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Réforme De L’enseignement Supérieur : À Qui Profite Ces Nouvelles Mesures ?

L’actualité de ces derniers mois est fortement marquée par les initiatives de réformes nouvelles agitées, dans le cadre de la réorganisation du système de l’enseignement supérieur, afin de franchir un nouveau pallier dans la marche de notre pays vers le développement. Beaucoup de facteurs devraient être pris en compte pour la réussite de cette réforme.

Dans ce débat à caractère institutionnel, quatre parties prenantes sont au cœur de la manœuvre. Il s’agit des universitaires, des PATS (personnels administratifs, techniques, et de service), des étudiants, et autres autorités politiques actuellement au pouvoir ; dont le chef de l’exécutif. L’arrivée de cette réforme conduite par le Ministre Marie Teuw Niane, à la tête de ce département de l’enseignement supérieur, apporte des lueurs d’espoirs chez tous les sénégalais conscients des enjeux et l’importance de cette initiative. Ma modeste expérience du système universitaire Suisse, me conforte dans l’idée gracieuse que cette réforme de notre système éducatif est la bonne voie à suivre.

L’Université doit impérativement s’adapter aux réalités du monde contemporain et offrir des formations adaptées au monde du travail. Cette orientation pédagogique devra également s’accommoder des idéaux de recherches et de performances. Je cite volontiers le cas de la Suisse où chaque université dispose d’un profil spécifique, avec des spécialisations adaptées aux marchés de l’emploi, tout en conservant des équipes de recherches interdisciplinaires qui font des résultats dans tous les domaines. Par ailleurs, le système éducatif suisse offre une alternative aux jeunes qui n’ont pas accès aux études universitaires. Il s’agit des études dites « d’apprentissages » pour des cursus professionnels directs orientés vers les métiers de l’artisanat, de l’industrie, de l’horlogerie, ou des services informatiques.

J’ai suivi les travaux de la commission Ad hoc qui a déposé son rapport au mois de Mai dernier sur la table du premier ministre, avec un diagnostic sans complaisance portant sur les sureffectifs de l’Université cheikh Anta Diop, de la désorganisation des facultés, de l’inadéquation entre les enseignements universitaires et les nouvelles réalités de la vie professionnelle, etc. De même, l’opinion a été édifiée sur les modes de gouvernance et de la gestion actuelle des ressources financières de nos universités à travers un autre rapport d’audit commandité par le ministre de tutelle.

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Ces deux actes posés cautionnent, à notre avis, une volonté de transparence, de clarté, et de rigueur administrative voulue par le maître d’œuvre de cette réforme. Mieux, toutes ces directives et informations ont fait l’objet d’une validation politique à travers le dernier conseil présidentiel du 14 août 2013. Un programme stratégique de 302 milliards a été annoncé pour des changements radicaux et une nouvelle cartographie universitaire. C’est une première, il faut s’en féliciter.

Ces derniers mois, les rapports d’audits sur les universités de Bambey, St-Louis, Dakar, etc ont fait la une des journaux avec une profusion de commentaires. Ces études commanditées, de façon conjointe, par les Ministères de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, de celui de l’économie et des finances, et de la Banque mondiale ont servi de radioscopie pour éclairer l’opinion sur la gestion des institutions universitaires. Il faudra en tirer toutes les leçons et s’engager vers une gestion concertée et transparente des ressources allouées à la réforme.

À la lumière des informations et renseignements qui nous parviennent, il serait important que d’autres « parties prenantes » s’approprient ces nouvelles mesures et s’impliquent. Il ne serait pas juste de considérer cette grande initiative comme étant une «affaire» de l’État, des étudiants, et des universitaires. Le citoyen que je suis a son mot à dire. Ne serait ce que par mon avis de simple observateur, plus ou moins concerné, par l’avenir de notre pays.

Pour la première fois dans l’histoire de ce pays des initiatives sérieuses, et pas du tout politiciennes, sont proposées pour une profonde réforme de l’enseignement supérieur. Le rapport de la commission Ad hoc sur cette réforme de l’enseignement supérieur nous projette des chiffres terribles mais réels.

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Les effectifs d’étudiants de l’Ucad sont passés de 24776 en 2001, à 75188 en 2012. Si l’on peut se féliciter du nombre croissant de jeunes bacheliers, ce qui une très bonne chose pour le système éducatif d’un pays, il faudra déplorer que ces chiffres ne s’accordent point à une offre équivalente en termes de filières de formation, de réceptifs sociaux, d’infrastructures, de conditions d’études, et d’encadrement pédagogique. Nos universités sont devenues des gouffres ouvertes qui avalent nos maigres ressources et réduisent à néant le rêve de bon nombre de jeunes étudiants.

Il est important d’expliquer que la réussite de cette réforme devrait être soutenue par tous les sénégalais. Des efforts de communication sont à faire. De même, l’État, dans sa communication publique, doit faire comprendre aux communs des sénégalais qu’il ne s’agit point d’une énième réforme qui ne concernerait que la communauté universitaire. Il s’agit d’un décollage annoncé qui n’épargnera aucun secteur et qui profitera au commun des sénégalais. Le niveau de développement d’un pays est à l’image du succès de ses recherches universitaires.

Quelques exemples pour s’en convaincre : si cette réforme arrive à poser les jalons d’une politique de recherche efficace et efficiente au profit du développement agricole, le paysan sénégalais en sera le premier bénéficiaire avec des variétés de semences bien adaptées à son environnement pour des rendements satisfaisants. Les auteurs des rapports ont aussi bien constaté que c’est presque toujours hors d’Afrique que l’on étudie et pense l’Afrique. Ils ont proposé de requalifier certaines institutions logées dans cette perspective. De même si des centres de recherches et d’essais, comme l’ISRA, l’ITA, et d’autres institutions, parviennent à donner des résultats satisfaisants sur des techniques de production, de transformation, d’amélioration, ou de conservation de nos ressources (agricoles, animales, ou minières), l’État pourra facilement envisager la création de nouveaux pôles industriels favorables à la création de richesses et au développement économique.

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Ces exemples, à titre indicatif, restent valables pour les autres secteurs de développement que sont les ressources halieutiques, les produits médicaux, l’informatique, la mécanique, l’électronique, la botanique, etc. Tous ces secteurs ont besoin de recherches et d’initiatives. Ce qui justifie l’urgence et le besoin de revaloriser l’enseignement des sciences et techniques à travers cette nouvelle réforme. Il reste entendu que le succès d’une telle orientation suppose la promotion d’une véritable culture scientifique d’où la nécessité de renforcer nos positions, déjà fortes, dans le domaine des humanités.

Pour terminer, j’en reviens avec l’expérience suisse en constatant l’interdisciplinarité des équipes de recherches où le médecin et l’anthropologue cheminent en parfaite intelligence, où l’économiste et le géographe font équipe, où le juriste et le biologiste se complètent. Le développement scientifique et technique, s’il est bien élaboré, sera un stimulant de taille pour la recherche en sciences humaines et sociales.

 

Aliou NDIAYE

Université de la Suisse Italienne

aliou.ndiaye@usi.ch

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