Le Sénégal accueille à partir de ce 2 février, la Conférence de financement du Partenariat mondial pour l’éducation, qui va permettre de récolter plus de 2 milliards de dollars pour les pays dits émergents, à l’horizon 2020. Comme nos états ont oublié que: » l’éducation est une reproduction de la société et de ses valeurs. » pour citer le philosophe Achille Mbembe, nos écoles sont devenues des laboratoires d’expérimentation brutale de toutes les trouvailles pédagogiques et des instituts de propagation de l’ignorance abyssale imposée, à cause de l’argent.
De 2007 à nos jours, combien de programmes éducatifs ont traversé le système sénégalais? Quelles sont les conséquences de ses programmes pensés ailleurs sur l’avenir de nos enfants? À cause des financements étrangers, notre école est devenue une marchandise qu’on laisse entre les mains du plus offrant. Faisant fi de tous les enjeux stratégiques qui gravitent autour de l’éducation, nos gouvernants changent les programmes et contenus de nos apprentissages au gré des donateurs.
De 2007 à 2011, le projet de renforcement de l’enseignement des mathématiques, de la science et de la technologie ( PREMST) financé par la Japan International Coopérative Agency ( JICA) était chanté sur tous les toits par les services du ministère de l’éducation nationale à travers les inspections de l’éducation et de la formation du pays. Des modules, des fiches modèles venaient chambouler encore les pratiques pédagogiques de tous les praticiens de l’éducation qui venaient à peine de commencer à se familiariser avec les approches par les compétences (APC), un autre modèle qui nous venait du Canada. La suite, on le sait, après la fin des financements, le projet fut rangé aux calendes grecques.
Ensuite, en 2012, le partenariat pour l’amélioration de la lecture et des mathématiques à l’élémentaire( PALME ) va voir le jour, financé à hauteur de 8 milliards de francs par les États Unis à travers l’USAID, il n’arrivera pas au terme de ses 3 ans de durée puis ce qu’il sera interrompu par les bailleurs, faute de résultats probants, selon eux. Ainsi des générations entières d’élèves ont pu accéder au collège sans avoir même réussi à décrocher le certificat de fin d’études élémentaires ( CFEE), le système » Goana » venu avec ces programmes étrangers et qui interdisait le redoublement au cycle primaire est passé par là. L’accès à l’enseignement moyen qui n’était permis qu’avec l’admission d’un concours sélectif dénommé » entrée en 6e » est transformé en une simple formalité pour tous les élèves, de même pour ceux de niveau très faible. Alors plus de la moitié de nos enfants ont accumulé d’énormes difficultés en lecture, à cause de l’abandon de la méthode syllabique ou combinatoire au profit de la méthode dite globale venue avec le curriculum financé par le Canada.
À la place, des opérations de déchiffrement qui étaient la base de l’apprentissage de la lecture à l’élémentaire, nos enfants ont en face d’eux des textes écrits en langue étrangère. C’est pourquoi, on voit dans nos collèges que la majorité des élèves ont beaucoup de peine pour lire. À cela s’ajoute l’instabilité de nos programmes scolaires qui met les enseignants dans des situations incompatibles avec la réalisation de performances. Avant de se familiariser avec une méthode, on la change avec une autre.
Au final, ce sont les enfants des masses défavorisées qui paient les pots cassés, eux qui sont les seuls à fréquenter l’école publique, les fils de nantis l’ayant fui, depuis belle lurette. L’école qui était le seul ascenseur social ne leur garantit même plus l’acquisition du savoir, du savoir-faire le plus basique, la capacité de lire. Après, on viendra lyncher les enseignants, on les désignera comme étant les seuls responsables des échecs scolaires. On éteint le feu, mais on oublie les pyromanes.
Babacar Touré