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La Politique Sénégalaise : Une Machine à Désespérer Les Hommes !

Telle que pratiquée au Sénégal ces dernières années, la politique – tant dans sa forme que dans son contenu, sans parler de l’attitude de nombre de ses acteurs -, ressemble beaucoup à cette machine à désespérer les hommes dont faisait mention Albert Camus lorsqu’il décriait la politique contemporaine. Elle ne brille malheureusement souvent que par sa face nocturne : chantage, népotisme, maraboutage, détournements de deniers publics, attaques ad hominem, parjure, violence verbale et physique, transhumance… sont autant de vils moyens de prédilection dont se servent les nombreux adeptes de la politique politicienne dans le pays pour atteindre leurs fins et/ou gravir les échelons.

L’activité politique a été vidée de sa substance, dévoyée de sa trajectoire et corrélativement de son objectif. Loin de sa noblesse originelle – qui veut qu’elle soit l’art de gérer la cité -, actuellement au Sénégal, elle fait plutôt penser à l’art d’embrouiller, de leurrer, voire de piller celle-ci.

Après des années de traversée du désert sous le régime socialiste marqué entre autres par les effets pervers des programmes d’ajustement structurel et de la dévaluation du franc Cfa, le peuple sénégalais croyait enfin mettre la main sur son homme providentiel en la personne de Me Wade. Que nenni! Sa présidence a été marquée par une vague de scandales et de gabegie dont en voici quelques-uns : 12 milliards de FCFA pour le monument de la renaissance ; 28 millions de dollars en l’air pour réparer l’avion présidentiel ; 205 milliards dépensés pour l’OCI dont Karim Wade était le responsable de l’organisation; plus de 45 milliards de francs Cfa pour chanter et danser avec le Fesman géré par Sindjily Wade, sans parler des 90 millions en cash dans l’affaire Segura et de l’omniprésence de Karim Wade que son père voulait imposer nolens volens à tout un peuple. Ce serait tout de même ingrat de résumer la présidence de Me Wade aux bévues susmentionnées, car on lui doit entre autres de belles réalisations au niveau des infrastructures. Mais il a déçu bon nombre de Sénégalais tant les espoirs placés en lui ont été grands.

Son successeur, le Président Macky Sall, n’a guère fait mieux que lui jusque-là. Au contraire, il lui emboîte même le pas. Outre la présence gênante de certains membres de sa famille et belle-famille dans les affaires de l’État, il a fait un wax- waxeet significatif (promesse non tenue sur la durée du mandat présidentiel) et les scandales et les preuves de mauvaise gestion commencent à s’empiler : plusieurs milliards sont perdus mystérieusement dans l’affaire Bictogo ; un voile opaque recouvre l’affaire Petro-Tim; les libertés publiques sont de plus en plus restreintes et bafouées : dernier exemple en date l’interdiction à Sonko de s’adresser à la presse ; les conditions de libération de Karim Wade sont pour le moins nébuleuses et une somme astronomique aurait été déboursée pour la réparation du building administratif… En sus de cela, le patrimoine personnel du président étonne plus d’un.

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Pendant ce temps le peuple souffre. La vie devient de plus en plus dure et chère; l’enseignement supérieur est dans une crise endémique depuis des années; le service de l’électricité tarde à retrouver sa vitesse de croisière; le service de santé se détériore, et est même quasi inexistant dans certains contrées du pays. D’après le site Internet de Rfi, il y a juste une vieille machine de radiothérapie pour le cancer dans tout le territoire sénégalais, et elle est en panne depuis des mois. Cela montre à quel point nos dirigeants se fichent éperdument des préoccupations premières du peuple et de son bien-être. Ils sont pourtant capables de dépenser plusieurs milliards pour des futilités, si l’argent du contribuable n’est pas détourné.

La justice est aussi devenue plus que jamais inique : les détenus célèbres sont libérés facilement alors ceux démunis croupissent en prison parfois même pour des crimes ou délits qu’ils n’ont pas commis.

La gestion vertueuse et la rupture tant chantées ne sont que des slogans, de la vraie poudre aux yeux. Les hommes et les gouvernements ont changé, mais les méthodes et les pratiques sont restées les mêmes. Dès lors la confiance placée aux élus se réduit comme une peau de chagrin et les espoirs portés en eux s’éfaufilent comme un vieux tissu.

Aussi nombre de nos concitoyens sont-ils si déçus par la classe politique – aussi bien l’opposition que le parti au pouvoir – qu’ils n’attendent plus grand-chose d’elle. Pour eux être politicien est synonyme d’être un sans-parole, un sans-principe, un marchand d’illusions et un adepte de la palinodie, un égoïste, qui ne pense qu’à lui, qu’à sa famille et à ses partisans. Ils gardent une image négative des politiciens – du moins de beaucoup d’entre eux.

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L’image du politicien-baratineur est si ancrée dans les consciences que, dans la vie de tous les jours, quand quelqu’un est un beau et bon parleur, on lui dit souvent qu’il est politicien ou qu’il devrait faire de la politique. Comme s’il suffit d’être un bon rhéteur pour avoir les aptitudes à gérer les affaires d’un pays. En oublie souvent que pour servir un peuple, un bon comportement vaut mieux que les belles paroles et la probité, le patriotisme, l’abnégation et le sens du sacrifice pour les autres sont certaines parmi qualités nécessaires à avoir. Même si une belle élocution est un plus pouvant toujours aider à persévérer dans sa mission.

L’image négative que beaucoup de Sénégalais se sont faite de la politique et de ses acteurs les pousse de plus en plus à déserter le champ politique pour y laisser ceux qui y trouvent leur compte et/ou sont prêts à tout pour garder leurs privilèges. Car, il faut le dire, au Sénégal la politique peut rapporter très gros, même si dans beaucoup de cas c’est de l’argent illicite. C’est pourquoi certains qui ne savent plus où donner de la tête en font leur activité principale. Contrairement à ce qui se passe dans beaucoup d’autres pays où l’on est médecin et politicien, avocat et politicien, professeur d’université et politicien… chez nous il n’est pas rare, pour ne pas dire qu’il est fréquent, de voir des gens qui se disent politiciens tout court. Profession d’autant plus difficile à définir que son contenu est flou et son périmètre difficile à circonscrire. Même quelques-uns parmi les politiciens qui ont une profession trouvent parfois l’activité politique si rentable qu’ils en oublient d’exercer leur métier.

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Le désenchantement et la désertion du champ politique par les honnêtes citoyens qui ne veulent pas « se salir » en plongeant la main dans le cambouis sont compréhensibles sans pour autant être une solution pour régler les problèmes auxquels font face la population, car « Quand tous les dégoûtés seront partis, il ne restera que les dégoûtants. » nous rappelait Paul Vanden Boeynants. Dans ce cas la situation ne fera qu’empirer. N’oublions pas aussi que : « Pour triompher, le mal n’a besoin que de l’inaction des gens de bien,» disait Edmund Burke. C’est pourquoi il ne faut surtout pas laisser le champ libre à ceux qui ont mis le pays dans une mauvaise passe et continuent de le trainer encore dans la boue depuis des années. Le pire serait de s’avouer vaincu et impuissant alors que le peuple est souverain, qu’il détient le pouvoir et le dernier mot lui revient toujours. Par conséquent tous engagements pour l’avancement du pays dans la transparence et pour contrer les pilleurs sont bienvenus. C’est encourageant de voir beaucoup de Sénégalais n’appartenant à aucun parti politique ou mouvement, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, se lever pour protester et faire face aux dérives de nos gouvernants. Une meilleure coordination des efforts entre eux peut être le début d’une bonne opposition.

 

Bosse Ndoye

Montréal

momarboss@gmail.com

Auteur de : L’énigmatique clé sur l’immigration; Une amitié, deux trajectoires; La rançon de la facilité

Bosse NDOYE

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