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Une Monnaie Unique Ou Locale, Hic & Nunc

La monnaie, instrument de premier ordre pour la souveraineté de l’avis des spécialistes, la dépendance du Cfa à l’Euro et au trésor français, constitue une vraie aberration et on se complait à dire, en fermant les yeux, qu’on est indépendant. Alors qu’une telle connexion amplifie les risques et engendre des flous que les investisseurs abhorrent.

Les arguments sont bien fondés par le simple fait que : « dans la zone franc, le taux de change reste le plus élevé, permettant aux entreprises françaises de transférer leurs produits sans subir aucune dépréciation de gain et leurs avoirs convertibles sans contrôle de taux de change avec un taux d’intérêt frôlant les 20%, un terreau de corruption » selon un économiste sénégalais.

La finance, c’est le seul levier de l’essor conséquent et le Yuan ne cesse de damer le point au dollar pas facile à manier à cause de sa lourdeur. A l’image de l’euro, la monnaie coloniale édulcorée par une appellation locale ne jouirait pas des mêmes avantages au grand dam des pays de l’UMOA (Union Monétaire Ouest-Africaine).

En somme, le pré carré travaille pour l’essor de la France depuis plus d’un siècle et aucun de nos dirigeants n’ose engager la rupture, la vraie pour amorcer celles internes en commençant par reformer la Banque Centrale, un outil colonial.

La BCEAO a vécu près d’un demi-siècle, en instrument de la colonisation de l’Afrique qui reste à l’ère de balbutiements car rien n’aura changé dans la pratique. Le siège est Dakar et le patron sera un ivoirien. Un partage qui en dit long, du style colon qui semble plaire à tout le monde.

Le Fmi avait exigé d’une manière certes voilée à reformer l’institution-relique à cause de son inefficience. Après 50 ans d’existence, la reforme s’impose même si quelque part, à l’instar de l’ancien président français, la colonisation a été positive, en évoquant une certaine stabilité. La norme serait de changer de cap.

Avec la Banque Centrale, garante de la monnaie des comptoirs devenue celle des colonies, on ne maitrise pas nos prix et reste très vulnérable aux chocs exogènes sans moyens véritables de riposte, implicitement monétaire. En nous mettant des œillères, on feint de chercher la solution ailleurs inexistante sans ce recours.

Par ailleurs, on s’ingénie à nouer des partenariats, une coopération bilatérale et quémande une aide publique au développement. C’est drôle et consternant à la fois de s’adapter à ce jeu de dupes. Et subitement, on fustige les APE voulant privilégier le commerce et du coup, on s’avoue hors norme et vulnérable. Ce qui a fait gloser et rire sous cape Louis Michel de Bruxelles, nous qualifiant comme de rusés.

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Selon le spécialiste, le processus d’intégration économique dans le cadre de l’UMOA (née avant l’UEMOA) doit être soutenu par une monnaie. Et la viabilité de la zone monétaire tarde à se concrétiser même si le lien a été scellé en 1994.

En fait, rien n’a bougé puisque l’Afrique est en marge de tout et s’y complairait pour contenter le néo colon. Un demi siècle durant sous le joug de la BCEAO et on s’en glorifie, c’est comme si on refusait le progrès.

Avec la crise des ‘’subprimes’’, l’Afrique se glorifiait de n’avoir jamais subie les contrecoups de la crise financière. Ce qui traduit que le continent noir serait déconnecté financièrement parlant. Déduction logique, qui ne compte dans le système financier, ne peut se prévaloir d’être bien intégré et impulser un quelconque développement.

La monnaie est avant tout un intermédiaire des échanges, mais surtout usité pour servir d’instrument de protection commerciale et de promotion des exportations. Autrement, elle enrichit et s’érige en rempart contre les chocs et se mue en bonne variable. Pour corser le tout, le colon avait réussi à rompre le pacte de la convertibilité entre la BCEAO et la BCEAC fatalement pour anéantir.

L’Afrique était mal partie en faisant du mimétisme et elle s’enfonce davantage dans l’immobilisme en optant pour le suivisme et refusant le développement du simple fait de sa pusillanimité et son complexe d’infériorité, hésitant à marteler : ça suffit !! On a tout compris !

Le bon sens nous aurait amené à couper ce cordon de la soumission en créant une monnaie locale comme les pays limitrophes l’ont osé avec le ‘’Dalassi’’ et ‘’l’Ougouya’’. Et le ‘’Dereum’’ aurait du être notre monnaie locale au ‘’Djollof’’. Pourquoi n’avons-nous pas franchi le rubicond ?

Pourtant, nos voisins se sont affranchis du joug et s’en sortent plus ou moins. Mieux vaut végéter sans contrainte que d’être un gueux dans un cocon enrobé de fiel aux crochets d’un pays élingué par une Union pas mieux lotie.

D’ailleurs, la monnaie unique n’aurait de sens pour nous et revalorisant pour la postérité que si nous frappions la nôtre pour marquer la différence par la socialisation de cet instrument d’échange comme l’avait décrété un marabout mouride en associant ‘’Dereum’’ ak ‘’Nguereum’’, avec en prime la reconnaissance, voire la gratitude des hommes et la bénédiction de Dieu (l’éthique en numismatique).

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Le manque de patriotisme relèverait en partie de ce particularisme en restant trop attaché à cette francité rendant la jeunesse apatride, faisant de nous des binationaux exilés en terre africaine avec un hymne sans nom, voire une Marseillaise tropicalisée. (Que peut-on reprocher à nos joueurs binationaux ?)

L’heure de l’Afrique est arrivée ? On n’a plus le droit de faire semblant d’ignorer, en se sacrifiant pour la postérité sans redouter la dure transition d’une monnaie locale en attendant l’unique ‘’l’Eco’’ ou ‘’l’Afro’’. C’est maintenant ou jamais. Car, « c’est le continent que Dieu a mis en réserve pour l’humanité », dixit un visionnaire américain et ça devrait passer par cette monétarisation.

Idée relancée en 1983, la réalisation de la monnaie commune et unique avant l’an 2000, la première date prévue de fusion des zones monétaires de la CEDEAO, en 2013 trois décennies après, rien de concret, voire aucun jalon posé. Comme si les géants se faisaient prier pour aller vers cette monnaie unique.

Le spécialiste en monnaie et agent de la BCEAO persistait dans son deuxième ouvrage en 2003, en soulignant qu’ « il n’y aura pas d’intégration économique et commerce intra régional tant qu’on n’aura pas résolu la balkanisation monétaire, obstacle majeur ».

Aujourd’hui l’’échéance est repoussée sine die et l’Institut monétaire, érigé pour les besoins, semble léthargique. La date butoir reste improbable et une utopie de voir se concrétiser ‘’l’Eco’’ de l’autre zone avec sa demi dizaine de monnaies. Une équation pas simple à résoudre si l’on tente de démêler ces puzzles manigancés par le nord pour pérenniser sa domination.

Apparemment, rien ne présage, dans le moyen terme, la création de cette monnaie unique. Du coup, l’Afrique est hors circuit monétaire, donc en déphasage d’avec la « réal économik » et s’y complairait toujours pour contenter le néo colon. Une décennie dans les gangues de la BCEAO c’est comme si on s’auto flagellait.

Pour faire repartir le continent, on aurait du faire recours à l’Afrique du Sud, l’un des pays les plus riches de l’Afrique hormis le Nigéria, cette contrée des zoulous, avec son Rand, une monnaie forte, aurait pu aider à relancer l’économie africaine.

Ceci aurait constitué un retour d’ascenseurs pour les pays de la ligne de front ou satellites victimes de l’apartheid et mais aussi contributeurs patentés en servant de rempart à l’ANC. Un Congrès Africain qui prônait le panafricanisme et dénonçait la main mise de l’Europe. Les suppôts du nord de la ségrégation raciale feront capoter le tout pour préserver leurs acquis et garder intacte cette vache à lait.

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Thabo Mbecki (ancien président sud africain) tentera sous l’influence probablement d’un mentor (en l’occurrence Mandela) le concept de la renaissance africaine comme programme de relance qui trouvera l’assentiment de ses pairs lequel programme sera mixé avec le Plan Omega de Me Wade pour donner le NEPAD. Là aussi, l’Occident ne pouvait tolérer un tel affront ou ignorer un processus de son déclin et enverra ses sbires le torpiller.

Alors, les BRICS ne s’y retrouvent pas avec de telles monnaies, en voulant coopérer d’avec le sud. Tout autant le commerce interafricain ne se concrétisera malgré les corridors, les transsahariennes ou transcontinentales tant que cette monnaie unique ou locale ne se fera pas. Les émergents, dont l’africain la RSA pourrait enclencher le processus de monétarisation commune en offrant une seconde chance avec le Rand.

Qu’à cela ne tienne, la communauté regorge d’éminents spécialistes, en l’occurrence l’expert Burkinabé O. Ouedraogo, en mesure de solutionner l’équation par la construction d’un modèle bien pensé et conçu à la perfection. Les dirigeants sceptiques pourront consulter ses ouvrages de haute facture sur la faisabilité du projet de monnaie unique ou à défaut locale.

Le ‘’Dereum’’, au fait, nous garantirait des échanges normés et licites en mettant en exergue ce ‘’Nguereum’’ qu’est l’éthique dans les relations régulées, entourées de toutes les vertus de la doxa sénégalaise, éloignant des dérives comme la corruption, la cupidité, l’usure les évasions, les fraudes ou autres spéculations toxiques.

On doit amorcer une inversion de la tendance en exigeant de la tutelle une mutation vers une « monétisation », sous l’égide de ces grandes puissances pour une autonomisation afin d’intégrer l’Afrique dans ce cénacle, véritable rampe de l’émergence.

Brin d’espoir avec l’exhumation du NEPAD, sous la houlette de notre président, alias Mr Rupture, la réussite de ce projet global impactant le local, impose un deal avec les asiatiques, (la Chine ou le Japon) qui ne lésineraient à apporter toute l’assistance nécessaire pour cette monétarisation.

 

Abou Bakry DIAKO

membre du Collectif des Journalistes Economiques du Sénégal (COJES)

« aboudiako@gmail.com »

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