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Lettre Ouverte Au Président De La République Du Sénégal : C’est Quoi Un «pays De Merde» ?

Excellence,

J’ai lu avec intérêt votre tweet diffusé sur presque tous les sites d’information. Vous y avez pris la peine d’apporter une réplique aux propos du président des États-Unis qui a, soi-disant, insulté des pays qualifiés de « pays de merde ».  Deux questions me viennent alors à l’esprit : Donald Trump s’est-il vraiment trompé en disant qu’il y a des « pays de merde » sur cette planète ? Aviez-vous vraiment besoin de répondre à des propos qui ne vous étaient pas personnellement destinés ?

Avant d’entrer dans les détails de cette sortie qui a fait couler trop d’encre et de salive, essayons d’abord de lui trouver une définition. Le Robert nous définit ainsi l’expression ‘’De merde’’ : ‘’méprisable, nul; désagréable. Exemple : Quel temps de merde !| J’en ai marre, de ce boulot de merde. Loc. Un plat de merde : un ensemble de choses désagréables, mauvaises ».

Ainsi, on peut définir un « pays de merde » comme un pays où se passent des choses contraires à la bienséance, à l’éthique, à la noblesse, à la probité, au respect de l’autre, au patriotisme, au civisme. Qui peut, aujourd’hui, nier qu’il existe nombre de pays où les gens semblent vivre comme dans une jungle où tout est permis ?

Un « pays de merde », c’est un pays où les gens ignorent le sens du patriotisme. Un pays où l’amour de la patrie a déserté les cœurs depuis belle lurette. Un pays où hommes, femmes et enfants ne cherchent plus à inscrire leurs noms sur les pages glorieuses de l’histoire. Un pays où les intérêts supérieurs de la Nation sont relégués au second plan, chacun se souciant exclusivement de tirer son épingle du jeu, quitte à marcher sur des cadavres. C’est un pays où les politiciens ont fini par donner à la politique une image hideuse. Mensonges, trahisons, sorcelleries sont les moyens les plus courants pour se frayer une place au soleil.

Ces politiciens n’ont qu’un seul et unique objectif : ceux qui sont au pouvoir cherchent à y rester le plus longtemps possible, et ceux qui sont dans l’opposition à passer de l’autre côté par tous les moyens. Ils passent ainsi le plus clair de leur temps à faire, comme disait Camus, de la  « ….politique politicienne, faite de demi-mesures et d’arrangements, de petites charités et de subventions éparpillées », en vue des prochaines échéances électorales. Le pays est alors pris en otage par des roturiers sans vergogne qui ne vivent que pour les délices du pouvoir.

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D’ailleurs, même le peuple est atteint par le virus de la politique.

On ne parle que de politique, on ne vit que pour la politique. C’est un pays où les gouvernants sont les premiers à verser dans le je-m’en-foutisme. Ils pillent les deniers publics et s’enrichissent sur le dos des citoyens qui s’enfoncent, chaque jour davantage, dans la misère.

C’est un pays où l’Etat se la coule douce pendant que la majeure partie des citoyens tire le diable par la queue. Un train de vie fait de luxe, de luxure et d’enrichissement illicite. Un pays où voler des milliards est moins grave que voler une miche de pain. D’ailleurs, dans ce pays, les grands voleurs jouissent d’un traitement de faveur dans les prisons. Un « pays de merde », c’est un pays qui s’embourbe dans la dette, sans pour autant réaliser avec ses emprunts des investissements et des infrastructures qui la conduisent vers l’émergence.

Un « pays de merde », c’est un pays où la bienséance n’existe plus. YIWËDI MOO FAY NDAM DI FA WOY. Un pays où on se vante d’être grossier, malhonnête, corrompu, dépravé. Le stupre n’y est plus une situation honteuse. Un pays où homosexuels, prostituées, proxénètes et bandits de grands chemins s’affichent ouvertement sans scrupule. Un pays où les plus jeunes ne respectent plus les plus âgés. Un pays où la femme n’est plus qu’un objet indigne de considération.

Un « pays de merde », c’est un pays où l’éthique et la déontologie n’ont plus de sens. Un pays où le laxisme, l’absentéisme et la crise d’autorité ont fini par corrompre le sens du travail.Un pays où les travailleurs ne sont pas mus par cet élan de patriotisme qui fait croire qu’on est le seul à devoir faire avancer les choses.  Un pays où la corruption a gangrené tout le tissu social. Un pays où le citoyen est ignoblement racketté par un vil individu chaque fois qu’il exige son droit.

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Un « pays de merde », c’est un pays où on n’a pas le culte du travail. Un pays où les fêtes se succèdent à un rythme infernal. En faisant le décompte, on se retrouve avec plusieurs dizaines de jours chômés et payés, sans retombée économique notable. Un pays où les ministres, directeurs de services, députés et autres agents de l’administration n’ont que deux activités : assister à des cérémonies dites officielles ou parrainer des soirées dansantes.

Un « pays de merde », c’est un pays où les députés n’ont que deux activités lorsqu’ils ne sont pas tout simplement absents : dormir ou se crêper le chignon. Des gens qu’on qualifie d’honorables et qui ne se respectent même pas pour respecter les autres. S’il y a vraiment de l’argent jeté par la fenêtre, c’est bien celui qu’on utilise pour entretenir de tels parasites.

Un « pays de merde », c’est un pays où la noblesse n’a plus de sens. Un pays où les preux chevaliers qui connaissent la valeur de la parole donnée ont disparu. Un pays où règnent des individus imbus de contre-valeurs. Des hommes et des femmes versatiles, qui changent selon leurs intérêts.

Un « pays de merde », c’est un pays où on se soucie peu du respect de l’autre. Un pays où les libertaires règnent en maitres absolus, chacun se comportant comme si la rue était sa propriété. Un pays où personne n’a le sens des devoirs collectifs au sein de la société. On salit partout, on souille partout, on encombre partout, on vandalise tout et la seule formule qui vaille est : « MBEDD MIMBEDDUM BUUR LA ». Un pays où le voisin est incommodé à n’importe quel moment : on lui barre son chemin, on lui tape sur les nerfs avec de la musique assourdissante, on met sa santé ou sa vie en péril, avec des agissements et des comportements irréfléchis.

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Un « pays de merde », c’est un pays où le mensonge, la trahison et la haine ont effacé tout ce qui reflétait l’humanité. Toutes les relations, tous les liens sont rompus sans autre forme de procès. Un pays où il n’y a pas de réelles parentés, de vraies unions ou de sincères amitiés. Tout se fait sur la base d’un intérêt en jeu. On ment, on trahit, on déteste sans avoir une raison suprême de le faire.

Un « pays de merde », c’est un pays où les citoyens ne se sentent plus en sécurité. Les maisons sont transformées en forteresse au risque de devenir des pièges infernaux. Un pays où le banditisme a presque atteint son paroxysme. Meurtres, vols, viols, trafics de stupéfiants ont jeté le désarroi dans tous les foyers.

Excellence, « ce pays de merde » n’est pas le nôtre. Vous auriez bien pu vous passer d’une réponse qui n’aura, je le crois, que l’effet d’un coup d’épée dans l’eau. Vous savez bien que Donald Trump n’en est pas à son coup d’essai et qu’il faudra s’attendre, de sa part, à des couleuvres plus difficiles à avaler. Ce monsieur n’a fait que dire tout haut ce que d’autres –plus circonspects peut-être – disent tout bas. Permettez-moi de croire qu’il appartient à tous ceux qui s’offusquent de ces propos de faire une introspection, une autocritique objective qui leur permettra de ne jamais s’encombrer de ces vices qui feront d’eux des « citoyens de merde », puisque vivant dans un « pays de merde ».

Veuillez croire, Excellence, à l’expression de mes sentiments le plus respectueux.

 

Momar Ibn Sidaty

serignediagne@yahoo.fr

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