Le 19 avril 2018, l’opposition sénégalaise a exprimé sa désapprobation de la loi sur le parrainage. Ce qui est de bonne guerre, puisque dans une grande démocratie, la majorité gouverne et la minorité s’oppose. Au-delà de ce constat, un enseignement majeur ressort de cette journée : la non prise en compte de l’avis du citoyen et de l’opinion publique en général, aussi bien du côté du pouvoir que celle de l’opposition.
Dans cette affaire de parrainage, chaque camp a raison et a tort en même temps. Pour la majorité, l’initiative des lois appartient au président de la République et à l’Assemblée nationale ; ce qui est tout à fait vrai. Donc, c’est à bon droit que le chef de cette majorité peut décider de saisir l’Assemblée nationale pour faire modifier une disposition constitutionnelle. Pour l’opposition, la recherche de consensus devrait prévaloir au sein du camp présidentiel, fut-il majoritaire quand on doit toucher à notre charte fondamentale ; ce qui est également vrai dans une démocratie dite consensuelle.
La question que l’on devrait se poser entre les deux protagonistes est de savoir qui avait la faveur de l’opinion pour porter ou contester un tel projet ? Est-ce le camp de la majorité, au nom d’une victoire électorale acquise il y a 6 ans, lors de la présidentielle de 2012 et des élections législatives de 2017 ? Est-ce que le camp de l’opposition, au nom d’une majorité présidentielle qui se serait effritée avec les dernières législatives, passant de 65 à 49 % ?
Dans les grandes démocraties, le sondage est, par excellence, la mesure de l’état de l’opinion entre deux élections. Ne pas l’instaurer au nom d’une loi qui l’interdit au Sénégal prive notre pays d’un élément essentiel du jeu démocratique, la participation citoyenne à la gestion publique en dehors du calendrier électoral.
Sonder l’opinion publique montrerait, aujourd’hui, aux hommes politiques, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition, que les problèmes qui préoccupent les Sénégalais ne sont autres que le vol et la mendicité des enfants, le chômage des jeunes, la difficile campagne arachidière, les crises répétitives du système éducatif et les grèves dans le secteur de la santé. Diantre, pourquoi ne verrait-on pas, aujourd’hui, une opposition sénégalaise s’activer avec autant d’engagement contre la résurgence et la persistance de ces phénomènes ? Quoiqu’il faille reconnaître à cette opposition et à la société civile le mérite d’avoir organisé, il y a quelques semaines, une marche sur les rapts d’enfants. Bien que cette manifestation n’a pas connu le même déploiement d’énergie que celui noté lors de la contestation de la loi sur le parrainage. Pourquoi ne verrait-on pas également le pouvoir mettre autant d’énergie et de passion pour élaborer et obtenir à tout prix un large consensus et des solutions durables sur des problèmes aussi sérieux que l’école, la santé, l’emploi et le monde rural ?
C’est cette envie, ce don de soi que l’opinion attend de notre classe politique et non pas une élite qui ne légifère que quand ses intérêts sont en jeu ou ne s’indigne que lorsque les problèmes sont politiques.
Nos hommes politiques doivent, aujourd’hui, apprendre à gouverner ou à s’opposer au-delà du simple jeu et des règles électorales. C’est la marque des démocraties modernes. Les institutions politiques et économiques ne constituent pas à elles seules la démocratie. Elles n’en sont qu’un cadre.
Mamadou BA
Expert en Ressources humaines
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