Contributions de Bosse NDOYE
« La justice est une gigantesque toile d’araignée qui attrape la petite mouche et laisse passer guêpes et frelons. » J.J Rousseau
Dans une société où l’enrichissement illicite est assumé au sommet de l’État et l’idée que « xaalis kenn du ko liggéey da ñu koy lijanti » est si ancrée dans beaucoup d’esprits qu’elle ne semble plus choquer; où l’on promeut la fourberie et la médiocrité en nommant par exemple des transhumants accusés de détournement de biens publics à des postes clés tout en poussant à la démission un ministre intègre et en limogeant des fonctionnaires ayant fait preuve de droiture et d’honnêteté dans l’exercice de leur fonction; où l’on encourage la ruse et décourage le travail; où prospèrent souvent « le tég-deal et le dòor-marteau»; où l’esprit de parti et de famille – qui prime souvent sur les compétences dans les nominations aux postes importants – prévaut sur l’intérêt général; où l’on peut dilapider l’argent du contribuable sans conséquences et sans avoir peur de devoir rendre compte à qui que ce soit; où nos dirigeants, en véritables songe-creux, ânonnent souvent des discours d’émergence pendant que les populations manquent entre autres d’eau, d’électricité et de soins sanitaires normaux, il serait pour moi étonnant que les gens s’étonnent de la fuite des épreuves du baccalauréat.
Guerre picrocholine par médias interposés entre Sidy Lamine Niasse et son grand frère Ahmed Khalifa, et ce dernier contre le « prédicateur » Iran Ndao; graves accusations proférées à l’endroit des Ibadous (terme à définir et à cerner), lors de la prêche de la korité, par l’ l’Imam Ratib de Dakar, dont les polémiques qu’avaient suscitées certains de ses propos dans une autre prêche, il y a quelques années, sont encore fraîches dans les mémoires; célébration de l’Aïd El Fitr dans la dissension – ce qui n’est pas nouveau – bien que la lune ait été aperçue à certains endroits du pays, reconnaissent en privée quelques membres de la commission lunaire dont l’utilité reste encore à prouver; mélange des genres à travers la chanson controversée de Youssou Ndour lors de la célébration du Kazu Rajab. Le silence, voire l’assentiment de certains guides religieux présents à la cérémonie aidant, il se croyait sans doute au festival Ya Salam, qui est l’une des plus grandes escroqueries religieuses qu’ait connues le Sénégal depuis des années.
Dans son célèbre livre La trahison des clercs, Julien Benda fait mention de deux types de citoyens: les laïcs – qui sont des gens « ordinaires » composant la majorité des populations -, et les clercs pour désigner les intellectuels. À la différence des premiers qui peuvent ne pas avoir une très « grande influence » dans leur société, les seconds, grâce à leur savoir et leur comportement censé être exemplaire, ont, selon Benda, le devoir, voire l’obligation de jouer le rôle de défenseurs perpétuels et désintéressés des valeurs cléricales qui sont entre autres la justice, l’honnêteté, la vérité, le bien, la beauté, la raison, etc. Mais, malheureusement, pour des intérêts pratiques tels que la course aux richesses, la recherche effrénée de gloire et de prestige, la propagande idéologique, l’esprit de classe ou de parti…nombre d’entre ces clercs ont lamentablement failli à leurs missions au contact du monde politique et du pouvoir. Bien que Julien Benda fasse référence dans le livre aux intellectuels européens en général et français en particulier, l’on est tenté, après l’avoir parcouru, de mesurer les rapports existant entre les clercs ou prétendus tels de son pays et le pouvoir politique en place à l’aune de quelques-unes des valeurs de la cléricature.
Si l’avancement d’un pays se mesure à l’aune de la bonne marche des secteurs clés pour son développement et sa stabilité tels que l’économie, la santé, l’enseignement et la justice…il appert que notre cher Sénégal se trouve dans un cul-de-sac depuis des années puisque ces secteurs-là y sont en panne.
Lorsque certains de nos compatriotes s’emparent de quelques-unes des fêtes et commémorations importées, on en oublie parfois leur raison d’être et leur pays d’origine. Car ils se les approprient totalement et n’hésitent pas à les célébrer jusqu’au trognon. Aussi, en plus de faire souvent dans la démesure, ils ne distinguent pas toujours la bonne graine de l’ivraie concernant ces événements-là. Dès lors, c’est béatement qu’ils les consomment crus plutôt que de les déguster après les avoir préalablement passés au peigne fin de leur culture et aux filtres de leurs réalités sociales pour y déceler une quelconque anomalie. Le bouchon a même été poussé si loin au fil des années qu’ils sont maintenant devenus « plus royalistes que le roi » lorsqu’il s’agit de célébrer certains événements (roy dàxx). C’est ce qui explique certainement qu’au lieu de s’en tenir au son de reggae distillé du matin au soir, tous les 11 mai, par plusieurs stations de radio et de nombreuses chaînes de télévision de la place, de nombreux jeunes profitent de l’ambiance festive régnant dans beaucoup de milieux ce jour-là pour étrenner leur premier joint ou pour augmenter leur consommation de marijuana – pour les plus aguerris -, afin de célébrer l’anniversaire du décès de Bob Marley dans les nuages.
Dans la conclusion de son fameux test aux trois passoires, Socrate pose une question qui devrait interpeller toute personne dont la vocation est d’informer : si ce que tu as à me raconter n’est ni vrai, ni bien, ni utile, pourquoi vouloir me le dire ?
Telle que pratiquée au Sénégal ces dernières années, la politique – tant dans sa forme que dans son contenu, sans parler de l’attitude de nombre de ses acteurs -, ressemble beaucoup à cette machine à désespérer les hommes dont faisait mention Albert Camus lorsqu’il décriait la politique contemporaine. Elle ne brille malheureusement souvent que par sa face nocturne : chantage, népotisme, maraboutage, détournements de deniers publics, attaques ad hominem, parjure, violence verbale et physique, transhumance… sont autant de vils moyens de prédilection dont se servent les nombreux adeptes de la politique politicienne dans le pays pour atteindre leurs fins et/ou gravir les échelons.
« Inventez une charlatanerie, n’importe laquelle, vous trouverez toujours des hommes qui diront que ça marche, tant notre besoin d’illusion est intense. » Boris-Cyrulnik
« Aujourd’hui la censure a changé de visage. Ce n’est plus le manque qui agit mais l’abondance. Sous l’avalanche ininterrompue d’informations insignifiantes, plus personne ne sait où puiser les informations intéressantes. En diffusant à la tonne toutes sortes de musiques similaires, les producteurs de disques empêchent l’émergence de nouveaux courants musicaux. En sortant des milliers de livres par mois, les éditeurs empêchent l’émergence de nouveaux courants littéraires (…) La profusion d’insipidités identiques bloque la création originale (…) Si bien qu’on en arrive à ce paradoxe: plus il y a de chaînes de télévision, de radios, de journaux, de supports médiatiques, moins il y a diversité de création. La grisaille se répand. » Bernard Werber
«Ce n’est pas le peuple qui est ingrat, ou inculte. C’est le système qui fait tout pour l’éloigner de la noblesse des êtres et des choses. Il lui apprend à ne se reconnaître que dans la médiocrité tous azimuts. » Yasmina Khadra
La plus grande chose que la politesse puisse nous faire perdre, de temps en temps, est une place dans un autobus bondé, a dit Oscar Wild.
Si l’argent est le baromètre des vertus d’une société comme le soutient Ayn Rand, la pression des valeurs sociales et morales au pays de Kocc Barma semble avoisiner zéro chez beaucoup de personnes. Dans une société qui devient de plus en plus matérialiste; où le paraître tend à supplanter l’être; où ce qu’on a est en train de devenir plus important que ce qu’on est; où pour nombre de gens Être équivaut à beaucoup Avoir, que ne ferait-on pas pour devenir riche? Pour beaucoup de nos compatriotes la réponse à cette question semble évidente.