contentieux à 47 est, sous nos tropiques, une multiplication à l’infini des possibilités de trahison et de duplicité dont les acteurs politiques sénégalais, à de rares exceptions près sont coutumiers. Il se susurre déjà que, plusieurs listes conduites par d’illustres inconnus seraient sponsorisées par le pouvoir. Vrai ou faux, on peut légitimement se demander d’où sortent les moyens que nécessite une campagne électorale pour certaines coalitions de Partis qui peineraient à remplir le Théâtre Daniel Sorano! Une obligation de justifier les sources de financement des partis et/ou coalitions de partis devrait faire partie des éléments du dossier de candidature à des élections. Pour mettre fin à l’escroquerie!

Plus préoccupant, il y’a même des listes dont personne ne saurait reconnaître le leader à l’œil nu. Et ils n’auront que 2 minutes de temps d’antenne, lors de la campagne électorale officielle, pour nous convaincre… on attend de voir comment les médias publics vont s’y prendre pour préserver l’impératif du traitement médiatique équitable des candidats.

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Outre les couleurs des bulletins( souvenons-nous du rose délavé du NON lors du référendum face au noir sans équivoque du OUI) il va se poser le problème de leur disposition dans le bureau de vote. Il est évident que les premiers bulletins devant lesquels passe l’électeur auront beaucoup plus de chance de faire partie des cinq à prendre, au minimum, avant de passer à l’isoloir. Pour une population d’électeurs à majorité analphabète en français, le temps de se pencher sur les piles pour reconnaître les signes distinctifs d’une liste serait plutôt dissuasif. Alors on se sert dans les premières piles et basta! Certains logos surexposés depuis quelques années auront un avantage comparatif évident. C’est de bonne guerre me direz-vous! Imaginons également que, pour une raison ou une autre, des électeurs décident de prendre plus de cinq bulletins ou même les 47! Le “consensus” des politiciens aura-t-il t-il force de loi? Juste une question en passant…

Au demeurant, le “consensus” annoncé sur la faculté de ne prendre que cinq bulletins sur les 47 semble tiré au forceps! Les coalitions les plus représentatives, au regard du parcours de leurs animateurs, ont exprimé leurs réserves voire leur opposition…au “consensus”. À ce sujet, un communicant de la majorité a cru intelligent de dire” toutes les listes ont la même dignité”… répondant à un journaliste qui lui faisait la remarque. Certes. Mais elles n’ont pas le même poids électoral ni la même histoire. Ni la même légitimité. Présenter comme un consensus un contentieux validé par des alliés est périlleux pour le futur! En effet si, comme on commence à l’entrevoir , les 47 listes sont composées en majorité de satellites( ou de lièvres) de la coalition présidentielle, notre système démocratique est piégé! Et les lendemains électoraux sont lourds de dangers. Le dire n’est pas le souhaiter. Mais il est généralement admis que “mieux vaut prévenir que guérir!”

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En tout état de cause, notre “démocratie” nage en eaux troubles… et l’hivernage ne va pas simplifier les choses! Il va falloir, au sortir des élections législatives se pencher très sérieusement sur sa substance, son idéal, son projet. La démocratie ne se réduit pas à l’organisation d’élections à terme échu. Ni à la capacité de se rouler dans la farine les uns, les autres! C’est un état d’esprit, une manière d’être acquise qui rend chaque citoyen confiant en la fiabilité des institutions de son pays. Cette confiance est la sécurité première qui doit être ressentie dans une saine démocratie. Il revient aux acteurs politiques de créer les conditions d’éclosion d’un tel environnement. Mais est-ce leur préoccupation?

Amadou Tidiane WONE

woneamadoutidiane@gmail.com

Amadou Tidiane WONE
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