C’est avec beaucoup de regret et d’amertume que j’ai constaté, comme tout le monde, mais moins que les populations victimes, à la recrudescence des attaques rebelles en Casamance. Il faut nuancer ce mot car nous savons tous qu’il s’agit ni plus ni moins que du grand banditisme au nom d’une hypothétique lutte d’indépendance.
Les populations en sont exaspérées d’autant plus qu’à l’approche de chaque fête, les mêmes scénarios recommencent comme une symphonie macabre qui rythme leur vie. Les passagers des routes nationales et régionales qui partent de Ziguinchor (4, 5 et 6, Zig-Cap Skiring, Zig-Elinkine), victimes de braquages au moment où ils s’y attendent le moins, les populations du Balantacounda, victimes d’invasions rebelles qui ressemblent plus à de l’ironie quand on entend la description des faits dans le mode opératoire, dans la durée avec des assaillants qui prennent leur temps sans être inquiété, ont tous raison d’exprimer leur ras-le-bol. Il y va de leur vie, de leur sécurité, de leur droit de vivre en paix et de se déplacer librement dans leur pays : le SENEGAL.
Il est tout à fait humiliant et dangereux pour des citoyens sénégalais de se sentir si démunis, si abandonnés devant des bandits qui les narguent et les tuent à souhait chez eux. Je pense souvent à cette phrase légendaire que nos hommes politiques aiment bien vociférer dans les grands moments de sursaut patriotique verbal devant les micros des journalistes : « Nous ne céderons pas un seul pouce du territoire nationale à ….. ». Les populations des régions de Sédhiou et de Ziguinchor n’en demandent que la matérialisation, la traduction en acte, la réalité dans leur quotidien, dans leur avenir.
Depuis le déclenchement du conflit en Casamance, la situation n’a jamais été aussi favorable à l’Etat du Sénégal. En effet, entre querelles intestines, disparition des leaders spirituels et militaires et banditisme avéré, le MFDC (Mouvement des Forces Démocratiques de Casamance) ne plus se targuer de défendre l’indépendance de cette région du Sénégal et, encore moins, l’intérêt des populations. Les seuls à entretenir cette utopie sont ses membres exilés depuis des décennies et qui, très certainement, reçoivent des versions corrigées et embellies des exactions, crimes et viols commis par leurs frères bandits sur le terrain contre leurs propres parents, à l’opposée des idéaux qu’ils défendaient en public.
Peut être que les maquisards se disent qu’ils ont aussi besoin de vivre décemment comme les exilés qui sont au chaud et ne réagissent que sur seneweb.com quand il y un article sur la Casamance. Ils ne peuvent plus prendre les risques de se faire tuer sur le terrain en affrontant l’armée sénégalaise pour une cause perdue mais ils étudieront les positions de cette dernière, ses mouvements et ses tactiques pour l’éviter allègrement comme des lâches et s’attaquer aux populations sans défenses et les tuer comme à Djibanar, à Bounkiling, à Edjoungou et dernièrement à Diagnon.
D’autre part, aucun élément de l’aile extérieur n’a jamais été tué dans les pays européens, alors pourquoi eux accepteraient-ils de se faire tuer pour une cause qui n’est plus défendable ?
Les populations des régions de la Casamance sont convaincues depuis longtemps que la lutte des voyous du MFDC n’était pas la leur. Au contraire, elle est la principale cause de leur souffrance, de leur calvaire, de leur pauvreté paradoxale.
En y regardant de plus près, la rébellion ressemble à une malédiction qui les empêche de jouir de la richesse de leur sol, de leur culture et de leur histoire. Fuir ce paradis et vivre de l’assistance humanitaire, voilà l’alternative que leur propose le MFDC. Pour ceux qui seraient tentés de rester, s’ils ne sont pas tués, de toute façon ils ne pourront pas vivre de leurs champs minés et, s’ils échappent à tout ça, ils seront attendus à la récolte pour être délesté de leurs récoltes et de leurs oreilles, sans antidouleur!
L’appel des populations du Balantacouda adressé aux autorités sénégalaises pour l’installation de bases militaires fonctionnelles le long de la frontière avec la Guinée-Bissau n’est que la réponse claire et nette aux projets du MFDC. Elles ne veulent plus de son rêve, ni de son programme, ni de ses ambitions ethno-racistes. Elles veulent vivre et se mouvoir dans leur pays, le Sénégal, dans la sous région, exploiter leurs potentialités et contribuer grandement à leur développement sous toutes ses formes.
En franchissant ce pas, elles ont pris le risque énorme de s’exposer aux représailles des bandits. Mais, elles en sont conscientes, elles vont assumer ce choix auquel elles ont droit comme tous les Sénégalais, comme les ministres.
Alors, que fait l’Etat du Sénégal?
Il observe, réagit par petits coups, à retardement, contre les capacités et la volonté de son armée nationale. Celle-ci se retrouve réduite à jouer le rôle de ramasseur de cadavres, de fossoyeur comme si elle était au service du MFDC. Au lieu de l’empêcher de nuire, elle se met à nettoyer sa sale besogne, à occuper des zones que celui-ci ne veut pas occuper ou à suivre ses traces en prenant bien soin de ne pas l’approcher de trop près.
On n’a pas besoin d’être devin pour sentir l’état d’esprit de nos soldats qui ne comprendront jamais que leur suprématie ne serve qu’à faire le fanfaron, à parader et à occuper le terrain vide. Une armée en position défensive chez elle, face à une rébellion dispersée et désorganisée, cela n’existe qu’au Sénégal.
La raison est très simple, les Diambars n’ont pas les mains libres et leurs chefs sont des civiles plus préoccupés à préserver un électorat dont ils n’ont aucune certitude contre la vie des soldats. Après ces politiciens, depuis le ministre de la défense, un civil, il y a tous ces messieurs Casamance qui sont payés pour trouver une solution à cette crise mais qui savent tous que cette paix sera la fin de leur gagne pain. Ont-ils intérêt à ce que cela finisse un jour? Sont-ils assez patriotes pour se sacrifier sur l’autel de l’intérêt suprême de la Nation?
Si nous étions en situation de défaite militaire probable, je serai totalement d’accord avec une solution négociée mais je doute fort qu’en ce moment là le MFDC soit disposé à le faire. Au contraire, c’est toujours en mauvaise posture qu’il accepte de négocier pour gagner du temps, se réarmer et reprendre les opérations. Il apparaît ainsi que la situation de ni guerre ni paix que les journalistes aiment bien évoquer n’a jamais servi les intérêts de la paix, ni de l’armée nationale encore moins des populations vivant dans cette région.
Depuis 30 ans, l’armée n’a plus décidé de la tournure des événements faute d’avoir les coudées franches. Elle a suffisamment montré sa capacité à battre la rébellion partout avec les sacrifices nécessaires ainsi que ses souteneurs et complices où qu’ils soient sur le terrain de leur choix (Gambie et Guinée Bissau).
Personnellement, je suis convaincu que tous ceux qui appellent à une paix négociée avec les multiples factions rebelles sans une défaite militaire préalable ne comprennent rien à la situation ou sont complices de la situation. Depuis les premières armes hétéroclites de la rébellion jusqu’aux armes super sophistiquées iraniennes, le danger n’a fait que croître de paix en paix pour nos forces armées et personne, personne ne peut nier ce fait. Si le MFDC veut la paix pourquoi cherche-t-il à se réarmer pour devenir de plus en plus meurtrier?
Les seuls qui ont été réellement capables de les conduire à la table des négociations ne sont autres que nos Diambars. Mais qu’en sera-t-il quand les rapports de forces changeront, quand l’armée ne sera plus capable de les contenir dans le maquis ou hors du territoire national?
L’analyse de la situation stratégique de la sous région doit nous faire réfléchir sur une telle probabilité. Nous la croyions éloignée mais elle ne l’est plus depuis quelques mois. La Gambie a suffisamment montré sa traîtrise avec la complicité non cachée de son Président dictateur Yaya Jammeh. Il utilise cette rébellion pour prévenir les risques de coups d’Etat, en contrepartie, il arme certaines factions et leur permet d’opérer librement contre nos Diambars et de se replier chez lui. D’ailleurs, les attaques et braquages tout au long de la frontière gambienne n’ont jamais été conditionnés par les rapports de forces entre armée sénégalaise et rébellion mais plus tôt par les relations entre Dakar et Banjul.
L’autre menace, plus grande vient de la situation de cette partie de l’Afrique aggravée par les maladresses de notre diplomatie. En effet, la fin des conflits au Libéria, en Sierra Léone, en Côte d’Ivoire ont laissé au chômage des milliers de mercenaires avec des armes en libre circulation qui ne se gêneraient pas à servir dans le dernier point chaud de la Sous-région. Notre approche malheureuse en Guinée Conakry contre un Président légitimement élu ainsi que l’instabilité politique et la gangrène du narcotrafic en Guinée Bissau ne servent pas les intérêts du Sénégal.
Si nous ajoutons à cela la fin de la guerre civile en Libye où, même si nous avons adopté une position courageuse et maladroite, le risque de dispersion des armes super sophistiquées par l’intermédiaires des terroristes d’AQMI (Al Qaeda pour le Maghreb Islamique) ne peut pas être réfutée ou négligée. Il suffit d’analyser l’accrochage entre l’armée nigérienne et une colonne de livraison d’armes le jour de l’aid el kébir dans le désert en plus de la recrudescence des enlèvements et attaque des terroristes pour s’en rendre compte.
La seule solution qui nous reste est la première solution pour répondre aux populations du Balantacounda, du Fogny, du Kassa mais aussi à la devise de notre armée et de notre pays: la victoire militaire, quoi qu’elle puisse nous coûter!
Le Sri Lanka a montré comment gérer cette équation et, nous le savons tous ce n’est pas comparable. S’ils l’ont réussi, nous pouvons en faire autant, tant qu’il est encore possible pour nos Diambars de le faire. Nous n’avons pas besoin de militaires à Dakar, à Thiès, à Saint-Louis quand notre seul ennemi se trouve en Gambie et en Casamance. Que les pays qui abritent les rebelles qui ont du sang de citoyens sénégalais sur les mains nous les livrent ou nous irons les chercher jusqu’à Kanilay s’il le faut. Mais nous devons finir cette guerre pour nous, notre honneur, pour nos enfants, pour la terre, pour la paix et pour le développement du pays.
Nous nous mentirons si nous pensons trouver une autre solution. Que ceux qui doivent mourir meurent une fois pour toute et que les autres continuent à vivre. Comptons nos morts civiles et militaires, nos estropiés et nos disparus, tous filles et fils du Sénégal depuis 30 ans et faisons le bilan.
A côté des rebelles repentis, les meilleurs sont les morts qui n’ont pas laissé de mines anti-personnelles enfouies dans la verte Casamance pour la postérité. Préparer la réinsertion honorable de tous ceux qui veulent abandonner la lutte armée pour se mettre au service de leur patrie. Pour la première fois le MFDC a condamné violent des actes barbares commis par certains combattants. C’est un geste fort qui ne doit pas rester sans réponse de la part de l’Etat du Sénégal.
Déclarer les zones qui doivent l’être « zone de guerre », donner à l’armée ce dont elle a besoin en hommes et en matériel et la laisser faire son travail sans rendre de compte autre que « territoire définitivement libéré ».
Pour cela, nous avons besoin d’un Président fort, patriote, sans crainte de sanctions électorales négatives et d’un ministre de la défense militaire ayant acquis ses galons sur le théâtre des opérations à travers le monde.
Que Dieu bénisse le Sénégal!
Amadou Woury Baldé
Enseignant