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Aménagement Du Territoire : L’acte Iii De La Décentralisation Va Bouleverser L’architecture Institutionnelle Du Sénégal

Aménagement Du Territoire : L’acte Iii De La Décentralisation Va Bouleverser L’architecture Institutionnelle Du Sénégal

Lors du Conseil des ministres décentralisé tenu à Saint-Louis le 07 juin 2012, l’esquisse du bilan de la décentralisation a été amorcée, et l’Acte III annoncé. Suite à cet événement, le Conseil des ministres décentralisé du mercredi 27 juin 2012, tenu à Ziguinchor, a réaffirmé « l’option de territorialisation et projet de territoire de l’Etat en Casamance ». Quant au communiqué du Conseil des ministres du jeudi 17 janvier 2013, il reprécisait les ambitions de la réforme, notamment la nécessité pour notre pays, d’asseoir une véritable politique de développement et de mise en valeur des potentialités des territoires, à l’horizon 2022, et d’élaborer une Loi d’orientation pour le développement durable des territoires.

A l’occasion du Conseil national de développement des collectivités locales ( C.N.D.C.L), tenu le 19 mars 2013, à l’Hôtel King Fahd Palace, en présence des autorités déconcentrées et décentralisées, ainsi que des partenaires au développement et des acteurs de la Société Civile, le chef de l’Etat, son Excellence Macky Sall, a procédé au lancement officiel de l’Acte III, en réaffirmant sa volonté et celle de son Gouvernement, de promouvoir la décentralisation, comme un acte prioritaire de la réforme de l’Etat, dont l’objectif est de promouvoir une véritable politique de développement et de mise en valeur des potentialités des territoires, à travers la territorialisation des politiques publiques.

Depuis lors, le processus d’élaboration de l’Acte III est mis en marche à une cadence soutenue, et les différents acteurs à tous les niveaux, manifestent le plus grand intérêt pour cette réforme d’une très grande amplitude, qui a terme, va bouleverser profondément l’architecture institutionnelle de notre pays.

Compte tenu des enjeux et des péripéties de la réforme, et ayant eu le privilège d’en être un acteur au sein de la communauté des élus locaux du Sénégal, il m’est apparu nécessaire de contribuer au débat, en abordant successivement quatre (04) points : un bref rappel de la décentralisation au Sénégal (I) ; l’approche territoriale du développement comme vision du Gouvernement (II) ; le dispositif de pilotage, les principaux axes stratégiques et la contribution des élus au processus de réforme (III), et pour terminer, les perspectives de la réforme (IV).

I) Un bref rappel de quelques dates clés de la décentralisation au Sénégal

A) Avant l’indépendance

• 1872 : création de la commune de Gorée et Saint Louis

• 1880 : création de la commune de Rufisque

• 1887 : création de la commune de Dakar

• 1955 : loi municipale qui étend la communalisation (création de communes de statuts juridiques différents) du territoire sénégalais

B) A partir de l’Indépendance

• 1960 : élargissement du statut de commune de plein exercice à l’ensemble des communes,

• 1964 : statut spécial pour Dakar ; la commune Région du Cap Vert est administrée par le Gouverneur de la région, puis par un administrateur de la commune à partir de 1979,

• 1966 : promulgation de la loi n°66-64 du 30 juin 1966

portant Code de l’administration communale

• 1972 : création de la deuxième catégorie de collectivité locale que sont les communautés rurales.

• 1983 : retour de Dakar au statut de droit commun (commune de plein exercice)

• 1990 : suppression des communes à statut spécial qui deviennent des communes de plein exercice, et transfert des pouvoirs d’ordonnateur du budget des sous-préfets aux présidents de conseils ruraux.

• 1996 : érection de la région en collectivité locale et transfert de compétences dans neuf (9) domaines de l’Etat central aux collectivités locales que sont les régions, les communes et les communautés rurales.

• 2013 : lancement officiel de l’Acte III de la décentralisation.

Ainsi, à la lumière de ce bref survol historique, il apparait que depuis son accession à l’indépendance en 1960, des réformes majeures ont ponctué le processus de décentralisation, avec de nombreuses modifications de la carte administrative.

Pour résumer, on peut dire que : l’Acte I de la décentralisation date de la réforme du 1er février 1972, qui a fixé une nouvelle administration du territoire, et divisé le pays en sept (7) régions, qui, à leur tour sont subdivisées en départements, les départements en arrondissements et les arrondissements en communautés rurales. Cette Réforme de 1972 est une référence dans l’élaboration d’une carte administrative qui allait servir à la politique de décentralisation caractérisée par une structuration à base communautaire. Cette réforme majeure pose l’acte précurseur de libertés locales plus affirmées dans le processus de dévolution du pouvoir local aux communautés de base.

Quant à l’Acte II de la décentralisation, il date de la réforme de 1996 qui consacre la régionalisation, et qui constitue une étape décisive dans la politique de décentralisation, au regard de l’ampleur des compétences que l’Etat transfère aux collectivités locales. L’érection de la région au rang de collectivité locale, constitue l’un des points forts de cette nouvelle loi. La mission essentielle assignée à celle-ci, est, selon le Code des Collectivités locales, de « promouvoir le développement économique, social … » de la région.

A l’actif de cette réforme, il y’a également la création de communes d’arrondissement et l’instauration du contrôle de légalité, a posteriori qui s’est substitué au contrôle de légalité a priori jusque là pratiqué.

S’agissant de l’Acte III de la Décentralisation, il a été mis sur orbite par le Chef de l’Etat, depuis le lancement officiel intervenu le 19 mars 2013, et qui sans doute, va profondément bouleverser l’architecture institutionnelle sur laquelle notre pays reposait jusqu’ici.

Aussi, il convient de préciser qu’entre la date de l’accession de notre pays à l’indépendance (1960) et la date de l’Acte I (1972), il s’est écoulé une période de douze (12) ans. Entre la date de l’Acte I et celle de l’Acte II (1996), il s’est écoulé une période de vingt quatre (24) ans. C’est dire que les réformes institutionnelles majeures, ont parfois besoin d’un temps de murissement et d’approfondissement.

II/ L’approche territoriale du développement comme vision du Gouvernement

Tirant le bilan de la décentralisation du Sénégal durant ces trois dernières décennies, caractérisé par un émiettement et une atomisation de l’espace territorial, le Chef de l’Etat, lors du lancement du CNCDL, le 19 mars 2013, a insisté sur la nécessité « de faire émerger au Sénégal, des territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable ».

C’est dire que l’Acte III de la décentralisation est adossé à la TERRITORIALISATION DES POLITIQUES PUBLIQUES qui induit la nécessité d’initier des alternatives susceptibles de corriger les déficiences, et produire simultanément des progrès significatifs à l’échelle nationale et locale.

Ainsi, se pose la nécessité d’une refondation majeure de l’action territoriale de l’Etat, qui va puissamment contribuer à bâtir le développement de notre pays, à partir des opportunités, atouts et potentialités de chaque terroir, autour de quatre objectifs :

a) l’ancrage de la cohérence territoriale par une architecture administrative simplifiée ;

b) la planification des compétences entre l’Etat et les collectivités locales ;

c) le développement de la contractualisation qui rendra plus lisible les échelles de la gouvernance, par une réhabilitation de la déconcentration ;

La modernisation de la gestion publique territoriale avec une réforme résolue des finances locales et une promotion des ressources humaines de qualité, par la revalorisation du Statut de l’Elu local et de la Fonction publique locale.

En pratique, il s’agit d’accroître les ressources financières des collectivités locales et la gouvernance locale qui seront renforcées par la mise sur pied de véritables cadres de concertation en vue de promouvoir le dialogue participatif et le contrôle citoyen à tous les niveaux.

Le Chef de l’Etat situe les urgences du Sénégal en termes de développement à travers l’essor des activités agricoles et pastorales, la prise en charge des besoins en matière d’infrastructures, des actions pour l’accès à l’eau potable, à l’électrification et aux services sociaux de base.

Dans les centres urbains et périurbains s’imposent, selon lui, les mêmes urgences notamment la lutte contre la dégradation du cadre de vie, les inondations, le chômage, l’insécurité, et la précarité sous toutes ses formes. Parmi les facteurs qui minent les initiatives pour le développement des territoires, le Président Macky Sall a relevé la faiblesse de l’aménagement de nos terroirs, les difficultés de faire financer les collectivités locales, à cause d’une inadaptation des ressources et des mécanismes financiers mis en place par l’Etat.

C’est la raison pour laquelle, de l’avis du chef de l’Etat, les quatre axes prioritaires ci-dessus énumérés, corrélés à la réhabilitation de l’aménagement du territoire, vont marquer une rupture décisive dans la consécration d’une gouvernance territoriale au Sénégal.

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Il s’agira d’organiser le pays, à travers cette réforme, en territoires viables, dotés de ressources financières consistantes et porteurs de croissance et de développement durable.

Pour le Président de la République, la réforme préconisée va orienter davantage l’action de l’Etat vers vers l’équité sociale et territoriale de même que la promotion durable des ressources du terroir, en mettant fin aux cloisonnements territoriaux auquel il convient d’apporter des réponses durables pour impulser le développement à la base.

Cette vision du Chef de l’Etat, sur la territorialisation des politiques publiques, avait déjà été déclinée par le Premier ministre d’alors, Monsieur Abdoul Mbaye, dans sa Déclaration de politique générale, le 10 Septembre 2012 : « L’action du Gouvernement sera principalement marquée par les options stratégiques suivantes : la consolidation des bases d’une gouvernance démocratique, transparente, plus rigoureuse, plus efficace, basée sur la satisfaction des besoins prioritaires des populations et la lutte contre les injustices sociales, le renforcement de la décentralisation des politiques publiques, en vue de donner une plus forte impulsion au développement des terroirs ».

En définitive, la vision du Gouvernement du Président Macky Sall a pour objectif déclaré de faire des collectivités locales des espaces de gouvernance territoriale efficiente ; d’impulser le développement local harmonieux et durable du territoire national, dans le cadre d’un Etat unitaire, décentralisé, attaché à la valorisation des potentialités des zones éco-géographiques et de promouvoir la solidarité nationale et l’accès de tous aux services sociaux de base.

Il s’ensuit l’impérieuse nécessite de prendre en compte les besoins exprimés par les populations à la base dans les terroirs, pour bâtir une politique de développement territorial durable et équilibrée, adossée à une gouvernance territoriale concertée. Pour impulser le développement à la base, il sera alors misé l’exploitation et la valorisation de toutes les potentialités socio-économiques et les savoirs locaux dont regorge notre pays.

III. Le dispositif de pilotage, les principaux axes stratégiques et la contribution des élus au processus de réforme.

A. Le dispositif de Pilotage

Le dispositif de pilotage de l’Acte III de la décentralisation favorise une approche systémique et holistique, dans le cadre d’un processus multi-acteurs, axé sur la centralité du territoire, la subsidiarité, la coproduction des acteurs, l’approche projet du territoire, la contractualisation et la performance territoriale.

Le décret n°2013-581 du 29 avril 2013, portant création du Comité national de pilotage (CNP) de la réforme de la décentralisation composé de vingt (20) personnalités, reflète la diversité des différents acteurs et partenaires impliqués dans la réflexion collective sur l’Acte III de la décentralisation. C’est le Professeur Ismaïla Madior Fall, constitutionnaliste et ministre conseiller du Chef de l’Etat qui préside ce comité.

Les élus locaux sont représentés au sein du Comité national de pilotage par les présidents des trois ordres de collectivités locales, que sont Abdoulaye Baldé de l’Association des maires du Sénégal, (AMS) Aliou Niang de l’Association des régions du Sénégal (ARS) et de Alé Lô, président de l’Association nationale des conseillers ruraux (ANCR) et de l’Union des associations d’élus locaux (UAEL).

Le CNP est le garant du bon déroulement du processus de réforme. Il définit les grandes orientations et donne son avis sur l’ensemble des productions. Il est responsable des partenariats et assure le portage des positions et propositions collectivement arrêtées et validées.

Dans le but d’assurer une bonne opérationnalisation de la réforme, le Ministère de l’aménagement du territoire et des collectivités locales (MATCL), a pris un arrêté n°006459 du 10 mai 2013 portant création du Comité technique, des Commissions thématiques et des Cadres régionaux de partage de la réforme de la décentralisation (Acte III).

Les commissions thématiques sont chargées de réfléchir et de formuler des propositions sur les thèmes ci-après :

 Cohérence Territoriale

 Lisibilité des échelles de gouvernance

 Mécanismes de financement et gouvernance budgétaire

C’est la Commission sur la Cohérence Territoriale qui a démarré le premier ses travaux, et a déposé ses conclusions.

C’est ici le lieu de rendre hommage à d’éminents professeurs d’université de renommée internationale, les géographes Gorgui Ciss, Président de la Commission (Président de la Communauté rurale de Yéne, dans la banlieue dakaroise) et le Professeur titulaire Amadou Diop (spécialiste en aménagement du territoire et développement local).

Les travaux scientifiques de ces deux enseignants chercheurs de l’UCAD font autorité dans les milieux académiques, comme en témoigne l’étude remarquable et remarquée du Pr Amadou Diop intitulée « Contribution pour une Politique d’Aménagement et de Développement des Territoires du Sénégal : faire émerger des territoires forts pouvant atténuer les disparités spatiales », édité par GERAD (Groupe d’Etude de Recherche et d’Appui au Développement), 2011.

Il y’a également lieu de préciser que d’autres professeurs d’université émérites et des experts en décentralisation et gouvernance locale ont apporté une contribution majeure à la réflexion en cours.

Entre autres, on peut citer le Professeur Mayacine Diagne, de l’Université Gaston Berger de Saint Louis (UGB), esprit fécond qui a produit de nombreux ouvrages sur la décentralisation et le développement local au Sénégal.

Nombreux ont été les consultants à contribuer à la réflexion sur le processus. A titre d’exemple, on peut citer l’expert Mamadou Diouf, ancien Directeur des collectivités locales (DCL) du Sénégal, monument incontestable de la décentralisation et de la gouvernance locale.

La réflexion sur l’Acte III se poursuit encore dans les différentes structures qui ont été mises en place pour conduire le processus, mais les axes stratégiques majeurs de cette réforme peuvent être dégagés dans leurs grandes lignes, en attendant le Rapport Final du CNP et la décision des autorités.

B. Les axes stratégiques la réforme de la Décentralisation

L’organisation territoriale du Sénégal comprend deux niveaux : la déconcentration et la décentralisation.

Le niveau déconcentré compte quatorze (14) régions (administratives), quarante cinq (45) départements et cent vingt trois (123) arrondissements. Quant au niveau décentralisé, il compte quatorze (14) régions (collectivités locales), cent soixante douze (172) communes (dont 5 villes et 46 communes d’arrondissement), et trois cent quatre vingt cinq (385) communautés rurales.

1. La Communalisation intégrale

Avec la réforme, l’appellation « communauté rurale » qui est une spécificité sénégalaise va disparaître. Toutes les communautés rurales, vont dans leur configuration actuelle devenir des communes. Il n’y aura pas de différenciation entre commune urbaine, commune de district et commune rurale.

Certes, la communisation intégrale pourrait offrir beaucoup d’opportunités aux communautés rurales en matière de coopération décentralisée, mais également elle permettrait de se conformer aux directives de l’UEMOA, sur l’harmonisation des appellations des Collectivités territoriales.

La communalisation intégrale répond à l’impératif d’une gestion de proximité des problèmes de populations et une participation des acteurs locaux à l’impulsion et à la mise en œuvre des stratégies de développement territorial.

2. La départementalisation

Les 45 départements que compte notre pays vont être érigés en échelon de gouvernance. La recherche d’un espace vécu comportant une homogénéité socioculturelle et économique et un vif sentiment d’appartenance, justifient la volonté de réinvestir les départements afin d’en faire un puissant vecteur pour une bonne politique de décentralisation. Les départements pourraient offrir l’opportunité de mettre en exergue des valeurs idéelles et symboliques très fortes, porteuses de sentiments d’appartenance et d’identification. Comme le fait observer le document Cohérence territoriale de l’Acte III de la décentralisation.

« Les liens forts entre l’acteur et son espace sont sollicités pour construire de nouveaux espaces politiques fondés sur une autonomie réelle, une démocratie et une administration de proximité territoriale »

Ainsi, le département assurerait le maillage territorial nécessaire à la construction de la communalisation intégrale. Dans une démarche de coopération intercommunale, le département permettrait d’une part, d’adapter la planification élaborée au niveau régional en vue de faciliter son appropriation par les échelons communaux, et ,d’autre part, servir de cadre de mise en œuvre des projets territoriaux et des politiques publiques, dont la réalisation dépasse le cadre d’une commune, par la mutualisation des ressources, des énergies et des moyens de toutes les communes du département.

3. Les « régions territoires »

Au lendemain de l’indépendance (1960), notre pays comptait sept (7) régions, 8 régions en 1976 (la Région de Diourbel est subdivisée en deux entités : Diourbel et Louga), puis nous sommes passés en 1984 à 10 régions (la Casamance divisée en 2 régions Ziguinchor et Kolda) et la région du Sine Saloum scindée en deux parties (Kaolack et Fatick). Après 2000, la région de Matam fut créée, ce qui porte le nombre de région à 11 et en 2008, trois autres régions furent créées (Kaffrine- Sédhiou et Kolda). Au total, à l’heure actuelle, le Sénégal compte 14 Régions.

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Depuis la réforme de 1996, la région est donc érigée en collectivité locale dans le cadre de la décentralisation, et elle complète ainsi les autres ordres de collectivités territoriales que sont les communes et communautés rurales. Il ya lieu de préciser que le territoire de la région collectivité locale coïncide avec celui de la région administrative.

La déconcentration et la décentralisation sont caractérisées par la cohabitation entre élus locaux qui forment les organes délibérants et exécutifs d’une part, et, d’autre part des représentants de l’Etat central qui exercent un contrôle de légalité a posteriori.

Le « Pôle Territoire « ou » région territoire », constitue la nouvelle assise du développement durable et du rayonnement des territoires. Il s’agit ici de regrouper les 14 régions en 6 à 8 pôles, pour asseoir des territoires viables et compétitifs porteurs de développement durable. Ce faisant la « région Territoire », constitue l’échelon de mise en cohérence des outils de planification des actions de développement dans un espace socio-économique et culturel d’ampleur régionale, et homogène au plan éco-géographique.

Pour mettre fin à l’émiettement des régions actuelles, dépourvues de ressources et de moyens, les « Pôles Territoires » vont constituer un puissant levier qui va favoriser une cohérence et une synergie des interventions.

Plusieurs propositions de découpage et de regroupement des entités territoriales ont été faites, et sur lesquelles s’est appuyée la commission ¨Cohérence Territoriale¨.

La promotion de tels territoires de convergence économique, axés sur des entités économiquement viables, peut contribuer à l’émergence d’un maillage et d’un développement polycentré de l’espace communautaire.

La Commission sur la Cohérence territoriale a proposé un regroupement des régions du Sénégal en 6 pôles territoires.

1 Pôle-territoire Casamance : Il fusionnera les régions de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda .Il s’étend sur 28350km², pour une population de 1551600 habitants en 2012.

Activités phases : d’énormes potentialités tant pour l’économie rurale, industrielle et touristique. Position géostratégique favorable pour l’élevage, le tourisme balnéaire, l’écotourisme, production et transformation agricole.

2. Pôle-Territoire Diourbel-Louga : fusionnera les territoires de Diourbel et Louga, pour une superficie 29616km² pour 2 377 994 habitants en 2012

Activités : ressources agro-pastorales considérables. Le pôle religieux et économique que constitue Touba est un atout majeur pour le développement territorial et national.

3. Pôle-Territorial Fleuve : comprend les anciennes régions de Saint-louis et Matam. Sa superficie est de 48 503 km² pour 1 562 530 habitants en 2012. L’unité territoriale est cimentée par la vallée du fleuve qui a toujours joué un rôle socioculturel de brassage des peuples, de vecteur d’intégration sous-régionale.

Atouts : Potentiel hydrologique, hydro-agricoles et hydro-électriques .Spécialisation dans la riziculture, le maraichage, l’industrie agro-alimentaire (SOCAS, CSS), écotourisme, pêche artisanale et exploitation minière.

4. Pôle-Territoire Sine Saloum : couvre les anciennes régions de Kaolack, Fatick et Kaffrine, sur une superficie de 23545km² pour 2 005 577 habitants en 2012.

Atouts : d’énormes potentialités agricoles, touristiques et halieutiques. Zone de prédilection du bassin arachidier, situé dans une position géo-stratégique frontalière avec la Gambie et assurant l’interface avec la Casamance et le Sénégal oriental.

5. Pôle Territoire Sénégal Oriental : couvre les anciennes régions de Tambacounda et de Kédougou, et couvre une superficie de 59602 km2 pour 817 527 habitants en 2012.

Atouts : Des potentialités naturelles immenses autorisant une agriculture diversifiée et le développement d’un tourisme paysager (Parc de Niokolo koba). Potentialités minières (Or, uranium), Ecotourisme, polyculture.

*

6. Pôle-Territoire Dakar-Thiès : La région « Dakar-Thiès » recompose les deux régions du même nom. La Plateforme technique et industrielle de Diamniadio, le nouvel aéroport de Ndiass, la construction de l’autoroute à péage vont renforcer les régions et faire de Dakar un véritable hub urbain.

Thiès renferme d’énormes potentiels industriels, du tourisme urbain, des industries artisanales, du cuir, du textile.

Atouts : Port Autonome de Dakar-AIBD. Entreprises de services-Maraîchage dans les Niayes –Pêche industrielle et artisanale, Industries chimiques et Tourisme d’affaires

Voilà les 6 pôles régions proposés par la Commission Cohérence territoriales. Il semble que le pôle Dakar-Thiès a fait l’objet d’un amendement, consistant à maintenir les deux entités comme des « régions territoires » séparées. Dakar, à cause de sa macrocéphalie aux plans économique, administrative et politique. Et Thiès, au regard de l’importance de son potentiel économique et de sa position stratégique de métropole carrefour.

Ainsi, le Sénégal disposerait de 7 « pôles Territoires », susceptibles de cristalliser une personnalité régionale, afin de promouvoir un développement spatial multipolaire, constitués des zones éco-géographiques fonctionnelles, qui permettraient d’interconnecter les villes de taille variable pour faire des nœuds importants de structuration, capables d’offrir une gamme de services aux activités économiques des territoires, et faciliter l’accès aux marchés.

C. Contribution des Elus Locaux à la réflexion sur l’Acte III

Au lendemain de la mise en place des organes chargés de la préparation et de la mise en œuvre de l’Acte III de la décentralisation, les élus locaux du Sénégal , prenant la pleine mesure de l’envergure et des enjeux attachés à la réforme, ont enclenché un processus de concertation entre eux d’une part, et de consultation d’autres secteurs d’autre part, pour bâtir des positions communes et élaborer des propositions consensuelles de réforme de nature à enrichir l’Acte III.

C’est parce que les élus locaux sont conscients que le succès d’une réforme tient fondamentalement à la méthode utilisée et à la qualité des savoirs et savoir-faire mobilisés à toutes les étapes, qu’ils ont fait preuve d’engagement et d’implication forte, en tant qu’acteurs-clés de la décentralisation et du développement territorial, à interroger leur vécu et leurs expériences, pour en tirer un capital de connaissance et de propositions à valoriser et à partager avec l’Etat, la société civile, le secteur privé et les partenaires au développement dans le cadre de la réforme.

C’est dire que l’enjeu fondamental du processus de construction de la « parole » des élus locaux, est de contribuer au succès de la réforme de décentralisation, notamment en valorisant les enseignements de leur expérience de gestion quotidienne des territoires et des communautés.

Tout en étant représentés au niveau des différents organes de pilotage, de préparation et de mise en œuvre de la réforme, les élus locaux ont également mis en place à leur niveau, donc au sein de l’UAEL, des structures et des mécanismes de concertation efficaces, pour mieux alimenter la réflexion au niveau du Comité national de pilotage, du Comité technique, des Commissions thématiques et des cadres régionaux de partage.

Depuis le lancement du processus, les élus locaux ont travaillé d’arrache pied, avec abnégation et engagement, en tenant des réunions hebdomadaires régulières à la « Maison des Elus locaux », en organisant des séminaires de partage, et beaucoup d’autres initiatives, dans le seul but d’apporter leur contribution à la réforme.

Il convient de féliciter les élus des trois ordres de collectivités locales sans exception, pour l’effort considérable, qu’ils ont consenti et qu’ils continuent de consentir pour apporter des réponses adaptées et efficaces aux enjeux et défis du développement multipolaire de la Nation sénégalaise.

C’est ici le lieu de rendre un vibrant hommage, au président Alé Lô, pour le travail colossal qu’il abat quotidiennement depuis qu’il a été porté à la tête de l’Union des associations d’élus locaux (UAEL). Homme d’engagement et militant authentique de la gouvernance locale, le Président Alé Lô a hissé très haut le drapeau des collectivités locales Sénégalaises en Afrique et dans le monde entier. Il a su faire avancer les dossiers de dialogue politique de l’UAEL, entre autres : les finances locales, le statut de l’élu local, les réformes foncières, les compétences transférées, la coopération décentralisée, les femmes élues, etc…

Dans l’accompagnement technique des élus locaux, la directrice de la Cellule d’appui aux élus locaux (CAEL), Mme Aby Sylla Sall et son équipe, constituée de jeunes, dynamiques et efficaces, encadrés par l’expert averti en décentralisation , Abdou Khadre Lô jouent un rôle admirable. Et parmi les personnes ressources qui travaillent avec la CAEL dans l’appui technique aux élus locaux, le chercheur – consultant Falilou Mbacké Cissé se distingue particulièrement par une expertise pointue de la décentralisation et une bonne maîtrise de la pédagogie différenciée, dans l’approche des questions relatives au développement territorial.

Les élus locaux ont également apporté une contribution non négligeable à la revue documentaire sur l’Acte III, à travers les études réalisées par les associations, tels que le document de l’Association des régions du Sénégal (ARS) portant sur la Provincialisation (2011), ainsi que les nombreuses études, rapports et actes issus des ateliers thématiques organisés par la CAEL depuis sa création, et disponibles à la salle de documentation de la Maison des Elus Locaux et sur le site Web de la CAEL (www.uael.sn) .

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IV. les perspectives de la réforme

L’Acte III de la Décentralisation tel qu’il était tracé par le Chef de l’Etat, Macky Sall, lors de son lancement le 19 mars 2013, avait suscité un formidable élan d’adhésion populaire, non seulement parce qu’il jetait les bases d’une refondation nationale et sociale de notre architecture institutionnelle et territoriale, mais aussi et surtout, parce qu’il dégageait avec clairvoyance et lucidité, les paradigmes d’une nouvelle ingénierie territoriale qui allait désormais consacrer le Territoire, à la fois, comme moteur d’une ambition nationale de développement socio-économique et comme vecteur de l’action publique en général.

Mais, aujourd’hui, force est de reconnaître que l’enthousiasme que cette réforme avait suscité chez beaucoup d’acteurs de la décentralisation, commence à s’estomper, pour donner place au scepticisme, quant à la volonté réelle de poursuivre le processus, jusqu’à son terme ; d’où l’importance du travail d’information, de sensibilisation et de communication afin que les populations acceptent la réforme et se l’approprient.

Ce qui ne semble pas être le cas actuellement, car le management du processus de réforme manque de visibilité et de lisibilité. Or, cette réforme de l’Acte III est infiniment plus complexe que les Actes I et II qui l’ont précédé.

Les Actes I (1972) et II (1996) ont été caractérisés par la création de nouvelles entités territoriales, qui correspondaient à un souhait, des populations en ce qu’ils étaient perçus comme une avancée significative dans notre architecture territoriale. Bien plus, la création des communautés rurales, en 1972 avait fait l’objet d’une expérimentation dans la région de Thiès, avant sa généralisation. Toute réforme de grande envergure a besoin de passer par une phase test, c’est-à-dire une phase pilote avant d’être généralisée.

La réforme de l’Acte III a ceci de particulier, qu’il se caractérise par une combinaison de trois éléments : le changement d’appellation d’un ordre de collectivité locale ( les communautés rurales qui deviennent des communes), la création d’un nouvel échelon de collectivité locale ( le département) et le regroupement de collectivités locales en pôles territoires ( les 14 régions regroupés en 7 pôles appelés parfois « régions-territoires »).

Il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’épine dorsale de l’Acte III, le moteur du train de la réforme qui doit tirer les autres wagons (sans aucune connotation péjorative), ce sont les « pôles-territoires » qui constituent le niveau intermédiaire entre l’Etat et les autre niveaux de collectivités locales et qui constituent par excellence un cadre de coordination, de planification, et d’harmonisation des interventions, et tant qu’espace territorial « vaste, viable, compétitif et porteur de développement durable », pour reprendre l’expression du chef de l’Etat, Monsieur Macky Sall

L’Acte III de la Décentralisation avait pour but, l’atteinte de plusieurs objectifs. Je ne citerai que deux objectifs essentiels, qui ne seront pas atteints, si le processus de réforme tel qu’il se déroule sous nos yeux se poursuit.

a) Mettre fin à l’émiettement territorial.

A l’heure actuelle, notre pays compte cinq cent soixante onze (571) collectivités locales (14 régions, 172 communes et 385 communautés rurales), pour un pays d’une superficie très modeste (196 176 km2) et d’une population estimée à 12.856.153 habitants.

Avec ce qui est proposé avec l’Acte III, on se retrouvera avec un nombre plus élevé de collectivités locales : 616 (14 régions, 45 départements et 577 communes).

b) Faire émerger des territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable.

Il découle de qui précède que la situation qui prévaut actuellement risque de perdurer, en raison d’une atomisation excessive des collectivités locales, sans ressources financières substantielles, avec des régions sans grands moyens pour prendre en charge les missions de développement local,.

C’est précisément l’émergence des pôles-Territoires, à partir des zones éco-géographiques, qui devaient servir de levier pour exploiter toutes les potentialités économiques des régions territoires, afin d’en faire un puissant socle pour impulser le développement à la base. Mais en maintenant tel quel les 14 régions dans leur configuration actuelle, il n’est pas évident que les objectifs visés par la réforme de l’Acte III seront atteints pour une véritable territorialisation des politiques publiques.

Au regard des enjeux et de la portée de la réforme de l’Acte III, la situation telle qu’elle se présente à mes yeux, est la suivante : soit le gouvernement considère qu’il faut organiser les élections locales conformément au calendrier électoral, c’est-à-dire, le 16 mars 2014, et dans ce cas, considérer que d’ici cette échéance, il est absolument impossible de conduire la réforme jusqu’à son terme ; auquel cas il faudrait surseoir à celle-ci purement et simplement. En conséquence, après les locales de 2014 qui seront organisées sur la base de l’architecture administrative actuelle, envisager le processus de réforme de l’Acte III en perspective des locales de 2019.

Dans cette hypothèse, il faut admettre qu’il n’y aura pas une première et une deuxième phase de la réforme, car, on voit mal comment on peut organiser des élections locales en 2014, élire au suffrage universel des élus locaux et après l’installation des exécutifs locaux, procéder à de nouvelles restructurations ou réaménagements des collectivités territoriales.

La deuxième hypothèse, et qui me semble la plus pertinente, c’est d’organiser une concertation avec l’ensemble des acteurs politiques, afin de rechercher un consensus pour reporter les prochaines locales, parachever la réforme en cours, et organiser les élections locales sur la base de la nouvelle architecture territoriale et administrative issue de l’Acte III.

Il convient de rappeler que le protocole additionnel de la CEDEAO sur la gouvernance démocratique dit très clairement, qu’au moins six mois avant une élection, on ne doit pas modifier de façon unilatérale, les règles du jeu électoral, sans un large consensus entre les acteurs politiques. Mais consensus ne signifie pas unanimité. Tout le monde sait qu’en matière électoral, il y’a rarement unanimité entre les positions des acteurs politiques.

Mais pour savoir s’il y’a consensus ou pas, il faut d’abord organiser la concertation entre les acteurs du jeu politique.

La réforme de l’Acte III de la décentralisation exige de la part de tous les acteurs du processus, un esprit de responsabilité et d’engagement. On ne peut pas vouloir faire des réformes en profondeur, et considérer qu’on ne doit rien changer par rapport à ce que l’on veut réformer.

Si chacun considère qu’il n’est pas question de toucher à «sa collectivité », il n’y aura jamais de réforme. Or l’objectif stratégique de l’Acte III de la Décentralisation, c’est de mettre fin à l’émiettement territorial, procéder à des regroupements de collectivités locales pour avoir des entités plus viables capables d’impulser le développement à la base. Au moment où la question de l’Intégration africaine est à l’ordre du jour, ce sont les collectivités locales qui doivent, en premier, donner l’exemple, en acceptant d’aller avec d’autres pour mutualiser leurs efforts et leurs ressources pour constituer des entités fortes et compétitives. Nous ne devons jamais perdre de vue le fait que c’est l’intérêt général qui doit prévaloir, et non les intérêts d’une personne ou d’un groupe de personnes.

Dans la perspective de la réforme, la nécessité de concilier deux exigences s’impose. La première, c’est de communiquer, sensibiliser, informer très largement toutes les couches et segments de la société afin que les populations adhérent et s’approprient le projet de réforme. La deuxième, c’est de ne pas reculer dés que des résistances se font jour, car l’histoire de nombreux pays montre que les grandes réformes entrainent souvent de fortes résistances et des réticences au changement. Mais un Etat responsable ne doit jamais perdre de vue la primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers.

En définitive, quelle que soit la décision qui sera arrêtée d’un commun accord par les acteurs politiques, l’idée du Chef de l’Etat de territorialiser les politiques publiques mérite d’être saluée et encouragée. Il en est de même de la nécessité de faire émerger des territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable. A terme, cela devrait permettre à notre pays, de se hisser au firmament des nations prospères et émergentes.

 

Ousmane Badiane

Conseiller régional de Dakar

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