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Front De Mer Ou De M…?

Notre belle capitale était jadis d’une valeur inestimable, rien qu’avec ses agréments découlant d’un littoral inouï, privilège de sa position géographique. Voir et respirer l’océan avec une liberté naturelle de s’approcher et tremper ses pieds dans la mer, longer la côte en marchant sur le sable, sont les avantages des peuples côtiers. Des gens comme le défunt Christophe Paulo, par leur amour passionnel de notre littoral, démontrent à l’envi, hélas au risque de leur vie, que nous disposons là d’un trésor, pour peu que nous en soyons conscients et déterminer à le préserver dans le temps. D’autres l’ont fait et l’ont si bien réussi. Je prends l’exemple de la ville de Nice, un haut lieu de tourisme qui engrange énormément d’argent provenant de cette activité depuis plus d’un siècle, grâce à la réputation de son littoral superbement exploité. Sa fameuse « Promenade des Anglais » est classée depuis cette année patrimoine mondial de l’humanité. Nous avions déjà depuis longtemps cette distinction avec le phare des mamelles, il suffisait juste de s’en servir comme point vectoriel et travailler à étendre ce classement sur le littoral, au moins de l’aéroport à la limite de la Corniche Est.

Malheureusement comme pour le poisson, c’est par la tête que notre société a été gagnée par la pourriture. En faisant une visite guidée du littoral, l’on se rend compte que les beaux édifices qui y trônent majestueusement sont dans leur quasi totalité, la propriété des gens du pouvoir et leurs acolytes affairistes de la place servis avec l’hectare comme unité de mesure pour y édifier hôtels et cliniques de luxe. Curieux tout de même qu’aucun praticien sénégalais authentique n’ait eu ce privilège. Si encore cette classe d’affairistes élus nous avaient habitué à occuper les premiers rangs à l’école, mais tel n’est pas le cas. Qui se rappelle avoir vu, depuis la création du concours général, un produit de cette classe en être lauréat ? – moi non, et personne autour de moi au moment même où je suis en train d’écrire ce texte ne s’en rappelle. Cependant, alors que toutes les cliniques dignes de ce nom dans ce pays (dentaires, ophtalmo, gynéco, radiologie, etc.) leur appartiennent, que sont devenus nos compatriotes qui ont brillé d’excellence devant eux à l’école ? – Au mieux, leurs employés, là dans leur propre pays, là où ils nous ont trouvé et choisi avec notre consentement d’y élire domicile.

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Faudrait-il aller jusque dans nos gènes pour trouver une explication à cela ? Que nenni ! La cause de ce revers n’est pas dans une quelconque différence biologique, elle est systémique et il faut la trouver, l’annihiler pour ne pas que ça devienne coutume pour nos enfants. Il ne faut surtout pas que le fait d’en parler demeure un tabou. Ceci dit, cette nouvelle manie orchestrée par le système étatique d’usurper au peuple la vue et l’accès à la mer est le comble d’une arrogance démentielle. Fort heureusement le président de la République aurait renoncé à son bail sur le littoral, dit-on, suivi en cela par d’autres autorités ; tant mieux, au regard du citoyen privilégié qu’il est, mais du président de la République l’on attend plus – qu’il intervienne avec les pouvoirs que le peuple lui a conféré, pour que soit recouvré entièrement le littoral, quel qu’en soit le prix. Car malgré les pouvoirs que détiennent l’Etat sur le domaine national, il n’en demeure pas moins que le peuple est en finalité seul dépositaire du patrimoine commun, l’Etat est contingent. S’il n’agissait pas dans ce sens, qu’il sache alors que malgré sa renonciation, demain, ces propriétaires douteux, non contents de ce qu’ils nous auront volé, imposeront avec la montée du niveau de la mer, soit que chaque citoyen paye pour que l’on protège à coup de milliards leurs domaines privés, soit qu’on les dédommage en milliards comme on le fait pour les sinistrés des zones inondées.

Viendront ensuite les coûts renchéris de la démolition de leurs demeures et de l’aménagement pour sauver ce qu’on pourrait encore de nos côtes. Mais est-ce qu’au nom de la continuité de l’Etat, l’on devrait tenir pour fait accompli le lot d’attributions sur le littoral et subir ses conséquences désastreuses, astreignant ainsi chaque régime qui en remplace un autre, à s’inscrire dans la consolidation des turpitudes du précédant ?

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C’est ainsi, que l’incurie de nos gouvernants a eu raison de nos valeurs comme la « Téranga Sénégalaise » et des activités économiques capitales comme le Tourisme. Pour en donner un aperçu, prenons l’artère Aéroport-Le virage-Les mamelles – Quand un étranger descendait d’un avion et l’empruntait jadis, à peine une minute après son entrée dans le pays, s’offrait à lui, une vue plongeante sur l’océan et une brise qui lui rafraichissait les joues, alors qu’il longeait un sublime front de mer, dans un véhicule de transport décent, conduit par un chauffeur propre et très avenant. Aujourd’hui, tout ce front de mer impressionnant qui provoquait chez l’étranger un choc émotionnel productif est enclos derrière des masses de béton répugnantes qui en ont fait un front de m… Sachant combien la première et la dernière impression sont déterminantes dans l’appréciation d’un lieu que l’on découvre, comment ne pas s’indigner de ce fléau qui ruine notre littoral ? L’on voudrait saboter notre « Téranga » qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Le concept de « Téranga Sénégalaise » s’est développé entre 1965 et 75, ici à Dakar tout simplement avec nos atouts culturels, et ce, bien avant l’arrivée des stations balnéaires comme Saly. Des touristes à bord de paquebots en escale se déversaient constamment dans la capitale et se délectaient de promenades tranquilles dans les artères d’une ville propre, sans encombrement, ni harcèlement, en s’arrêtant, à la Cathédrale, au marché Kermel, au palais de la République, à la gare de Dakar et au village artisanal entre autres, conversant au passage avec une population affable. Si on avait seulement su préserver rien que ça et l’améliorer, puis le dupliquer dans les autres régions, nous serions encore une bonne destination touristique. Nous n’avions même pas besoin de ministère du Tourisme, surtout pas pour y nommer parfois quelqu’un qui n’aurait connu l’avion ou la chambre d’hôtel qu’après avoir obtenu le poste. Non plus, n’aurions-nous besoin de station balnéaire, qui n’a que de la prostitution qui ne dit pas son nom, comme offre touristique.

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La rupture politique qui nous a séduit comme slogan a de beaux chantiers devant elle sur le littoral. Aux prochaines élections, nous aviserons et alors réélirons ou élirons le président de cette rupture que nous attendons de tous nos vœux.

 

Ibe Niang Ardo

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