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Mame Booy !

Mame Booy !

Je me souviens de la grand-mère Mame Khady. Elle était une femme alerte d’esprit et affairée que j’avais connue dans ma tendre enfance, bien avant qu’elle ne soit cette vieille clouée au lit par l’âge. A chaque fois que je venais la visiter, on avait de longues conversations. Des entretiens lucides que ses petits-enfants interrompaient en entrant dans la chambre par ‘’ Ah, Tonton Badou, y a ngi wakhtaane ak Mame ? Légui dé, da fa nakh’’. Tacitement, sans que l’on se le dise, on se taisait jusqu’à ce que l’intrus parte, et on reprenait.

Mame Khady était une mine de connaissances. C’est elle qui m’a raconté l’origine de l’expression « Guissou mala Mbao« . Une explication qui tenait scientifiquement, à l’épreuve des confrontations dans le temps et dans les faits. Elle fut témoin de beaucoup de bouleversements politiques. Te parlait de faits historiques avec précision et avec une analyse fine. Quand, donc, on était là, à échanger, elle me confiait qu’elle tenait à mes visites, parce que, j’étais la seule personne qui l’écoutait, et que, puisque les autres l’avaient « garée », elle les laissait dans leur ignorance. Il lui arrivait de charger son portable, de m’appeler, et on parlait des heures durant, parce qu’elle savait que je n’avais plus le temps de venir fréquemment la voir. Elle avait 103 ans à sa mort. Je ne l’ai jamais vu ou entendu divaguer. Jusqu’à notre dernière conversation, elle m’avait parlé avec une lucidité extraordinaire d’une histoire qui datait des années quarante. Sa fille, Macouna, qui s’occupa d’elle toute sa vie, est bien seule aujourd’hui.

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Tout cela, pour vous dire, qu’il y a une véritable hypocrisie dans nos relations avec les vieux dans nos maisons. Des hommes et femmes âgés sont cloîtrés dans nos maisons. Niou naane « Sama yaye, wola sama papa, ma ko yoor sama biir keur di ko topato« , alors que daara, nixe. On l’a mis dans une chambre rek, certes, on lui donne à manger et à boire, mais, on l’isole complètement de tout ce qui fait la vie. Pas de conversations, d’écoute. La première marginalisation, c’est quand, on te pousse à la sénilité. Une petite erreur d’appréciation, un petit oubli. ‘’Laye, sama mame khana dafaye beugueu nakh ? ‘’. On leur sérine tellement ces petites gentillesses que la plupart se replie dans leur cocon, de peur de ces remarques vraiment désobligeantes qui installent le doute dans leur esprit.

Il n’est certes pas facile de s’occuper de personnes âgées puisqu’il leur faut autant d’attention et de soins que les enfants de très bas âge. Mais, on peut leur donner de notre temps, leur parler comme on parlerait à un enfant quand la sénilité s’installe, et surtout, ne pas les pousser à ça. Etre patient avec eux, et ne pas les traumatiser avec des remarques blessantes.

Les vieux, ce sont les amis qu’il faut avoir, ils en savent beaucoup, et sont les courroies de transmission entre les parents et leurs enfants. D’ailleurs, c’est la disparition de ce chaînon dans la structure familiale qui est à l’origine de la mal éducation qui nous rend perplexe devant nos enfants et des multiples problèmes de communication dans les couples et dans les familles actuelles. Les grands parents sont les pères ou mères des parents. Ils les connaissent mieux que quiconque, et pourront vous dire qui, ils sont. Ils sont les médiateurs naturels de la famille.

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Tenons à eux. Ne les abandonnons pas avec eux-mêmes.

 

Alioune NDAO

Alioune Ndao
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